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Trop belle pour toi - 8/10

Par Aelezig

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Un film de Bertrand Blier (1989 - France) avec Gérard Depardieu, Josiane Balasko, Carole Bouquet, François Cluzet

Poétique, philosophique... génial.

L'histoire : Bernard est patron de garage et marié à la plus belle des femmes, Florence, si belle que même leurs amis sont sous le choc chaque fois qu'ils la voient, si belle que même lui se sent parfois intimidé. Le jour où il embauche une nouvelle secrétaire, sa vie change. Colette est une fille pas très jolie, mais douce et charmante, infiniment normale. Une passion débute, tandis que Florence, désespérée, ne peut comprendre pourquoi sa beauté, qu'elle n'a pas demandée, lui rend la vie aussi compliquée...

Mon avis : Ah c'était le temps où Bertrand Blier nous faisait des films extraordinaires, d'une originalité et d'une qualité folles ! C'était le temps où le cinéma français savait produire talent et intelligence. Pas de violence et de sexe à tout va. Du texte, une caméra souple, des acteurs, du fond.

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Sur une banale histoire d'adultère, Blier nous dresse des portraits de femmes inoubliables et tisse, à coup de répliques extraordinaires, une éblouissante réflexion sur l'amour et sur la beauté-handicap... Oui, la beauté-handicap : celle qui fascine tant qu'on n'ose l'aborder, qui nous rend gaga et voyeur ; je me suis toujours dit que ça ne devait pas être drôle tous les jours d'être super beau et d'avoir constamment les gens qui se retournent sur vous. Je me souviens d'une collègue qui était belle comme un mannequin ; pas un défaut ; un visage extraordinaire. On la dévorait des yeux, garçons et filles réunis, tant de beauté est un ravissement ! Une contemplation. Et elle... elle en avait ras-le-bol. Ne se coiffait pas, ne se maquillait pas, rasait les murs...

La réalisation est époustouflante d'originalité, un trait caractéristique du cinéma de Blier. Qui a pu surprendre et déranger, mais que moi - et beaucoup d'autres - ont adoré. Je mets la phrase au passé car ses derniers films n'ont pas du tout le brio de ces années-là (Buffet froid, Notre histoire, Tenue de soirée, Merci la vie, Un deux trois soleils, Mon homme...). La mise en scène est complèment éclatée, pleine d'ellipses, la chronologie pas toujours respectée, mais ça n'a pas d'importance car le texte, le jeu des acteurs, et quelque part la simplicité du scénario, nous suffit amplement pour comprendre. Les acteurs tiennent des monologues, seuls, comme s'ils disaient tout haut leurs pensées, ou bien comme s'ils nous prenaient à témoin. Les décors sont peu nombreux. En fait cela ressemble beaucoup à du théâtre, mais ça reste du cinéma : beauté des mouvements, gros plans sur les visages...

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Parfois aussi les situations sont décalées : ainsi on retrouve Florence, femme au foyer, dans un quartier pauvre... Comme si le conteur qu'est Blier posait son scénario, se mettait à rêver et se demandait soudain "Tiens... et si au contraire..." ; c'est merveilleusement imaginatif.

J'ai adoré la scène de la danse : mariage de Bernard et Florence, ils dansent une valse. Elle est si belle, Carole, avec sa robe simple, sa couronne de fleurs, sa longue longue natte dans le dos, une princesse, une déesse celtique ! Ca a duré trop peu... j'aurais regardé ça pendant des heures !

Et le texte ! Magnifique ! Je voudrais avoir les oeuvres complètes de Blier écrites ! C'est d'une poésie sans nom, parfois terre à terre, parfois lyrique, chaque mot est pesé, chaque phrase réfléchie... J'ADORE. C'est tellement beau qu'on aurait plaisir à le réciter pour soi, tout seul. Et les mots sont complètement vivants dans la bouche de ces acteurs absolument magnifiques.

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Quelques répliques cultes (mais il y en a tant...) :

Je voudrais être moche... (Carole Bouquet)

Ca vous ennuie que je me repoudre le nez ? Il brille, mon nez... C'est pas comme mon avenir. (Josiane Balasko)

Une histoire d'amour, c'est comme une oeuvre d'art : il faut une étincelle, beaucoup de patience et la patine du temps. (Josiane Balasko)

Quand on en a assez de la vie, le truc c'est qu'il faut continuer à vivre. Regardez comme je continue à vivre. Regardez comme je vis. (Josiane Balasko)

En bande son, la musique de Schubert... qui a son propre rôle dans l'histoire. Bernard la déteste parce qu'elle est triste. Et son fils lui répond : "C'est romantique ; c'est pas fait pour être gai."

A voir et à revoir.

Merci Monsieur Blier, mille fois merci.


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