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Vomir l’école

Publié le 20 mai 2008 par Argoul

La quête adolescente, l’incertitude sur soi, la peur de s’engager ne datent pas d’hier. Mais en quoi l’école y aide, qu’elle soit « instruction publique » ou « éducation nationale » ? Il suffit de lire la correspondance de nos grands auteurs pour mesurer son insignifiance. Flaubert tout particulièrement qui, voici presque deux siècles, avait le regard aigu sur lui-même et sur la société de son époque et son pays. La vanité sociale, la prison aride du collège, la petitesse française, l’évasion chez Homère et Montaigne – comme tout cela reste de notre temps !

Une société victorienne :

15 ans – Flaubert est amoureux platonique depuis ses 14 ans de la belle Elisa Schlesinger mais le collège contraint tous les désirs : « Continuité du désir sodomite, 1er prix (après moi) : Morel. » p.26
19 ans - « Je hais l’Europe, la France mon pays, ma succulente patrie que j’enverrai volontiers à tous les diables, maintenant que j’ai entrebâillé la porte des champs. Je crois que j’ai été transporté par les vents dans ce pays de boue, et que je suis né ailleurs, car j’ai toujours eu comme des souvenirs ou des instincts de rivages embaumés, de mers bleues. » p.76

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Une société hypocrite :

16 ans - « Eh bien donc je suis parvenu à avoir la ferme conviction que la vanité est la base de tout, et enfin que ce qu’on appelle conscience n’est que la vanité intérieure. Oui, quand tu fais l’aumône il y a peut-être impulsion de sympathie, mouvement de pitié, horreur de la laideur et de la souffrance, égoïsme même, mais plus que tout cela tu le fais pour pouvoir te dire : je fais du bien, il y en a peu comme moi, je m’estime plus que les autres… » p.35
21 ans - « Etre en habit noir du matin au soir, avoir des bottes, des bretelles, des gants, des livres, des opinions, se pousser, se faire pousser, se présenter, saluer, et faire son chemin, ah mon Dieu ! » p.98

Une éducation chiourme :

17 ans - « Ah nom de Dieu, quand serai-je quitte de ces bougres-là ? Heureux le jour où je foutrai le collège au diable. » p.48
« A une heure je vais prendre ma fameuse répétition de mathématiques (…) mais n’entends rien à cette mécanique de l’abstrait et aime bien mieux d’une particulière inclination la poésie et l’histoire qui est ma droite balle. » p.54
19 ans - « Il veut se faire recevoir agrégé de grammaire et il apprend les verbes composés et la syntaxe. J’aimerais mieux un lavement ! même quand on y aurait mis de la graine de lin. » p.65

Le refuge auprès des anciens :

17 ans - « Mais je me récrée à lire le sieur de Montaigne dont je suis plein, c’est là mon homme. » p.52
21 ans - « Homère est beau comme la Méditerranée : ce sont les mêmes flots purs et bleus, c’est le même soleil et le même horizon. » p.94

(Flaubert, Correspondance tome 1, édition Jean Bruneau, La Pléiade).

A méditer pour les adjudants de vertu éducative et les adeptes experts du formatage scolaire. Pourquoi donc tous les grands Français ont-ils vomi le collège ? Et pourquoi tous ceux qui s’y sont senti bien, parfaitement adaptés, « excellents élèves » jugés par leurs maîtres, sont-ils devenus ces technocrates conformes et sans âme, ces machines fonctionnaires obéissantes et glacées, sûres d’elles-mêmes et de leur pouvoir de caste ?

Y aurait-il une « erreur » de programme dans le logiciel scolaire français ?


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