Magazine Cinéma

Blue Ruin, de Jeremy Saulnier

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] BLUE RUIN

Titre original : Blue Ruin

Note:

star [Critique] BLUE RUIN
star [Critique] BLUE RUIN
star [Critique] BLUE RUIN
blankstar [Critique] BLUE RUIN
blankstar [Critique] BLUE RUIN

Origine : États-Unis
Réalisateur : Jeremy Saulnier
Distribution : Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves, Kevin Kolack, Eve Plumb…
Genre : Drame/Thriller
Date de sortie : 9 juillet 2014

Le Pitch :
Un vagabond solitaire sort de sa torpeur pour accomplir une vengeance sanglante. Pour cela, il s’improvise tueur et doit rapidement faire face aux conséquences de ses actes, qui mettent en péril sa famille…

La Critique :
La ruine bleue du titre fait référence à une voiture. Celle du protagoniste principal du film de Jeremy Saulnier, interprété par Macon Blair. Une vieille Pontiac Bonneville bouffée par la rouille, qui, par on ne sait quel miracle, roule encore, et qui sert aussi accessoirement d’abri à un vagabond au regard torve et à la barbe broussailleuse. Un type en pilotage automatique, retiré de tout, se servant dans les poubelles et infiltrant les maisons pour se laver, avant de regagner le bas côté de la route que personne ne regarde, tandis que le temps passe inexorablement.
Une voiture illustrant une tonalité sombre et désabusée, mais néanmoins jamais plombante. La faute à Jeremy Saulnier et à sa volonté de ne pas tomber dans l’excès. Il laisse parler les images, sans manichéisme. Un choix qui se justifie d’autant plus lorsqu’on découvre le pourquoi du comment de ce type semble-t-il oublié de tous. Les cheveux, la barbe, la voiture, soit autant d’éléments censés constituer une sorte d’armure. Une panoplie rendant cet homme invisible aux yeux d’une société tragiquement habituée à ignorer ces marginaux.
On s’en doute, ce vagabond cache un lourd passé. Il s’est passé quelque chose dans l’existence de cet homme. Un événement qui a tout changé. Et c’est là que débute le film. Quand ce passé revient par la grand porte, armé d’une question cruciale et déterminante : le locataire de la ruine bleue va-t-il aller jusqu’au bout ?

On s’aperçoit dès les premières minutes que Dwight, le personnage central de Blue Ruin, n’est pas un ersatz de Charles Bronson ou de Clint Eastwood. Pas particulièrement charismatique, il ne fait pas partie de ces bras armés d’une justice sourde et violente, même si au fond, c’est de cela dont il s’agit. De la volonté d’un homme à priori fini, animé par une soif sanguinaire de vengeance, qu’il n’est peut-être pas prêt à assumer pleinement. S’improviser tueur n’est pas chose facile. Surtout quand on ne sait pas se servir d’une arme à feu et qu’on s’attaque à une famille mafieuse redneck.

Le nouveau film de Jeremy Saulnier ne va pas chercher midi à quatorze heures. Habité par une simplicité salvatrice et remarquablement pertinente, Blue Ruin nous présente la détresse d’un homme à la dérive, dont le seul désir est de régler leur compte à une bande de salauds responsables de l’effondrement de son monde. Nous ne dévoilerons pas ici les tenants et les aboutissants de Blue Ruin, même si au fond, cela n’a pas vraiment d’importance. Ce qui compte dans ce thriller réaliste et viscéral , c’est sa propension à orchestrer le dernier sursaut de vie d’une âme abimée. Un sursaut motivé par un désir de mort. La transformation de ce monsieur tout le monde ne se fait pas sans heurts. Sa progression est laborieuse et le film de faire monter crescendo une tension amenée à exploser dans une sauvagerie répondant aux actes ayant tout déclenché.

Bête de festivals précédée d’une illustre réputation, Blue Ruin est donc animé d’intentions louables. Les mêmes qui peuvent habiter les longs-métrages de Jeff Nichols par exemple, Shotgun Stories en tête. Pourtant, l’exécution pêche souvent. Avec son rythme lent, et sa progression en dent de scie, le long-métrage peine à instaurer durablement une tension voulue étouffante. Pur film de genre, Blue Ruin s’inscrit dans une grand tradition américaine, mais est également marqué par une patte indie finalement très moderne. La réalisation, la photographie, et l’interprétation au cordeau pleine de sensibilité de Macon Blair, impressionnent et entérinent la réputation d’un réalisateur à suivre, mais l’ennui n’est pas toujours gardé à bonne distance, et la simplicité extrême d’un scénario brutal, ne trouve pas toujours un écho percutant dans la mise en image. On comprend que Saulnier n’ait pas voulu sombrer dans le revenge movie bas du front, mais finalement, son long-métrage en possède la plupart des automatismes. Des gimmicks et des codes respectés pour une rythmique trop laborieuse, qui noie un peu l’immédiaté du pitch initial. Un peu comme si on assistait à la confrontation de deux écoles de cinéma. À celle, par exemple, des Frères Coen et des Frères Dardenne. Et c’est cette patte plutôt contemplative qui confère un petit supplément de prétention à une œuvre qui n’en appelait pas tant.

Vigilante movie âpre et parfois furieux, Blue Ruin accumule les bons points mais pêche à exister par lui-même, écrasé par une somme d’influences parfois mal digérées. Pas de quoi gâcher l’intégralité du tableau, mais suffisamment handicapant pour ne pas hisser le film au rang des classiques dont il s’inspire.

@ Gilles Rolland

Blue Ruin photo [Critique] BLUE RUIN
Crédits photos : The Jokers / Le Pacte


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onrembobine 57561 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines