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[Web2Day] "L'impression 3D demande de penser les choses autrement pour se développer dans l'industrie"

Publié le 06 juin 2014 par Pnordey @latelier

La 3D ne sert pas à répliquer, mais à imaginer de nouveaux usages. Une antienne à intégrer pour mesurer véritablement les usages que cette technologie pourrait avoir dans le secteur industriel.

Entretien avec Alexis Girin, ingénieur R&D et expert en robotique à l'IRT Jules Verne. L'Atelier l'a rencontré pendant le Web2Day, qui se tenait jusqu'à aujourd'hui, à Nantes.

L'Atelier : Sur quoi travaille l'IRT en termes d'impression 3D ?

Alexis Girin : L'IRT a lancé un FabMake qui a pour but de fabriquer des prototypes et parfois des pièces uniques ad hoc répondant à un besoin précis. Le but des prototypes est de réfléchir sur des objets concrets, d'apprendre par l'expérience. Cela permet d'avoir moins de temps d'usinage, de fabrication, de coût. Mais aussi de se laisser plus le droit à l'erreur, ce que l'on pouvait moins se permettre avant. Si un prototype fonctionne, nous le constatons vite.

Vous collaborez avec le secteur de l'industrie. Selon vous, où en sont les professionnels dans la sensibilisation et l'utilisation de l'impression 3D dans leurs processus ?

Je ne peux me prononcer sur la totalité du marché. Néanmoins, les industriels de l'IRT sont tous intéressés. Ils commencent à comprendre que cela sort d'un simple usage ludique et qu'il y a une vraie révolution derrière. Mais ils attendent plus de retour, ils sont en attente de plus de qualification. La première question que l'on me pose est souvent sur les propriétés mécaniques des pièces que l'on fabrique. Or nous n'avons pas véritablement de retour par rapport à cela, puisque nous ne les avons jamais utilisées en production sur des systèmes concrets, des produits. Mais dès que nous aurons franchi ce cap-là, les choses devraient aller plus vite.

Quel sera selon vous le levier de prise en compte de l'intérêt réel de l'impression 3D dans ses processus métiers ?

Indéniablement la prise en compte du fait que l'intérêt de l'impression 3D n'est pas dans la réplique de l'existant mais dans la mise en place de nouveaux produits, pour de nouveaux usages. Et pour une réelle efficacité.

Tant que l'on comparera une pièce faite dans de l'aluminium avec une machine traditionnelle, et une pièce imprimée en 3D, on ne fera que constater que cela n'a rien à voir. En effet, il s'agit de matériaux différents et la pièce a été conçue pour être d'abord usinée en aluminium. Ce qu'il faut, c'est changer avant tout de point de vue.

Nous avons ainsi présenté à une grosse compagnie d'aéronautique des pièces en 3D qui ne pouvaient avoir été conçues autrement. Cela permet de montrer que nous ne sommes plus dans le comparatif, où l'on remplace un pivot de porte en aluminium par un pivot en 3D, mais qu'il est possible de penser les choses autrement.

Ce qu'il faut, en fait, c'est générer de la créativité.

Finalement, il faut travailler sur la pédagogie, la sensibilisation, sur le fait que les industriels doivent se mettre à imaginer de nouveaux concepts et pas seulement répondre à leurs besoins actuels ?

Tout à fait. Mais comme vous dites, il faut concilier les deux. Il faut intégrer le besoin actuel et simultanément apprendre à penser autrement. Je prends l'exemple de la cobotique, qui vise à faire coexister la robotique avec le travail humain. Le but n'est pas de remplacer l'homme, mais de concevoir la chose différemment, c'est une nouvelle philosophie. Pour nous l'enjeu est de faire faire aux robots des tâches effectives, comme porter toute la journée une torche à souder de 3 kilogrammes. Et à l'homme de confier le rôle d'expert. Seul lui pourra apporter de l'intelligence supplémentaire, une capacité d'adaptation. C'est la même chose avec l'impression 3D.

Je ne pense pas que celle-ci remplace demain la fabrication en série de pièces qui sont reconnues, classiques, faciles à faire. Mais elle va apporter de la nouveauté, permettre de concevoir des pièces répondant à de nouveaux usages tout en allégeant les contraintes de fabrication.

Renault par exemple a lancé un fablab pour encourager la créativité, commencer à penser autrement. D'autres entreprises comme Daer, un sous-traitant de première catégorie de l'aéronautique et du nucléaire, nous ont demandé de présenter à leurs collaborateurs des pièces ne pouvant être fabriquées autrement. Cela afin qu'ils commencent à réfléchir à non pas remplacer ce qu'ils savent faire (par exemple une poutre par une poutre imprimée), mais ce qu'ils pensent.

Est ce que les industriels commencent aussi à mettre en place des solutions utilisant la 3D et impactant plutôt leurs rapports avec le consommateur ?

Pas encore, car nous ne sommes pas encore allés assez loin dans l'imagination de l'utilisation de l'impression 3D pour aller jusque-là. Ils commencent à comprendre ce dont la technologie est capable. Cela commence à être transposé à leurs besoins, mais de là à l'appliquer jusqu'au business model et à l'appareil de production, il y a encore de la marge.

Les possibilités d'application seront ensuite multiples : pour le service après vente, par exemple, dans le secteur de l'électroménager. Plus besoin de raboter une pièce de série, ou d'avoir des délais de livraison pouvant s'étendre.

S'il a la référence et le design, le réparateur peut, avec une imprimante 3D dans son camion, aller imprimer directement la pièce. Cela reste complexe à mettre en œuvre car il faut avoir les fichiers de l'ensemble des pièces. Et aujourd'hui les technologies ne sont pas encore mûres. Mais oui, cela fait partie des adaptations de modèle sur lesquelles il faut réfléchir. Et nous n'en sommes pas si loin !


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