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Les femmes de vétérans

Publié le 31 mai 2014 par Jclauded
Quelle image désolante que celle du ministre canadien des anciens combattants, Julian Fantino, se faufilant dans un corridor du parlement pour éviter volontairement d’écouter la complainte d’une femme d’ancien combattant, Jenifer Migneault, qui finalement a crié pour se faire remarquer par la presse. La télé nous montrait le ministre lui tournant le dos et accélérant le pas pour se sortir de cette situation.
Elle a bien fait. Tout ce qu’elle veut, c’est une rencontre avec le ministre pour lui faire part de la vie qu’est la sienne et celles de milliers d’autres épouses ou conjointes d’anciens combattants face au symptôme de stress post traumatique (SSPT) qui afflige un très grand nombre de nos soldats après leur retour à la vie civile.
Fantino, ancien chef de police de Toronto est député et ministre conservateur en fonction depuis près d’un an. Il est un dur qui n’accorde aucune importance aux relations humaines dans sa fonction.
Cela arrive au même moment où l’ex-lieutenant-général Dallaire démissionne de son poste de sénateur pour consacrer tout son temps notamment à ses recherches sur le SSPT (un mal dont il souffre) et à la lutte contre le phénomène des enfants soldats. Il faut se rappeler que ce vaillant soldat avait crié aux pays du monde entier, dont la France, la Grande-Bretagne et les USA, d’envoyer des troupes supplémentaires pour prévenir le déclenchement des massacres au Rwanda en 1994. Il n’avait pas été entendu et depuis, a toujours dénoncé cette inaction.

Nos soldats sont de jeunes volontaires qui sont déplacés sur différents fronts de guerre au monde. Ainsi le mari de Mme Migneault a fait partie de quatre missions importantes au Golfe, en Irak, en Haïti et en Syrie. Leur retour à la maison n’est pas toujours de tout repos car plusieurs se découvrent un trouble réactionnel découlant d’une blessure opérationnelle. Il vient, généralement, d’un évènement traumatique, qui les a marqués, comme la confrontation avec la mort, la peur de mourir ou lorsque leur intégrité physique ou celle d'un de leurs compagnons d’armes a pu être menacée. Cela a provoqué une peur intense, un sentiment d'impuissance ou un sentiment d'horreur. C’est le SSPT. Pour plusieurs, cela peut être de courte durée, pour d’autres, comme le mari de Mme Migneault, il se chronicise.
On peut facilement imaginer la répercussion sur les membres de la famille, particulièrement l’épouse, aux prises avec, ce qui est en fait, le prix ultime à payer pour le déploiement militaire de leur mari au service de leur patrie.
Le soldat Migneault a dû attendre sept ans avant que son syndrome soit reconnu et, malgré une médication hebdomadaire, les cauchemars continuent, l’anxiété persiste, la honte est pénible, le déni est perceptible, l’humeur est affectée, le suicide guette... La détresse est si présente qu’il ne peut être laissé seul. Les enfants ne comprennent pas, la famille souffre et celle qui encaisse tout, c’est l’épouse ou la conjointe.
Mme Migneault a cherché à confronter le ministre pour revendiquer de l’aide pour ces femmes qui ne sont « pas outillées pour bien accompagner les vétérans ». Dans son cas, ce n’est que lorsqu’elle a atteint le fond du baril et crié à l’aide qu’elle a obtenu une aide psychologique. Elle considère important que le ministre la voit, la rencontre, l’écoute car elle est l’image de toutes celles qui, comme elle, vivent des vies difficiles. Elle veut que le ministre ressente, avec raison, que toutes ces personnes doivent être reconnues comme des aidants naturels et qu’elles soient aidées dès le retour de leur soldat.
J’aime parler avec des vétérans. Je m’en fais un devoir car ces individus ont risqué leur vie afin que nous puissions vivre dans une démocratie saine, prospère et protéger. Dans les derniers mois, j’en ai rencontré deux. Un au Québec, l’autre à Puerto Rico. Je leur ai posé la même question « comment vous aide votre gouvernement ». Dans les deux cas, la réponse fut similaire : « rien, si on n’est pas blessé ». Ces hommes et femmes qui ont été enrôlés durant plusieurs années ne reçoivent pas d’appuis pour leur retour à la vie civile. Pas d’aide psychologique spontanée, pas d’aide pour trouver un emploi, pas de cours d’orientation pour parfaire leur éducation, pas de pension… seul l’hôpital militaire pour vétérans à leur disposition. Cela me semble injuste. Dans les deux pays, la réaction gouvernementale est similaire.
Aux USA, la colère des GI américains vient d’avoir raison du secrétaire américain aux anciens combattants qui a dû démissionner et Obama a promis « que son successeur se préoccupera davantage de leur sort ». À quand la démission de Fantino, qui refuse de rencontrer l’épouse d’un ex-soldat qui veut le sensibiliser afin que toutes les femmes qui accompagnent un vétéran qui souffre profondément de son service militaire, soient aidées ? Où est Harper qui a pris la décision d’envoyer nos jeunes dans plusieurs de ces situations guerrières ?
Claude Dupras

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