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~ LE GUEUX (d'après Maupassant)

Publié le 09 juillet 2014 par Dubruel

À l’âge de quinze ans, Il avait eu un accident Sur la grand-route d’Étampes. Une voiture lui avait écrasé Les deux jambes.

Depuis une quarantaine d’années, Il quêtait de chaumière en chaumière Mais on ne lui donnait guère Car dans les hameaux, On ne le connaissait que trop.

Les paysans l’avaient surnommé : Cloche, parce qu’il se balançait Entre ses béquilles de bois Comme une cloche entre ses portants.

Ce jour de décembre, un vent froid Courait sur les champs. Le gueux s’assit dans un fossé, Pour être à l’abri et se reposer. Il n’avait en tête qu’une seule idée : Manger. Oui, mais par quel moyen ?

Depuis trois heures sous ce vent glacé, Il peinait sur les chemins, Visitait les maisons qu’il connaissait Mais le gueux n’entendait Que des : « Veux-tu t’en aller ! » Ou des : « J’ serons don’ jamais Débarrassé d’ té ? »

Le gueux s’assit enfin contre le mur De la ferme de maître Chambure. Il y resta longtemps, torturé par la faim. Des poules noires s’approchèrent. D’un coup de bec, Elles piquaient un grain Ou un insecte. Le pauvre hère Songea qu’une de ces bêtes-là Serait bonne à manger.

Le soupçon qu’il allait Commettre un vol ne l’effleura pas. Comme il était adroit, Il en a tué une avec une longue tige de bois. Il saisit ses béquilles Et se levait pour ramasser le volatile Quand il reçut une terrible poussée Dans le dos qui le fit chuter.

Maître Chambure le rouait de coups, Tapant des poings et des genoux. Après l’avoir assommé Et enfermé dans son bûcher, Le fermier est allé chercher Les gendarmes qui ont enfermé Cloche dans la prison Du canton Sans imaginer Qu’il voulait manger.

Le lendemain Quand le brigadier vint Pour le questionner, il le trouva mort. Voilà d’un gueux le triste sort.


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