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Comment la gauche compromet l’indépendance du Québec

Par Monarchomaque

L'union fatale

Député du Parti Québécois dans Sainte-Marie-Saint-Jacques de 2006 à 2012, Martin Lemay s’est engagé, depuis son départ de la politique, dans une « vie d’écriture ». Auteur en 2013 des Lettres à un jeune gauchiste publié chez Accent grave, il consacre son deuxième ouvrage, L’union fatale : Comment l’union entre la gauche et le mouvement indépendantiste compromet l’indépendance du Québec, qui vient tout juste de paraître, également chez Accent grave, à une critique très sévère des liens entre la gauche progressiste et le mouvement indépendantiste. Extrait d’une entrevue avec Mathieu Bock-Côté.

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MBC : Votre livre s’inscrit dans une critique plus vaste de nos représentations de l’histoire québécoise. Au Québec, nous avons l’impression qu’avant 1960, c’était la grande noirceur, à laquelle auraient succédé les lumières de la Révolution tranquille. Cela nous amène à rejeter en bloc une partie fondamentale de notre passé, comme si pour nous émanciper, nous devions nous déraciner. Quelles sont, selon vous, les conséquences politiques de cette mémoire qui n’en finit plus de diaboliser le passé canadien-français? Croyez-vous que la réduction du passé pré-1960 à une grande noirceur a contribué, jusqu’à présent, à l’échec de l’indépendance?

ML : Voici ma réponse à votre troisième question : je suis convaincu que si l’identité et l’histoire canadiennes-françaises n’avaient pas été rejetées de façon aussi brutale et méprisante, le Québec serait aujourd’hui un État indépendant. Évidemment, cette assertion est basée sur une intuition et non sur la science. Il demeure que l’on n’ébranle pas ainsi une identité historique, déjà passablement fragile, sans conséquence. Je n’ai rien contre les remises en question et les évolutions normales de l’identité des peuples. Par contre, j’en ai contre les remises en question et les évolutions qui ont pour fondement la récusation de l’œuvre d’ancêtres dont la seule erreur aura été de lutter pour la « survivance » d’un petit peuple oublié de tous parce qu’enfoui sous quelques arpents de neige. D’ailleurs, avant toute chose, je crois que tous les nationalistes sincères doivent répondre à cette question du très regretté sociologue Fernand Dumont : « comment une capacité de création adviendrait-elle à un peuple s’il est convaincu d’avance que ce qu’il a auparavant accompli est sans valeur? [1] »

Il semble que cette question aussi douloureuse que lucide n’ait pas encore reçu toute l’attention qu’elle mérite. En effet, il y a encore aujourd’hui une certaine élite – bien placée dans les universités, les maisons d’édition et les médias – qui s’est spécialisée dans les remises en questions identitaires hargneuses. Bien que je reconnaisse la liberté d’expression et la liberté académique comme étant des éléments essentiels à notre démocratie, il demeure que je suis tout de même étonné de constater que cette petite élite tonitruante s’appuie sur des fonds publics pour faire leur travail de sape. À ce stade-ci, je ne peux que citer ces paroles sages de l’écrivain et philosophe Pascal Bruckner : « La passion critique qui avait pour fonction de délivrer l’individu des préjugés est devenue le préjugé le mieux partagé. Mais au-delà d’un certain seuil de vigilance, la raison se transforme en scepticisme destructeur. [2] »

[1] Fernand Dumont, Raisons communes, Boréal, 1997, p.107.
[2] Pascal Bruckner, La tyrannie de la pénitence, Grasset, 2006, p. 117-118.

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