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Un poison violent - 7/10

Par Aelezig

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Un film de Katell Quillévéré (2010 - France) avec Clara Augarde, Lio, Stefano Cassetti, Youen Leboulanger-Gourvil, Michel Galabru, Thierry Neuvic

Doux, mélancolique et frais.

L'histoire : Bretagne. Anna, quatorze ans, revient de son pensionnat pour les vacances, dans la grande maison familiale. Elle apprend que son père est parti, pour vivre avec une autre. Sa mère est dévastée, entre colère et chagrin. Anna va devoir vivre ce bouleversement alors qu'elle même se trouve physiquement en pleine transformation, entre la petite fille et la femme. Mais des amis sûrs l'entourent, son petit amoureux, le curé du village, et puis son grand-père, bien malade, mais l'esprit toujours aussi frondeur et ensoleillé...

Mon avis : On a beaucoup entend parler partout, il y a peu, de Katell Quillevéré pour son premier film, Suzanne, une superbe réussite, dit-on. Je  ne connaissais pas cette jeune réalisatrice. Son premier opus, Un violent poison, est passé sur Arte il y a quelques mois et, prise dans l'ambiance de la promo de Suzanne, je l'ai enregistré, bien que ce ne soit pas trop mon genre : tranche de vie, adolescence... Je l'ai vu hier soir et ma foi ce fut une bien jolie découverte. Il ne se passe pas grand chose, c'est vrai, mais il y a une ambiance, une poésie, une sorte de magie... que je dirais "bretonne" et qui m'a beaucoup touchée. La réalisation est très maîtrisée, ce qui est un vrai défi lorsque l'intrigue est mince ; mais pas de longueurs, pas de temps mort, ça se suit tout en douceur et questionnements divers car les personnages ont une grande part de mystère (comme ceux, légendaires, qui peuplent nos forêts et nos contes d'autrefois...).

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Tous sont sur le fil. Mais un fil ténu, arachnéen. Une petite fêlure, une ambiguité toute fine que l'on sait passagère, au fond, et c'est ce qui leur donne tant de charme. La jeune fille, solide, terre à terre (son rapport avec son grand-père), mais bouleversée par le départ de son père et inquiète de l'éveil de ses sens ; la mère, dévastée par la rupture, assistant à l'envol de sa fille vers le statut de femme, la reléguant donc à la case vieillesse, prête à s'abandonner à la religion, à moins que... ; le prêtre, convaincu de sa vocation à laquelle il ne renoncera pas, on le sait, mais pleurant le soir de désir pour une femme ; le grand-père, aux portes de la mort, libidineux, incestueux ? non... juste avide de voir les manifestations de la vie, sans arrière pensée... ; le père, qui veut changer de vie, de femme, sûr de son choix, mais ébranlé par le chagrin qu'il provoque... Des portraits brossés avec une grande sensibilité.

Les images sont admirables. Jamais personne n'a filmé la Bretagne avec autant d'acuité ! Seule une Bretonne (avec un nom pareil, Katell Quillévéré est forcément d'ascendance bretonne) pouvait le faire, et elle l'a fait ! La pluie qui ruisselle sur les vitres ; le soleil qui joue à cache-cache avec les averses, donnant au ciel cette transparence si particulière, et à la végétation une odeur (on la sentirait presque) et une brillance inimitables ; les murs de pierres, les hortensias et les rosiers ; la lande, la bruyère, les forêts et leurs rochers ronds qui accueillent tant de légendes ; la mer et le sable si fin sur lequel on trace des dessins avec une algue noire bien sèche ; la chevelure rousse et bouclée de la jeune fille, les pointes dorées de soleil, emblématique de la celtitude ! Et puis la B.O., principalement des chants religieux de la folk américaine, rappelle les chants celtiques... Un ravissement de tous les sens !

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La religion (catholique) est très présente dans le film. Normal, puisque la région est restée encore fidèle à ses traditions. Je ne suis guère croyante, juste élevée dans un environnement catholique à l'école et chez les grands-parents, mais je n'ai pas été fâchée de revoir mises à l'honneur ces croyances fondatrices, nécessaires à l'homme, quoi qu'on en dise (peu importe les confessions du reste, elles disent toutes la même chose)... Et j'ai été émue - et je dis ça sans AUCUN racisme - de voir un peu de tendresse envers cette bonne vieille religion, de plus en plus méprisée, tandis que des intégristes de tout poil (qu'ils soient catho, musulmans, juifs ou bouddhistes...) n'en montrent plus que l'aspect le plus abject : celui que l'homme en a fait, réinterprétant les écritures pour justifier des actes qui ne sont dans aucun des livres sacrés du monde... Le propos du film n'est d'ailleurs pas prosélytique, puisqu'Anna, à la veille de faire sa confirmation, s'interroge et doute constamment. Doit-elle suivre son coeur, habituée depuis l'enfance à ces rites et ces croyances pour lesquelles elle a le plus grand respect, ou bien son corps qui l'incite au péché et à une vie plus libérée, choix de vie de son père ?

Les acteurs sont parfaits, mention à Lio, extrêmement juste et touchante, et à la petite Clara Augarde, le front buté (tête de breton, tête de cochon, dit-on ici !), le corps entre innocence et sensualité, douceur et force, fragilité et joie de vivre très terrienne. Et puis Galabru, irrésistible !

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Le film raconte un moment de trouble, un instant où tout s'écroule, tout change, et le passage vers un nouveau monde, différent mais pas moins intéressant. Cela dit aussi qu'il ne faut jamais oublier de dire aux gens qu'on les aime.

Joli et touchant.

Les critiques sont toutes très partagées. Professionnels ou public, ils adorent ou ils détestent, ils aiment un peu ou beaucoup, moyennement ou pas du tout... Rarement vu une telle abondance de commentaires très très divers !

Y a que le titre que je n'ai pas tout à fait compris. C'est quoi ce poison en fait ? Le péché de chair, si farouchement interdit par l'église qui modifie effectivement les comportements de tous ? Ou, plus simplement, la pulsion de vie (c'est-à-dire toujours le péché de chair, mais psychologiquement parlant, et non religieusement !) qui vous pique et vous repique et vous aider à tourner toujours la tête vers la vie, le soleil, les autres ? Un poison violent - selon l'église - qui va contaminer la jeune fille, incapable de résister à la sensualité qui l'entoure, et réfractaire au trop strict encadrement religieux, qu'elle ne comprend pas toujours. J'sais pas... Vous en pensez quoi, vous, si vous avez vu le film ?

Cet article a été programmé car je suis absente jusqu'au 28 juillet. Je répondrai à vos commentaire dès mon retour.


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