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L'extraordinaire destin de raoul Villain, l'homme qui a tué Jaurès

Publié le 31 juillet 2014 par Mpbernet

On a tué Jaurès

On célèbre aujourd’hui le centenaire de l’assassinat de Jean Jaurès, événement précurseur de la Grande Guerre. J’ai découvert il y a peu de temps l’extraordinaire destin de son meurtrier …

Né en 1885, Raoul Villain ne correspond pas au portrait-type de l’anarchiste illuminé habituel. C’est un jeune exalté, un temps adhérent du «Sillon», catholique, nationaliste et belliciste… La police qui a enquêté sur ses jeunes années, le décrit comme « un jeune homme très sérieux, très doux et parfaitement bien éduqué », et qui « n’avait aucune mauvaise fréquentation, n’allait ni au café ni aux spectacles ».

Pourtant, c’est ce jeune bourgeois rémois qui, au soir du 31 juillet 1914, tira à travers la fenêtre du Café du Croissant et assassina Jean Jaurès, le chantre de la paix, à la veille du déclenchement de la Grande Guerre. C’était juste il y a cent ans.

Cependant, ce qui est encore plus étonnant, c’est la suite de son destin. Car contrairement à ce qu’on pouvait attendre d’un acte aussi violent que délibéré, cet homme immédiatement appréhendé par la police, fut mis à l’abri d’une prison pendant toute la durée de la guerre et ne risqua jamais sa peau dans les tranchées. Une chance extraordinaire pour ce jeune homme en âge d’être immédiatement mobilisé.

Durant toute la durée de son incarcération en l’attente de son procès – il aura fait cinquante-six mois de détention préventive - l’opinion publique a bien changé sous l’effet de l’hystérie de la victoire. Politiquement, il devient de plus en plus difficile d’envisager un verdict de peine de mort. Les pacifistes sont voués aux gémonies.

Pour avoir assassiné Jean Jaurès d’une balle en pleine tête, Raoul Villain sera acquitté et condamné à verser un franc symbolique de dommages et intérêts : la veuve du leader socialiste pacifiste, Louise, se verra alors contrainte de rembourser les frais de justice.

Anatole France avait parfaitement entendu son ami Jaurès, et avait saisi que la guerre est la défaite de la lutte des classes face à l’impératif de la résignation. «  Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime. Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. Travailleurs, veillez ! ». Avec peut-être encore davantage de lucidité et de force, il finit par déclarer : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels ! »

Mais plus incroyable est encore la suite du destin de Raoul Villain…

Raoul Villain retourne à l’anonymat, prend des pseudonymes. Il est arrêté pour de minables trafics, fait de la prison, tente de se suicider à plusieurs reprises, puis part se réfugier aux Baléares où il vit à Ibiza dans une maison inachevée sur la plage…

Peu après le début de la guerre civile, le 20 juillet 1936, la garnison militaire et les gardes civils de l'île se rallient aux franquistes. Les républicains de Barcelone reprennent les Baléares. Les 9 et 10 septembre 1936, une colonne de près de cinq cents anarchistes, sous la bannière de « Cultura y Acción » dévaste Ibiza. Dans la plus totale confusion, les anarchistes exécutent Raoul Villain sans que l'on sache s'ils connaissaient son identité, son passé ni ses options politiques.


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