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Le festival des Francofolies de La Rochelle peut-il survivre à Jean-Louis Foulquier? Ou pourquoi je n'irai pas aux Francofolies l'an prochain

Publié le 15 juillet 2014 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

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Jean-Louis Foulquier, père fondateur des Francofolies, a été pendant 30 années -jusqu'à sa disparition en décembre dernier- l'âme du festival.

En cette 30ème année de Francofolies, chacun y va de son anecdote le concernant personnellement ou évoquant la « grande époque », celle des bœufs interminables dans l'espace pro des Francos, où artistes et invités mêlés faisaient la fête jusqu'au bout de la nuit, celle des concerts improvisés dans la rue par des artistes amateurs que Jean-Louis allait écouter pour repérer les meilleurs d'entre eux et leur donner une chance de se faire connaître, celle où une ambiance foutraque régnait sur la ville balnéaire lorsque Mr Foulquier y prenait ses quartiers.

Tous ceux qui se laissent aller à la confidence sur le site émettent le même constat : celui d'un temps qui n'est plus ; un même regret : que l'âme des Francofolies se soit peut-être éteinte avec le grand Foulquier.

Dès le premier jour de cette édition anniversaire, les voix ont commencé à s'élever pour râler.

L'objet des doléances ? La suppression par la mairie du festival off et le fait que les concerts de la scène de l'Horloge rouge, qui étaient depuis quelques années gratuits, sont devenus payants à partir de 22h.

« Les Francofolies, ça n'est plus ce que c'était ! », « Qu'est devenue la fête conviviale et populaire qu'on connaissait ? » entend-on partout.

De fait, l'endroit ressemble de plus en plus à un repaire de (plus ou moins) jeunes gens huppés : On croise ici des comédiennes en mal de notoriété, là des blogueuses mode venues immortaliser leur look estival sur le bord de mer rochelais.

Le ver serait-il dans le fruit ?

Le festival des Francofolies serait-il en train de se saborder ?

C'est ce qui se murmure parmi les « habitués » en tout cas et on se prend à douter avec eux lorsqu'on constate qu'à la sortie du concert anniversaire jeudi soir, le centre ville semble comme éteint.

Lui qui, d'ordinaire, bruissait des sonorités mêlées des concerts organisés un peu partout sur les trottoirs, est devenu affreusement calme.

On entendra le lendemain qu'un jeune groupe ayant voulu défier l'interdiction imposée par la mairie a été verbalisé, information confirmant que les soupçons émis par certains seraient fondés. Ambiance.

Dès le lendemain matin justement, on entend des voix grogner parmi le staff des artistes invités sur la scène « Not Ze Francos » du village Francofou.

Les concerts programmés place de l'horloge sont depuis quelques années gratuits, permettant aux rochelais, touristes et autres promeneurs, de profiter de soirées musicales à la programmation soignée sans débourser ne serait-ce qu'un centime.

Cette année, les concerts de la scène Not Ze Francos, qui se tenaient jusque là au Diane's ont été déplacés sur la scène de l'horloge rouge et à partir de 22h ; il faut désormais débourser 18 euros pour entrer.

Colère et stupéfaction.

On croise des saisonniers qui nous disent le plaisir qu'ils avaient jusque là à terminer leur journée en profitant de ces concerts gratuits et nous rapportent la grogne de ceux avec qui ils partageaient leur soirée, n'ayant absolument pas le budget leur permettant d'assister aux concerts tardifs pendant tout le festival et n'étant de toute façon absolument pas prêts à payer aussi cher pour des plateaux composés pour la plupart d'artistes encore en développement.

Côté artistes, on entend que ceux qui venaient là pour bénéficier d'un public nombreux et enthousiaste sont franchement déçus de constater que la scène est payante et que la foule composée de ceux qui acceptent de payer est bien maigre.

A part pour rentrer dans une logique de rentabilité maximale, je ne comprends pas ce qui a motivé cette décision.

Alors bien entendu ce qui fait la qualité d'un festival ne se résume pas à son caractère convivial et populaire mais disons que ce qui faisait le charme des Francofolies, c'était justement ça, à mon sens.

Il faut croire que la grogne a réussi à se faire entendre rapidement par ceux qui ont le pouvoir de prendre des décisions importantes car l'interdiction du Off a été rapidement levée et les concerts de la scène de l'horloge rouge ont fini par redevenir gratuits quelques jours après le démarrage du festival avec remboursement des billets achetés en prévente par les festivaliers prévoyants.

De mon côté, je ne peux m'empêcher de trouver d'une hypocrisie crasse le fait d'organiser un luxuriant hommage à Jean-Louis Foulquier en y invitant le tout Paris pour finalement trahir les valeurs qui lui tenaient à cœur dès la première édition à laquelle il ne peut participer.

En plus, sur place, il est évident que l'organisation laisse à désirer.

Le premier soir, les photographes accrédités apprennent qu'ils ne pourront pas faire de photos depuis le photo pit car le concert sera intégralement filmé pour une diffusion prévue sur France 2 en septembre.

« Mais vous avez exceptionnellement accès à la terrasse Brassens » nous annonce-t'on, comme une faveur.

La blague.

La terrasse en question est bondée d'invités VIP et l'effectif y est limité.

Deux possibilités ce soir là :

-Soit on arrive à accéder à l'espace tant désiré et là on est incapable de se faire une place parmi les invités massés contre la rembarde qui refusent pour la plupart de faire une place aux porteurs d'objectifs pourtant bien intentionnés.

-Soit on se voit carrément refuser l'accès à la terrasse pour cause de sureffectif (respect absolu des conditions de sécurité, compréhensible, mais enfin pourquoi pratiquer le surbooking?).

Ce soir là, certains sont carrément rageux du côté de la salle de presse et la plupart de ceux qui sont là conviennent qu'ils ne seraient arrivés que le lendemain si ils avaient été prévenus, avant, des conditions dans lesquelles ils allaient être obligés de travailler (compte-tenu des frais d'hébergement engagés, notamment) ou plutôt devrais-je dire des conditions qui allaient les empêcher de travailler.

Chacun se débrouille comme il peut, certains allant même se risquer à grimper sur des gradins quitte à se mettre en danger pour tenter d'avoir des images de la soirée.

C'est bien triste et ça témoigne aussi d'une certaine forme de mépris pour le travail de ceux qui doivent faire des images sur le festival. Mais, si on ne le sait pas encore, ce n'est que le premier épisode d'une longue série.

(Je ne peux m'empêcher de penser qu'il eut été simple de réserver un espace pour les photographes sur la terrasse, histoire d'offrir des conditions de travail acceptables aux photographes accrédités).

Malheureusement, tout au long du festival, les surprises dans le genre se sont multipliées.

Pour qui veut couvrir un maximum de concerts, cela suppose de courir entre les différentes scènes, relativement éloignées et parfois difficiles d'accès à cause des badauds.

Alors bien entendu, il y a des solutions pour s'assurer de rentrer à un concert.

A priori.

Lorsqu'on souhaitait assister aux matinales l'an dernier (concerts matinaux donnés dans le cadre exceptionnel de la chapelle Fromentin), il fallait s'inscrire à l'avance sur une liste, dans la limite des places disponibles.

Et l'an dernier, il y a des concerts pour lesquels, ayant voulu m'inscrire, je me suis vu annoncer que c'était impossible car l'évènement était archi-complet. Tant pis, c'est le jeu. Je comprends. J'ai fait sans.

Cette année, le jour de mon arrivée, je demande à m'inscrire pour tous les concerts des matinales. Pas de problème. Mon nom est sur toutes les dates.

Parfait.

Me rendant sur le site je constate qu'on me refuse l'entrée. « Ah non, jamais entendu parler de cette liste » m'annonce-t'on sur place.

Je demande gentiment s'il est possible de téléphoner à l'accueil pour se renseigner. On me refuse cette faveur. En m'indiquant qu'il ne sert à rien d'insister, que de toute façon je ne vais pas rentrer. J'insiste en expliquant mon cas. Et que je me suis levée exprès pour ça, et que j'ai traversé une bonne partie de La Rochelle à pieds pour ça.

On me répond sèchement qu'il ne sert à rien d'insister.

Je sors. Franchement triste.

Et je reste un peu devant la chapelle à me lamenter sur mon sort en postant un statut Facebook expliquant les raisons de ma colère envers le festival.

¼ d'heure après l'entrée des derniers spectateurs, Gérard Pont (directeur des Francofolies) arrive et croise Dick Annegarn venu assister au concert de la formidable Lior Shoov. Il propose de le faire entrer et nous fait entrer dans la chapelle par la même occasion (nous sommes trois dans une situation strictement identique). Sauvetage in extremis. Nous assistons au concert depuis le couloir, ravies d'avoir la possibilité d'en être malgré tout.

Le lendemain, rebelote.

Mais nous proposons spontanément de nous installer dans le couloir. Proposition acceptée.

Le dernier concert des matinales est celui de Christine and The Queens et c'est un des concerts auxquels je tenais le plus à assister pendant ce festival.

Impossible d'y accéder.

L'argument de la liste ne passe toujours pas.

Qu'est devenue cette foutue liste ? A quoi sert-il de noter des inscriptions qui finalement ne sont pas transmises sur les lieux des concerts ? Je m'interroge.

Les journées de concerts sont longues et se voir refouler du concert matinal c'est avoir perdu 3 bonnes heures de son temps.

Or, quand on est sur le festival pour travailler, le temps est précieux.

Oui, parce qu'on n'est pas là-bas en tant que simple festivalier.

On me conseille, si je souhaite vraiment assister à un concert, la prochaine fois, d'acheter un billet.

Je suis d'accord.

D'accord, si lorsque je sors de la salle je n'ai rien à publier. Parce qu'on est, dans la relation blogueur-festival, dans un échange de bons procédés. On accède aux concerts en échange de la production d'un contenu sous la forme d'un report -illustré ou non.

Tout le monde ne le fait pas, mais je le fais systématiquement.

Pour couvrir un festival, on organise sa vie pour se libérer le temps nécessaire pour le faire. Ce qui suppose certaines difficultés dont on se serait bien passé et occasionne même parfois pas mal de frais.

On s'y retrouve dès lors qu'on a la possibilité de couvrir le festival réellement et de partager nos impressions sur les spectacles auxquels on a assisté.

Si on m'annonce que les seules scènes auxquelles j'aurais accès sont celles de Tal, Zaz et Christophe Maé, inutile d'insister, autant me filer tout de suite la corde et le tabouret.

Quand je n'ai pas pu accéder au concert exclusif de Julien Doré par exemple, concert où il reprenait l'album de Daho « La notte la notte », je n'en n'ai pas fait un drame : il n'y avait pas d'inscription préalable. L'entrée se faisant dans la mesure des places disponibles, je suis restée sur le carreau. Tant pis.

Mais je crois qu'il serait peut-être judicieux, pour un festival de cette envergure de prévoir un système de communication avec la salle de presse permettant d'informer les photographes et journalistes du nombre de places disponibles et des conditions d'accès (liste, etc) histoire d'éviter les déplacements inutiles sous la pluie, matériel sur le dos, et les files d'attente de 40 minutes pour finalement se retrouver le bec dans l'eau.

On a même assisté (et là les bras m'en tombent) à un épisode ahurissant.

Ayant tiré leçon du concert de Christine and The Queens le matin et n'ayant aucun contenu à publier, à 14h passées (oui parce qu'on a beau avoir du contenu à publier, on n'a pas été jusqu'à se farcir le concert de Joyce Jonathan, faut pas charrier), on est arrivé tôt pour le concert d'AuDen, au théâtre de la Coursive.

Tellement tôt que notre équipe de trois blogueuses était au premier rang de la file d'attente média.

Sûres d'entrer, quoi. Et là, stupeur.

Après que les spectateurs munis de billets soient entrés pour asisster à ce concert (qui n'était pas annoncé comme complet sur le programme remis aux médias), on propose aux membres du staff d'Auden d'entrer.

Sans vérifier l'identité de chacun.

Notre honnêteté est bien mal récompensée, on reste là à regarder les gens passer.

A priori, il a le plus gros staff de tout La Rochelle, AuDen. C'est bien pour lui.

Mais comme ça ne choque personne, on laisse couler. On se dit que de toute façon, on est les prochaines sur la liste alors inutile de s'énerver.

Et là, on entend « Alors vous êtes nombreux à vouloir entrer et dans la file il y a des gens que je connais parmi vous, alors je vais les laisser passer en priorité ».

Ah ouais ?

AH OUAIS ?

Donc ce n'est plus l'ordre d'arrivée qui compte, ni le degré présumé d'intimité avec l'artiste mais carrément la proximité affective avec la personne en charge de gérer les entrées.

Enorme !

On a peine à y croire.

Promis.

Les bras nous en tombent.

On finit par pouvoir accéder à la salle en jurant sur trois générations de ne pas rester à l'intérieur pour le concert suivant et en se sentant presqu'obligé de remercier de nous permettre de faire le travail pour lequel le festival nous a accrédité tant l'accès à la salle nous est présenté comme une faveur incroyable.

On a un peu de mal à comprendre, là, en vrai.

On me dit qu'il faut pardonner les petits problèmes de désorganisation.

Je corrige : il ne s'agit pas de désorganisation, là, ça va plus loin que ça : Le festival donne l'impression d'avoir une organisation efficace (listes, files d'attente média...) mais étant donné que ces conditions ne sont pas respectées, je crois que ça relève plutôt de la désorganisation.

Ce que j'aime particulièrement aux Francos c'est de pouvoir suivre le travail réalisé par le chantier, toute l'année, pour accompagner les artistes en développement de la sélection annuelle et sur cette édition, une chose m'a choquée.

Jusque là, le festival permettait aux artistes du chantier de l'année de se faire connaître du grand public en proposant aux plus performants d'entre eux de jouer deux titres sur le proscenium de Saint Jean d'Acre chaque soir, pendant un changement de plateau, en milieu de soirée.

Cette année, on a pu assister aux concerts de Féloche, Giedré et Auden par exemple.

Artistes issus du chantier, oui, mais pas de cette année.

Artistes confirmés qui ont déjà un album et qui sont déjà bien connus du grand public. Contrairement aux autres années ou des artistes de l'année étaient sur scène.

Pourquoi ce changement dans le programmation ?

Pourquoi soudain ne plus offrir aux artistes du chantier cette chance inouïe de jouer devant le public de la grande scène ?

Le chantier a-t'il moins bien travaillé à tel point qu'aucun d'entre eux n'est prêt ?

La retransmission en direct sur France Inter des concerts fait-elle que le festival ne veut pas risquer de mettre en avant des artistes qui ne seraient pas prêts ?

Aucune idée.

Je me contente de regretter le changement ; même si les intermèdes assurés cette année étaient de qualité, je ne peux s'empêcher de penser que la récompense qu'offrait le chantier à ses meilleurs élèves de l'année a un peu manqué.

Je me dis que la douce folie des Mmmmm aurait fait bel effet  ou encore le flow imparable des frangins de Bigflo et Oli auraient sans doute réussis à éblouir le public rochelais massé sur l'esplanade de Saint Jean d'Acre.

Tant pis, hein. Mais j'ai mal à mes Francofolies.

Parce qu'entre ce festival et moi c'était une histoire de cœur, j'avais le sentiment qu'on partageait les mêmes valeurs. Et là je ne m'y retrouve plus.

Surabondance de marques partenaires, diffusion de publicités sur écran géant pendant les changements de plateaux, on est aussi un peu envahi par les logos... Ca n'est sans doute pas nouveau mais on se sent un peu étouffé, cette année. Trop c'est trop. Disons que c'est l'accumulation de tout ça qui rend les choses difficiles à accepter.

En salle de presse, on s'interroge aussi sur la présence de Joyce Jonathan au théâtre Verdière après un concert qui, de l'avis général, était très déçevant. Ca parle népotisme et accointances politiques. Personnellement je m'en fiche mais je note que les motifs de colère dans la salle de presse sont innombrables cette année.

Comme je ne suis pas le genre de fille à titrer un article sur une question sans tenter d'y apporter une réponse, je vais me lancer.

Oui, sans doute, les Francofolies peuvent survivre à Jean-Louis Foulquier.

Mais pas dans ces conditions là, je crois.

Si autant de changements doivent être apportés, peut-être vaut-il mieux arrêter là et donner naissance à un nouveau festival, rebaptisé pour l'occasion.

Un nouveau projet qui ne se revendiquera pas de la mémoire de cet homme magnifique qu'était Jean Louis Foulquier qui n'aurait sans doute pas toléré l'interdiction du off ou la multiplication des scènes payantes au détriment des concerts gratuits (et je ne parle même pas de l'augmentation des tarifs des concerts à la Coursive, hein).

J'ai aimé beaucoup les concerts auxquels j'ai assisté cette année, les artistes si doués, les créations épatantes, les jeunes talents souvent bourrés de talents.

J'aime La Rochelle lorsqu'elle est vivante et pas sclérosée par des mesures municipales qui me semblent inadaptées.

Malgré ça, je n'ai pas aimé les Francofolies pour tout ce dont j'ai parlé ici et sans doute pour d'autres raisons que j'ai oublié de mentionner.

Je suis dans le train pour Paris et je suis triste parce que je sais que l'an prochain je n'irai pas aux Francofolies. Tant pis.

PS : J'ai écrit un long texte car on me reprochait d'être bêtement râleuse lorsque je m'exprimais en 140 caractères sur Twitter ou par de courts statuts sur Facebook. Il me tenait à cœur de développer. Pour expliquer que ce n'est pas juste pour ronchonner et suivre la grande mode qui consiste à troller des gens ou des évènements à tout va. Ce n'est pas mon genre et ça m'aurait ennuyé que l'on puisse imaginer ça.

Voilà.


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