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Une musique d’une infinie beauté sortie d’un verre à pied

Publié le 22 juillet 2014 par Bmgeneve

Yuja wang de faceYuja Wang semble l’incarnation vivante du roman d’Etienne Barilier paru en 2011 : « Piano chinois », au point que je ne serais pas surpris que l’essayiste se soit inspiré d’elle pour créer son personnage. Dans ce roman amusant, deux critiques musicaux se règlent leur compte à travers les médias, en s’écharpant sur le cas d’une jeune pianiste chinoise. piano chinois

Celle-ci est évidemment jeune, belle, avec une technique superlative. De plus elle joue avec un sourire permanent qui semble dire au monde à quel point elle ne connaît pas la difficulté technique. Evidemment de quoi irriter l’un des critiques musicaux qui souligne la prétendue platitude mécanique du jeu des asiatiques, et l’argument toujours douteux mais ô combien efficace de la jeunesse et de la beauté pour faire vendre la marchandise. Evidemment de quoi faire se pâmer d’admiration l’autre critique qui parle de poésie et d’élégance du toucher au-delà de la virtuosité naturelle de l’artiste.

Le ton devenant de plus en plus virulent dans leurs blogs respectifs, les critiques ne s’épargnent rapidement plus bassesses, turpitudes et mesquineries en passant à leur courriel personnel.

 S’agissant de Yuja Wang, tout comme le fougueux chef Gustavo Dudamel, je me range sans hésiter derrière la bannière de l’admiration du plus âgé des deux critiques. Cet album contient les deux concertos de Prokofiev (no 2) et Rachmaninov (no 3) bâtis tout en force et en puissance. De les interpréter requiert déjà des qualités peu courantes. Mais de les jouer à la suite lors du même concert relève du pur exploit sportif ! C’est ce que fit Yuja Wang à Caracas, lors de l’enregistrement de l’album.

Mais je n’ai jamais été attiré par la performance sportive : ce n’est donc pas pour cette raison que j’ai une profonde admiration pour cette artiste. Un soir à table, un ami a posé son téléphone portable dans son verre à pied vide. On entendit sortir du verre des notes de piano d’une infinie délicatesse. C’était une sonate de Domenico Scarlatti interprétée par une jeune pianiste chinoise que je ne connaissais pas alors : Yuja Wang. Le legato de son jeu et la retenue du tempo laissait transparaître deux impressions contradictoires : d’une part une précision rythmique imperturbable, mais d’un autre côté une absolue liberté d’expression mélodique. La fusion des deux aspects de son interprétation donnait un sentiment de beauté complètement surnaturelle (écoutez de 5:15 à 8:32)

Bien sûr, avant d’être vides les verres étaient pleins : cela aussi pouvait contribuer à la plénitude de la beauté… Ce genre de sentiment tient à si peu de chose, finalement !

Paul Kristof

RACHMANINOV, Serge Vasilievitch. Rachmaninov no 3 ; Prokofiev no 2 / Yuja Wang, pno ; Simon Bolivar Symphony Orchestra of Venezuela ; Gustavo Dudamel, dir. Disponibilité


Classé dans:Coups de coeur, Musique classique

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