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Sigmaringen

Publié le 18 juillet 2014 par Adtraviata

Sigmaringen

Quatrième de couverture :

En septembre 1944, un petit coin d’Allemagne nommé Sigmaringen, épargné jusque-là par les horreurs de la guerre, voit débarquer, du jour au lendemain, la part la plus sombre de la France : le gouvernement de Vichy, avec en tête le maréchal Pétain et le président Laval, leurs ministres, une troupe de miliciens et deux mille civils français qui ont suivi le mouvement, parmi lesquels un certain Céline. 
Pour les accueillir Hitler a mis à leur disposition le château des princes de Hohenzollern, maîtres des lieux depuis des siècles. Tout repose désormais sur Julius Stein, le majordome général de l’illustre lignée. Depuis les coulisses où il œuvre sans un bruit, sans un geste déplacé, il écoute, voit, sait tout. 
Tandis que les Alliés se rapprochent inexorablement du Danube et que l’étau se resserre, Sigmaringen s’organise en petite France. Coups d’éclat, trahisons, rumeurs d’espionnage, jalousies, l’exil n’a pas éteint les passions. Certains rêvent de légitimité, d’autres d’effacer un passé trouble, ou d’assouvir encore leurs ambitions. 
Mais Sigmaringen n’est qu’une illusion. La chute du IIIe Reich est imminente et huit mois après leur arrivée tous ces Français vont devoir fuir pour sauver leur peau. 
De ce théâtre d’ombres rien n’échappe à Julius Stein. Sa discrète liaison amoureuse avec Jeanne Wolfermann, l’intendante du maréchal, le conduira à sortir de sa réserve et à prendre parti.

Ce roman élégant de Pierre Assouline m’a fait passer un bon moment d’histoire et de littérature. Je dois avouer que j’ignorais tout de cet "épisode" de la fin du gouvernement de Pétain et Laval et de cette retraite forcée – prison dorée au château de Sigmaringen. Quoique les Alliés aient débarqué trois mois auparavant et que Paris ait été libéré fin août 1944, la colonie française exilée à Sigmaringen (ville et château) de septembre à avril 1944 continue à croire en la collaboration avec les nazis. Et même, parmi ceux qui vivent au château, à vouloir renverser le gouvernement Laval et de créer une nouvelle Commission gouvernementale encore plus efficace (autour du président de Brinon). On est éberlué de lire à quel point ces gens vivent dans l’illusion, continuant à tirer des plans sur la comète, à rêver de retour glorieux en France, d’armes allemandes secrètes et magiques, de propagande, pendant que le maréchal s’enferme dans une solitude et un silence outragés et que les Alliés se rapprochent petit à petit de Berlin.

Ce huis clos ne rime pas avec chaos. Car en quittant les lieux, le prince de Hohenzollern a chargé son majordome, Julius Stein, de veiller à maintenir la tradition d’accueil et d’ordre du château : c’est lui qui observe les manoeuvres, les mesquineries des uns et des autres et nous fait le récit de ces huit mois presque hors du temps. Il se lie avec l’intendante française du maréchal, Jeanne Wolfermann, avec qui il partage au moins l’amour de la musique et de Schubert en particulier (et j’ai vibré à ses évocations de concerts et de musiciens) en maintenant sans faillir la tradition et la primauté des Allemands du château.

Devant cette relation entre Jeanne et Julius, face à l’organisation complexe et à l’étiquette qui règne en maître sur les hauteurs de Sigmaringen, on pense bien sûr à Downton Abbey, aux Vestiges du jour, et l’auteur ne cache absolument pas ses sources d’inspiration pour bâtir le cadre romanesque du récit qu’il veut transmettre en hommage à son père, le brigadier Marcel Assouline, qui le premier lui parla de Sigmaringen. Le fils Assouline s’est largement documenté, notamment en lisant les mémoires des personnes concernées : à travers le regard du majordome qui s’en tient le plus possible à son devoir de réserve (et pourtant il en cache de la passion, Julius Stein), il réussit à rende compte de cette période rocambolesque d’une manière très vivante, dressant une galerie de personnages hauts en couleurs (Louis-Ferdinand Céline, Léon Degrelle, Otto Abetz, pour n’en citer que quelques-uns) avec un art consommé de l’anecdote et du dialogue.

Le tout m’a procuré un moment de lecture passionnant, extrêmement plaisant !

Pierre ASSOULINE, Sigmaringen, Gallimard, 2014

L’avis de Argali pour qui c’est aussi un coup de coeur !

Petit Bac 2014
(Catégorie Lieu)


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