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Hubert Védrine – orgueil, prestige et conseil : par ici la monnaie !

Par Sergeuleski

   Après l’élection de François Hollande à la Présidence de la République, nombreux sont ceux qui, plus ignorants qu’optimistes, avaientfondé tous leurs espoirs sur le retour d’une France dont la diplomatie renouerait avec une tradition de recherche d'équilibre et d'indépendance, loin des prévaricateurs irresponsables et jean-foutre...

Diplômé de Sciences-Po et de l’ENA, occupant un temps les hautes sphères de l’Etat, à l’Elysée dès 1991 puis au quai d’Orsay jusqu’en 2002, en ministre des affaires étrangères copain comme cochons et larrons en foire avec Madeleine Albright, Condoleezza Rice … (après la mère, la fille… respectivement poids lourd et poids léger mais toutes deux secrétaires d’Etat) à l’heure d’une diplomatie américaine qui reposait (et repose encore aujourd'hui) sur des bombardements massifs de populations civiles et sur des assassinats chirurgicaux à l’aide de drones aux victimes collatérales multiples : écoles, réunions familiales, mariages, banquets, naissances et enterrements d’une pierre deux coups !…

Hubert Védrine, l’homme qui a un temps semblé pouvoir porter à bout de bras une diplomatie en faveur d’un monde multipolaire, tout en reconnaissant l’Hyper-puissance des USA (Védrine est à l’origine de cette invention sémantique ; et c’est là sa seule contribution à ce jour : sa capacité à nous dire ce dont tous les Peuples du monde ont pu, un jour ou l’autre, faire l’hyper-expérience sous une pluie de bombes)…

Cet homme-là donc aurait retourné sa veste, le soufflet retombé : à plat Védrine ! Dégonflé… à trois semaines du Tour de France : Védrine n’a donc pas fait plouf mais pschiiiiiiiiii………tt… le cul sur la selle.

   Certes, on nous objectera : « Mais… vous vous attendiez à quoi ? A ce que Védrine ré-occupe le quai d'Orsay 12 ans plus tard, et dénonce à qui veut bien l’entendre, ceci : Les USA sont une bande de trous du cul qui tuerait père et mère pour ne pas avoir à céder ne serait-ce qu’une once de pouvoir et surtout… ne pas partager quoi que ce soit avec qui que ce soit qui, au préalable, ne se soumettrait pas, et sans conditions à ses diktats tout en sachant que les USA ne leur laisseraient que des miettes quoiqu’il arrive. Parce que… pourquoi croyez-vous qu’ils s’entendent si bien avec Israël, le Qatar et l’Arabie Saoudite ? C’est les mêmes ! Bananes !»

Soit.

Faut pas rêver ! Aussi, ne rêvons pas, et ne rêvons plus.


   Quelqueslivres écrits et le plus souvent ignorés car rien n’est plus difficile que d’avoir quelque chose à dire ! Même si… au pays de Chateaubriand, faut bien tenter l’impossible auquel nul n’est pourtant tenu ; préfacier, « rédacteur » de rapports pour Sarkozy et pour Hollande (Védrine aurait-il un côté flic que nous ignorions : faire des rapports sur tout et tout le monde ?), enseignant à Science-Po, chroniqueur sur France Culture car, s’il n’y a pas de petites économies, tout gain, d’où qu’il vienne, est toujours bon à prendre, à son sujet, force est de constater qu’ils étaient tout aussi nombreux à voir en lui, potentiellement du moins, une sorte de Talleyrand. A la place, on découvrira un commentateur d’un monde dont les évolutions se font sans lui, occupé à regarder passer les trains de l’Histoire… de conférences en conférences, sous toutes les latitudes, à 20 000 dollars la phrase ou le paragraphe pour des gogos qui n’ont pas idée - faut dire que Védrine a pour modèle Kissinger, Henry de son prénom, surnommé « le boucher de la realpolitik » ; un conférencier à la voix pâteuse et lourde, à la diction professorale, ton assuré, un rien pédant, pour ne pas dire grand-chose sinon que … si c’était autrement, ce serait sûrement pire encore puisque personne ne souhaite que ça change, alors que la sagesse commande ceci : quand on n’a rien à dire qui n’ait pas déjà été asséné par des médias aux ordres, tous les jours de la semaine, on ferait bien et mieux, de garder le silence.

Ou bien alors, Védrine ferait partie de ceux qui, quand ils n'ont rien à dire, souhaitent que tout le monde le sache ?

   Qu'à cela ne tienne : soyons raisonnables et mettons-nous un instant à la place de Hubert Védrine : après son passage au quai d'Orsay, comment aurait-il pu se résigner à proposer à la cantonade et aux internautes épris de dissidence et friands d’un « penser autrement» en particulier, des vidéo-conférences gratis à la Etienne Chouard ou à la Jacques Sapir ou bien encore à la François Asselineau ; et puis… parce qu’il aurait soudain eu besoin de prendre l’air… sa participation à des colloques qui se tiendraient à Gaza ou à Téhéran, avec pour toute rémunération et défraiement, un plat de semoule et quelques fèves… délicieuses au demeurant car dans ces régions qui semblent quelquefois perdues pour l’humanité, on sait encore cuisiner...

Et puis… couscous ou pas, le caviar, c’est quand même autre chose ! Et Védrine veut s’en mettre jusque là ; et à la louche, s’il vous plaît !

Pour ce faire, en 2003, il créera HV Conseil au chiffre d’affaires de plusieurs centaines de milliers d’Euros.

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Contorsions et élasticités… en veux-tu en voilà ! La reconversion de Védrine dans le grand bain du business en conseiller des Princes de ce monde à la tête de multinationales ou des Etats, une oligarchie d’exception – proche du Groupe Arnault, Védrine siège au conseil d'administration de LVMH ; les dirigeants de Total le consultent régulièrement -, a sans doute été facilité par le fait que Védrine a la réputation d’être l’ami de tout le monde ; autant dire… de personne, et quand on sait que l’on juge un homme à ses ennemis …

On le dit froid et dépassionné dans ses analyses, dans ses diagnostics, et si d’aventure d’aucuns viendraient à le prendre au sérieux, dans ses recommandations ; froid donc mais pas cynique pour autant ; plutôt réaliste ; autant dire : sans ambitions pour les autres (pays, individus, Peuples...)

Aujourd’hui encore, à la critique d’un Hollande et d’un Fabius néo-cons atlantistes et sionistes (excusez ce pléonasme) comme c’est pas permis, il préfère le silence : « Pas de vagues, pas de vagues ! Surtout pas de vagues !  Et puis… jamais ! »

La polémique, c’est mauvais pour les affaires.

Rien sur le refus de laisser l'avion d’Evo Morales survoler l'espace aérien d'une France qui soupçonnait la présence d'Edward Snowden dans cet aéroplane.

Et sur le fond de l’affaire, la dérive techno-totalitaire de la NSA , rien non plus.

Rien sur l’Ukraine et la tentative de hold-up de l’Otan… ou si peu, à peine audible, tellement Védrine est précautionneux avec les intérêts de ses clients et prudent avec son argent.

A propos de cette circonspection face aux événements, de cette capacité de recul, voire de retrait, qui, nul doute, se voudrait la marque d'un homme aux analyses réalistes et pleines de sagesse, la rumeur va bon train : à propos du génocide du Rwanda (Védrine était alors secrétaire général de la présidence de la République), il se pourrait bien qu'il n'ai pas, lui et ceux qui l’entouraient et les autres qu’il a servis, les fesses tout à fait propres : « Vous nous ménagez ; en échange de quoi, on vous fait travailler et l’on se gardera soigneusement de vous glisser quelques peaux de bananes » ; et l’on ajoutera : « … tout en évitant de donner les clés de placards dans lesquels des squelettes attendent encore, entre deux balais, un seau et une serpillière, une sépulture décente, tout en agitant leurs membres décharnés.»

   Mais alors... que faut-il y lire dans cette reconversion de Védrine ? Fascination pour le Prince, pour le Maître des lieux, même à cent lieux d'ici ? Quête d’un Graal inaccessible au commun des mortels ? Jusqu’au jour où l’on franchit le pas : on fait le choix de se rapprocher de son excellence, on guette son regard, on mendie un sourire, on se prend à oser espérer pouvoir influencer ses décisions jusqu’à les faire sienne ; et c’est alors que le conseiller revêt les habits du Prince, chausse ses chaussures, convoite sa couche, de préférence quand il est le seul à l’occuper… alors que le bon sens et la sagesse voudraient que, face à un homme dit de « pouvoir », on prépare sans tarder la riposte, la contre-offensive ; et dans le pire des cas, la guerre : guerre sociale… guerre de classes… guerre pour le respect de la parole donnée et de ses engagements… guerre contre la concussion.

Qui a dit : « Quand je croise un homme de pouvoir, je change de trottoir ! »

   Loufiats passeurs de plats et portiers (on surnomme Védrine « l’ouvreur de portes » grâce à son carnet d’adresses) des puissances de l’argent et des Etats dominateurs de surcroît, et si tous ces conseillers des Princes de la politique et des affaires se vivaient Président et Prince par procuration ? Oui ! par procuration... en retrait, dans l'ombre d'une jouissance toute secrète... interdite, presque honteuse, le temps d'un entretien ou de la remise d’un rapport ?

Car Védrine, n'est-ce pas au fond...  la province rurale (il est né dans la Creuse…. faut-il y voir là un lien direct avec le caractère de ses interventions ? ) avec sa petite bourgeoisie parasitaire, de tout temps attirée, voire fascinée, par tout ce qui brille : les ors de la République en priorité ; une République confinée à un ou deux arrondissements de Paris...

Et quand on sait que Paris n’est pas la France…

   A l’heure où d’aucuns s’autorisent encore, téméraires, quelques analyses héroïques d’une situation sans précédent dans l’Histoire du monde : une alliance dévastatrice USA-Israël-Qatar-Arabie-Saoudite ; les uns pour allumer la mèche en déstabilisateurs pompiers pyromanes, les autres pour introduire le vers dans le fruit, et d’autres encore, les plus nombreux, pour porter l’estocade jihadiste  - chaos et génocide civil -, selon le principe suivant dont Machiavel n’aurait même pas osé rêver : quiconque ne se soumet pas, n’a qu’un droit : mourir d’une mort aussi atroce que lente et aussi sûre que la promesse de cette autre mort à terme, pour nous tous, même en temps de paix et sous tous les tropiques...

Rentré dans le rang avant même d’en être sorti, sinon si timidement qu’on en a gardé un souvenir plutôt vague et confus, déjà éteint telle une bougie soufflée… Védrine a soutenu la guerre faite à Kadhafi. Depuis, sur un ton badin… il n’a de cesse de chercher à nous rassurer : «Tout ne va pas si mal que ça dans le meilleur des mondes. La France a juste besoin de s’adapter. Ce qu’elle fera  volontiers ; libre mais contrainte. »

C’est sûr, on ne peut pas cacher très longtemps d’où l’on vient ! Un temps membre du bureau national du PS, Védrine personnifie à la perfection ce qu’est devenu ce parti(et les Verts… verts de gris, de la couleur du billet du même nom ; monnaie de singes pour des tartuffes de l’engagement politique en faveur du bien commun et de l’intérêt général) au fil des jours, des mois et des années à occuper les lieux du « non-pouvoir » grassement rémunérés – Elysée, Matignon ainsi que des dizaines de milliers de postes d’élus sur tout le territoire… et si par malheur vous osez leur enlever des mains la cuiller et le blinis rutilant -rapport à la course au caviar ! -, qu’ils s’apprêtent à porter à leur bouche, la sanction est immédiate : chantage au FN, chantage à l’antisémitisme, chantage à l’anti-américanisme primaire et au complotisme paranoïaque.

Le Maccarthysme, c’était vraiment de la rigolade en comparaison.

   Si d’aucuns se risquent encore à penser que l’on ne peut décidément pas servir Dieu et l’argent, de même serons-nous tentés d’affirmer que le bien commun et l’intérêt général s’accommodent fort mal de la recherche d’une réussite financière à tout prix, on reconnaîtra néanmoins à Hubert Védrine un seul mérite : avoir quitté la politique avant de faire des affaires, tout en demeurant membre du PS ; et cette fidélité à ce parti qui l’a fait et vu naître, dénote à la fois un esprit persévérant, loyal et cohérent car ce parti a toujours su réconcilier comme aucun autre avant lui, ce qu'il est devenu après 1983, « droite de moins en moins complexé » avec l’argent-roi, comme pour mieux nous conseiller à tous, d’aller voir ailleurs si ça se fait encore d’être « de gauche » et d’espérer quoi que ce soit… en homme…

Tenez : de gauche, justement !

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Pour prolonger, cliquez : Porter la crise au coeur du PS et des Verts


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