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Ma parenthèse en Corée ou récit de mon expérience de résidence en Corée du sud

Publié le 08 juillet 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Aujourd'hui, nous accueillons Ghizlène Chajaï, artiste, qui nous raconte en quelques mots l'expérience de sa résidence en Corée du Sud, résidence qui a donné lieu à une exposition visible actuellement au CEAAC à Strasbourg. Merci Ghizlène pour cela. Je vous parlerai plus spécifiquement de l'exposition jeudi... Cécile.

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Tout d'abord mes connaissances de l'Asie que cela soit en art ou en culture générale ne concernaient pas la Corée mais le Japon ou la Chine.

Ce n'est qu'au cours de mes études à l’École des arts décoratifs que j'ai rencontré beaucoup d'étudiants coréens.

Au fil du temps ils sont devenus des amis et m'ont fait découvrir leur pays à travers leur histoire, des photos et les bons plats !

La Corée était une destination qui me tenait à cœur, je voulais aller à la rencontre de ce pays qui me paraissait familier.

J'ai donc postulé pour y faire une résidence.

La première étape est toujours difficile.

On écrit un projet, constitue son book, je me projetais déjà sur place mais on ne pas sait si on sera retenu ou pas, ni pourquoi. Alors l'attente est très longue.

Puis la réponse arrive et ce fut une explosion de joie qui a vite laissé la place à... l'organisation !

J'ai eu presque deux mois pour m'organiser et j'avais une expo en Italie qui tombait à ce moment-là donc c'était le marathon car il faut quitter son travail, ses engagements, prévenir sa banque, faire toutes les démarches administratives qui restaient en suspens !

Car même si l'on ne part que 3 mois, il vaut mieux tout prévoir car gérer l'administration à distance peut gâcher un séjour.

Une fois tout réglé, c'est le départ !

Beaucoup d'excitation, d'appréhension et de fatigue à l'arrivée.

Mais ce qui est bien quand on est en résidence c'est que l'on est considéré comme un artiste et ça, ça n'a pas de prix.

Pendant 3 mois, on n'a plus à se justifier. On est là car c'est notre place et ça repose l'esprit.

Quand je suis à Strasbourg, je dois travailler car je ne vis pas de mon art.

J'ai des petits boulots alimentaires, mal payés et précaires et ce n'est pas toujours évident d'expliquer aux collègues et à ma famille qu'à côté je suis « artiste ».

J'ai souvent droit à des réflexions du genre : « mais c'est pas un métier artiste, c'est un loisir ! », « Pourquoi tu fais ce travail alors que tu as fait des études ? », « tu crois qu'un jour tu vivras de ton art ? », « tu veux pas te poser, avoir un travail stable ? Pense à ta retraite, tu feras comment quand tu seras vielle ? ».

Bref je dois toujours me justifier, alors que les choses sont plutôt simples et claires pour moi, même si c'est pas valorisant aux yeux de certaines personnes de ne pas rentrer dans la case de la vie d'adulte ambitieux telle qu'il la conçoive.

À Goyang, j'ai eu des conditions de travail superbes, une équipe sympathique et à l'écoute, le rêve !

Je savais que ça ne durerait que 3 mois et qu'une fois de retour, la galère allait recommencer !

Car ici mon petit boulot est de produire mes pièces ! J'avais un atelier hyper grand et je gérais mon emploi du temps en fonction de mon rythme !

Du coup, j'ai mis ces pensées de côté et profité de ces conditions pour mettre à profit ce séjour.

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Ghizlène Chajaï en robe de mariée coréenne, les coulisse d'une résidence...

Mon objectif premier était de connaître la ville, de pouvoir me repérer et être la plus autonome possible. J'ai donc appris des mots en coréen, des formules de politesse et je n'ai eu aucun mal pour me faire comprendre !

Ensuite je voulais rencontrer des gens, discuter, échanger sur nos façon de vivre, nos préoccupations et nos projets.

En trois mois j'ai fait le plein ! Ça me manquait tellement de voir de nouvelles têtes, de parler de choses nouvelles. C'est très enrichissant et ça fait grandir.

J'ai toujours adoré voyager et j'avoue que voyager dans le but de produire des pièces ajoute un intérêt supplémentaire aux choix que l'on fait, que ça soit des lieux visités ou des personnes car les barrières tombent et j'ai accepté de m'approcher et d'être approché sans a priori.

Puis viens le temps où il faut faire un tri car les idées se bousculent dans ma tête, tout ce que j'avais vu a attiré ma curiosité : les temples bouddhistes, les arts traditionnels, la broderie, le confucianisme, les églises, la DMZ (zone démilitarisée) et les tensions avec la Corée du Nord...

Je suis arrivée début avril, la Corée du nord fêtait l'anniversaire de Kim Jong-un au pouvoir et l'anniversaire de Kim il-sung, le grand père, fondateur de la Corée du Nord.

Goyang se situe sur une zone militaire, j'ai donc pris conscience de la réalité en assistant à un défilé

de chars et à la forte présence militaire pendant cette période de crise.

À la télé, je voyais des images de guerre en boucle et des discours que je ne comprenais pas, pourtant je commençais à saisir pourquoi les coréens du sud (qui m'entourent) ne parlent pas de la Corée du nord et feignent d'ignorer ses colères répétées, les gens autour de moi étaient complètement blasés et indifférents pour ne pas tomber dans ce chantage, c'était très étrange, j'hésitais entre flipper ou rester calme en permanence.

Je me trouvais dans un pays qui n'est pas en paix ! et je ne m'en rendais pas compte avant de venir.

J'ai donc commencé par faire des dessins, trier mes documentations et fait une première pièce et photographie.

Trois mois ça passe très vite donc le but pour moi n'était pas de produire le plus de pièces mais de comprendre de quoi j'allais parler.

Il faut aussi prendre du recul, c'est pour cela qu'il est bien d'avoir du temps après la résidence pour continuer à produire et à se documenter.

À mon retour :

S'organiser pour produire sans atelier, garder en tête le maximum de souvenirs, retrouver un emploi, trouver un autre projet et de nouveau devoir se justifier...

Bref ça fait mal de revenir même si j'avoue que certaines choses me manquaient.

Cette résidence a été pour moi une parenthèse enchantée et oui, j'aimerai un jour pouvoir y retourner, retrouver les visages des Ajummas (les femmes âgées bariolées de couleurs) qui m’ont tant fait rire et réciproquement, les immeubles illuminés et les machines qui parlent.

Ghizlène Chajaï.

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 Ppalgan - Ghizlène Chajaï, exposition du 21 juin au 20 juillet 2014.

Ceaac / 7, rue de l'abreuvoir / 67000 Strasbourg / 03 88 25 69 70 / Ouverture du mercredi au dimanche de 14h à 18h. Entrée libre.


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