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Cocu et ivrogne (d'après "L'ivrogne" de Maupassant)

Publié le 06 juillet 2014 par Dubruel

~~L’un des deux marins, Mathurin, Disait à l’autre : -« Viens-t’en, Jacquot. Allons passer l’ temps aux dominos Chez Malvy. C’est mé qui paie. »

Tenté par le jeu et l’eau de vie, Jacquot hésitait. Il savait que s’il entrait chez Malvy, Il allait s’ivrogner. Il était aussi retenu par la pensée que sa femme allait rester seule à la maison.

-« Viens-t’en, Jacquot, allons ! Ta femme, va-t-il pas bassiner ton lit ? Qué qu’ tu crains ? » -« Rin ! » Ils entrèrent donc au café Malvy. La salle était pleine de matelots. Certains jouaient aux dominos, d' autres vociféraient. À peine attablés, Les deux amis commencèrent une partie.

Tandis qu’ils jouaient, les verres disparaissaient : Mathurin versait. Jacquot buvait. Puis la salle, elle aussi, peu à peu, se vidait. Mathurin posa un double-six et dit : -«As-tu assez picolé ? Es-tu rafraichi ? -« Non. Pus qu’il en coule, Pus qu’il fait sec, là-d’dans ! »

S’étant approché des deux joueurs, Malvy leur dit : -« Les gars, buvez tout votre saoul. Mé, j’ va m’ mettre au lit. J’ vous laisse la lampe et l’ fil-en-six. Y en aura pour vingt sous. Vous ferm’rez la porte. Glissez la clé d’sous comme vous avez fait l’aut’ nuit. » -« T’inquiète pas. C’est compris. »

Deux heures après, Mathurin se levait : -« Allez ! Bonsoir Jacquot, à demain. » L’ivrogne lui serra la main et sortit lui aussi. Mais il oscillait, trébuchait. Il heurta un mur, y prit appui Puis se remit en marche jusqu’à sa masure. Là, il eut du mal à trouver la serrure, jura beaucoup et réussit à rentrer chez lui.

Jacquot s'étant écroulé au beau milieu de son logis, sentit une ombre l’enjamber et fuir dans la nuit. Il ne bougea point, éperdu. Bientôt rien ne remua plus. Un peu de raison lui revint. Lentement il s’assit et attendit.

S’enhardissant enfin, Il prononça : -« Mélina, t’es là ? » Sa femme ne répondit pas. Un doute traversa sa cervelle obscurcie, Un doute indécis. Il cherchait ses idées.

-« Mélina, dis-mé qui qu’ c’était ? » Aucune voix ne s’élevait. Jacquot raisonnait tout haut maintenant : -« J’ sieus-ti bu ! J’ sieus-ti bu ! C’te complice, c’te traître, çu manant, C’te Mathurin qui m’a boissonné comma pour que j’ rentre pas ! »

Et avec une logique d’homme saoul, Il se dit : ‘’Oui, c’est Malvy p’isque Mathurin m’a r’tenu à la brasserie …Et les aut’ soirs itou …Pour que j’ rentre pas !’’ -« J’ vas cogner, j’ te préviens, Mélina ! » Frémissant de courroux, il se mit debout, fit un pas, heurta une chaise, la saisit, marcha encore, rencontra le lit, le palpa et, affolé de rage, grogna : -« Ah ! Saleté, t’étais là, Mélina et tu n’ répondais pas ! » Il abattit la chaise sur le lit. Un cri jaillit. Jacquot frappa à toute volée. -« Qui qu’ c’était ? » Mélina ne répondait toujours pas. Alors, Jacquot s’allongea et s’endormit au pied du lit.

Au matin, en se réveillant, Jacquot vit dans le lit une bouillie de chair et de sang.


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