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Loi sur la transition énergétique : le Cese (Conseil économique, social et environnemental) s'interroge sur l'ambition du texte

Publié le 09 juillet 2014 par Blanchemanche

Après le CNTE (Conseil national de la transition écologique), le Conseil économique, social et environnemental estime discutables les objectifs qui encadrent le mix énergétique prévus dans le projet de loi. Les moyens financiers déclinés dans la loi de finances devront être "à la hauteur".
Loi sur la transition énergétique : le Cese (Conseil économique, social et environnemental) s'interroge sur l'ambition du texte
A son tour, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté le 9 juillet son avis sur le projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français. Saisi en juin dernier par le Premier Ministre, le Cese estime que le projet de texte "ne comporte aucun chiffrage financier global, ni mesure par mesure". Cette loi de programmation est présentée comme "une loi de mobilisation et d'action, afin de mettre le pays en mouvement. Cette dimension de mobilisation est trop peu présente dans ce projet", pointent les co-rapporteurs de l'avis, Jean Jouzel, directeur de recherche au CEA (section de l'environnement du Cese) et Laurence Hézard, directrice générale de GrDF (section des activités économiques).
Réduction du nucléaire inconstitutionnelle ?
Les objectifs de baisse de la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50% d'ici 2025 et de réduction de moitié de la consommation énergétique finale entre 2012 et 2050 "ne font pas consensus",juge le Cese à l'instar du Conseil national de transition écologique (CNTE) dans son avis rendu le 3 juillet.
Réduire la consommation énergétique finale de 50% en 2050 est jugé "hors d'atteinte pour certains membres du Cese, sauf à imposer, selon eux, une sobriété insoutenable pour les populations". Ces derniers dénoncent également "le caractère exclusivement politique et l'absence de fondement économique" de la limite de la part de l'atome en 2025. "De ce fait, ils restent préoccupés face à des orientations susceptibles de mettre en cause la capacité de notre système énergétique à répondre aux besoins dans une perspective de croissance renouvelée". Plusieurs membres du Cese considèrent que la limitation de production de l'électricité nucléaire à la capacité existante, prévue dans le texte, soit 63,2 GW est "contraire à la Constitution". Le CNTE a également "attiré l'attention sur le caractère inconstitutionnel" concernant le plafonnement de la capacité nucléaire et l'encadrement de son évolution et a considéré que "l'étude d'impact fournie ne permet pas de chiffrer correctement le coût engendré".
Alors que le texte vise une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport à 1990, le Cese appelle à "réaffirmer" l'objectif de diviser par quatre (facteur 4) les émissions en 2050, prévu dans la loi Grenelle 1 de 2009. "L'actuel article L 100-4 du code de l'énergie fait clairement référence à cet objectif du «facteur 4», ce que ne fait plus la rédaction du projet de loi", pointent les rapporteurs. Or, la nouvelle rédaction de l'article L100-4, "en supprimant tout renvoi" à la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique de 2005 (loi POPE) "peut laisser penser que le droit d'accès à l'énergie disparaît des objectifs de la politique énergétique nationale", s'inquiètent-ils.Ce droit d'accès à l'énergie doit donc être "réaffirmé" dans le projet de loi.
Le Cese souhaite que le texte intègre l'objectif européende 20% d'économies d'énergie primaired'ici 2020 ainsi, qu'à l'instar du CNTE, un objectif national d'efficacité énergétique à horizon 2030.
EnR : l'objectif 2030 loin d'être atteint
Le projet de loi prévoit également une augmentation à 32% de la part de production renouvelable (EnR) dans la consommation énergétique finale à horizon 2030. Alors que la part d'EnR s'élevait à 13,7% en 2012, la France est "en retard" sur ses objectifs de 20% en 2020, note le Cese. Avec une hausse moyenne de 0,5 à 0,6% par an de la part des EnR "sur les sept dernières années", le Conseil estime que l'objectif 2030 ne pourra être atteint "qu'avec des dispositifs supplémentaires par rapport au projet de loi". Si les tarifs d'achat pourront toujours être utilisés, notamment des tarifs d'achat variables, le texte introduit un"complément de rémunération" (prime) pour les producteurs d'énergie vendant directement leur production sur le marché de gros. Ces différents types de soutiens seront accessibles par appels d'offres. Le Cese considère que la péréquation nationale des tarifs d'achat doit rester couverte par la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) tout en soulignant son objectif de "solidarité nationale à l'égard des Outre-mer et des zones non interconnectées". Le Conseil "insiste" pour que des phases d'expérimentation sur les nouvelles modalités de soutien aux projets EnR soient prévues, en particulier pour les petits et moyens projets, de même que pour les filières renouvelables "non matures".
Rénovation des bâtiments : quid des modalités de financements ?
Le Conseil considère comme "justifié" que la rénovation des bâtiments soit "une question centrale du projet de loi". Les effets des mesures dépendront des modalités de leurs financements et de leur pérennité. Les dispositions financières annoncées par la ministre de l'Ecologie (extension et renforcement des allègements fiscaux, relance de l'éco-prêt à taux zéro…) devront attendre la prochaine loi de finances et les suivantes pour entrer en vigueur. Or, ces dispositions n'ont pas encore été inscrites dans la loi d'orientation budgétaire et le projet de loi de finances pour 2015. "Aucune précision n'est donnée à ce propos", s'inquiète le Cese.
Le projet de loi instaure un fonds de garantie pour la rénovation énergétique et prévoit le service d'un tiers financement. "Considérant que le système de tiers-financement est par nature hybride (conseil, prescription, réalisation et financement de travaux)", le Cese souhaite ouvrir la possibilité aux collectivités territoriales d'en être opérateur. "Une telle ouverture permettrait aux collectivités d'articuler le dispositif avec les programmes d'action régionaux en faveur de la formation professionnelle et la promotion des qualifications dans le secteur du BTP. Ce mécanisme qui suscite des interrogations mériterait d'être sécurisé".
Concernant le fonds de garantie, il serait "opportun" d'étendre la réflexion aux travaux de rénovation énergétique réalisés dans des locaux professionnels, ajoute le Conseil. Ce fonds devrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations et être financé par les distributeurs d'énergie qui recevront des certificats d'économie d'énergie (CEE) en contrepartie. Le projet de loi instaure également un chèque énergie permettant aux ménages modestes "d'acquitter tout ou partie du montant des factures d'énergie ou des dépenses pour l'amélioration de la qualité environnementale du logement". Mais le Cese regrette que le projet de loi n'aborde la précarité énergétique qu'à travers le chèque énergie "qui ne répond pas entièrement aux besoins des personnes concernées". Il s'interroge en particulier sur ses moyens affectés notamment pour aider les ménages à sortir de la précarité énergétique et appelle àélargir le nombre des bénéficiaires des tarifs sociaux. Les dispositifs de financement de la rénovation seront précisés lors des conclusions de la conférence financière et bancaire attendues fin juillet.
Transports : promotion du "tout-électrique"
Si le Cese salue l'intégration d'un titre transports au projet de loi, il déplore qu'il soit limité "à promouvoir le tout-électrique" alors que le marché "peine aujourd'hui à démarrer vraiment" : 14.000 voitures électriques ont été vendues en France en 2013 soit 0,5 % du total des immatriculations. Quant à l'objectif d'au moins 7 millions de points de charge installés – "le seul qui soit chiffré" - il apparaît "particulièrement ambitieux voire disproportionné au regard des mesures avancées (le nombre de points de charge ouverts au public étant estimé à 8.000 à la fin de l'année 2013)", ajoute le Cese.
L'objectif fixé par le Premier ministre d'aboutir à un moteur ne consommant plus que 2 litres aux 100 kilomètres "devrait être rappelé" dans le texte, estime-t-il. Pour le transport des marchandises, "la priorité" devrait notamment être donnée à la création de plates-formes logistiques et à la modernisation des infrastructures "rendant compétitive l'utilisation du ferroviaire et des voies fluviales". Le Conseil souligne également "l'absence de dispositions favorables" aux plans de déplacement d'entreprises et d'administrations, articulés avec les plans de déplacement urbains.
Pour le Cese, ce projet de loi "peut constituer une nouvelle étape de l'histoire de l'énergie de la France" si un certain nombre de conditions sont réunies : "les moyens financiers qui seront déclinés dans la loi de finances devront être à la hauteur des enjeux ; la mobilisation des acteurs doit être favorisée via une démarche incitative, un effort massif de recherche et développement doit être engagée ; les mutations industrielles et en termes d'emplois doivent faire l'objet d'études d'impact et être anticipées ; la précarité énergétique doit être abordée dans toute sa dimension et la préservation des ressources naturelles doit être assurée", conclut-il.
Rachida Boughriet
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