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De la pérennité des sources sur Wikipédia [par Celette]

Publié le 18 juillet 2014 par Pierrotlechroniqueur

Si je prends la plume une seconde fois sur ce blog, avec l’aimable accord de Pierrot, c’est avant tout pour faire un état des lieux sur l’importance de la pérennité des sources sur WikipédiaIl y a quelques semaines, un utilisateur se demandait sur le Bistro ce qu’il fallait faire lorsque les liens web utilisés pour sourcer les articles disparaissaient, expiraient, se volatilisaient à la suite d’une réorganisation d’archives numériques, d’un changement d’URL ou, plus brutal, de la fermeture du site utilisé comme référence.

J’ai personnellement été assez tôt confrontée à ce genre de problème, étant habituée à voir des liens devenir obsolètes et donc à regarder, impuissante, le référençage d’un article s’effondrer. S’il est acquis que ce problème ne se pose pas pour les articles « de niche » et/ou à dominante universitaire (histoire par exemple), où la vasteté du sujet implique de recourir davantage à des ouvrages papiers (toujours consultables dans les bibliothèques publiques), le problème se fait beaucoup plus criant pour des articles dans les deux sens du terme plus « populaires » (politique, TV-réalité, Pokémon, etc.), où l’immédiateté de l’information incite à recourir aux liens web disponibles à l’instant (par exemple pour la nomination d’une personnalité politique à un poste, ou bien pour la présence de telle starlette dans le prochain show de TF1).

J’ai bien compris que tout le monde n’avait ni le temps, ni l’envie, ni les moyens, de consulter la presse écrite quotidiennement, et il est clair qu’il est souvent beaucoup plus pratique de lire des articles condensés sur le site d’un grand quotidien plutôt que de faire la démarche d’aller chez son libraire dépenser deux euros pour un bout de papier qu’on aura jeté quelques heures après. Mais aux contributeurs qui ont cette possibilité, lorsque vous contribuez à ce genre d’article « populaires », essayez de préférer un modèle de sourçage qui permette, même si le lien web disparaît, de garder la source intacte et donc de rendre pérenne l’information initialement sourcée.

Par exemple :

  1. <ref> Jean Dupond, [www.lemonde.fr/mme-x-nommee-ministre « Mme X est nommée ministre en charge de Wikipédia »], lemonde.fr, 16 juillet 2014.</ref>
  2. <ref> Jean Dupond, [www.lemonde.fr/mme-x-nommee-ministre « Mme X est nommée ministre en charge de Wikipédia »], Le Monde, 16 juillet 2014, page 4.</ref>

Dans le second cas, même si l’encart permettant de se rendre sur le site du Monde sera supprimé, la ligne en elle-même restera, puisqu’on aura toujours le jour de publication et la page. Il sera toujours possible de vérifier l’information dans une bibliothèque conservant les quotidiens alors que, dans le premier cas, le lien sera tout bonnement supprimé. Même si ça demande un peu de place, personnellement, je conserve presque tous les articles de presse papier qui me servent à écrire des articles, au cas où j’aurais besoin d’aller vérifier un jour. Par ailleurs, et je trouve l’initiative excellente, indiquer en sous-page utilisateur les ouvrages que l’on possède afin de demander à X ou Y s’il peut aller vérifier telle ou telle information (plutôt qu’avoir à soi-même acheter le livre — quand celui-ci n’est pas tout bonnement plus disponible à la vente —) devrait être une pratique davantage mise en avant pour les contributeurs qui l'ignoreraient encore.

Comme vous l’aurez compris, je ne suis nullement réfractaire aux sources web, mais je pense qu’il est nécessaire, lorsque cela est possible, de la coupler à une source papier. Pour paraphraser le célèbre adage, « les liens web s’envolent, les écrits restent ». J’en profite pour noter, même s’il s’agit d’un autre débat, que je ne crois pas qu’on aille vers une disparition de la presse papier, comme se plaisent à l’envisager certains acteurs du livre numérique. Rappelons que lorsque la télévision apparut dans les foyers, quelques faux Cassandre avaient prédit que la radio n’aurait dès lors plus d’utilité. 60 ans après, on voit le résultat.

J’en viens maintenant à un second point : l’apparence dans la législation d’un droit à l’oubli. Rappelons brièvement ce qu’il en est : la Cour de justice de l’Union européenne a récemment obligé Google a évaluer les demandes de particuliers qui souhaiteraient voir dé-référencer certaines pages Web leur causant du tort. Dans la majorité des cas, cela concernera des personnes n’ayant aucune notoriété, ce qui n’aura donc pas d’incidence sur Wikipédia : par exemple, M. X qui aura été mêlé à un fait divers lors de ses quinze ans, et qui se rend compte que l’article de presse régionale le mentionnant, bien référencé par Google, le dessert beaucoup alors, qu’après ses brillantes études, il se voit dévisagé lors de ses entretiens d’embauche, quand le DRH lui rappelle ses frasques d’adolescents. Précisons également qu’un dé-référencement ne fait pas disparaître ladite page web, mais qu’elle sombre dans les limbes du web.

Non, ce qui nous intéresse a plutôt trait aux « célébrités ». Si dans certains cas, cela est justifié (condamnation en justice que l’on n’a plus le droit de mentionner), il apparaîtra nécessaire que le lien web disparaisse et que cela ne soit plus mentionné sur Wikipédia. Mais si cela a trait aux caprices de stars (date de naissance d’une quinquagénaire qui voudra en paraître quarante et qui a honte d’être née dix ans plus tôt), même si le lien web disparaît, le papier, lui existera toujours, et cela, on ne pourra pas l’effacer.

Plus alarmant enfin est ce que notait David Drummond, vice-président de Google en charge des affaires juridiques, qui exposait ce week-end dans Le Figaro : « Nous avons reçu des demandes d’arbitrage qui illustrent bien les prises de position auxquelles les moteurs de recherche sont confrontés : d’anciens dirigeants politiques qui souhaitent faire retirer des articles critiquant leur gestion lorsqu’ils étaient en poste, de mauvaises critiques à l’encontre de professionnels tels que les hôteliers ou des architectes ». Son premier exemple m’a tout bonnement indigné. Certes, il ne précise pas qu’il a suivi d’effet ce genre de demande, mais il est tout bonnement inacceptable que Wikipédia se plie aux souhaits d’un ancien président ou ministre, qui voudra (du moins sur le web), laisser une bonne trace de son mandat alors que des critiques aurons été émises.

La solution ? Plutôt qu’attendre que ces pages web disparaissent parce que le groupe de presse qui les aura édité aura fait faillite, ou que Google les dé-référence, essayez, dans la mesure du possible, de privilégier un média qui lui survivra quoi qu’il arrive, à savoir le papier. Le plus triste dans tout cela, c’est que les dites sources numériques sont parfois de bonne qualité. J’en veux pour preuve l’empressement de certains utilisateurs à sourcer la biographie d’un nouveau ministre ou secrétaire d’État après un remaniement, à partir du site du gouvernement ou de celui du ministère. Cela alors que si ce ministre n’est pas reconduit dans le prochain cabinet, ladite page pointera dans les minutes qui suivent vers « 404 error – cette page n’existe plus ou a été déplacée ». Oui, ça prend quelques minutes de plus de coupler votre source à un lien papier, mais c’est préférable au fait de se voir révoquer par une IP, par exemple le conseiller en communication d’un ancien ministre, qui indiquera sournoisement en commentaire de diff « cette critique n’a plus raison d’être, le lien web que vous pointez n’existe pas ».


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