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L’unité arabo-musulmane en direct à l’antenne !

Publié le 30 juillet 2014 par Gonzo

L’unité arabo-musulmane en direct à l’antenne ! Le lieu et le temps importent pour le texte dont je propose ci-dessous la traduction intégrale (et assez littérale). Il s’agit d’un éditorial non signé, publié mardi 29 juillet dans le quotidien Al-Quds al-’arabi, anciennement indépendant, national-arabe pro-palestinien et désormais passé sous financement qatari, son rédacteur en chef, Abdel-Bari Atwan, ayant été prié d’aller voir ailleurs

Au lendemain de la fête de rupture du jeûne, et tandis que l’armée israélienne livre à Gaza ce qu’on pourrait appeler sa traditionnelle “guerre d’été”, accompagné par l’assourdissant silence des “pays frères” et de la “communauté internationale”, l’auteur offre sa vision toute personnelle de l’histoire politique arabe récente.

J’ai choisi de livrer ce texte sans autre commentaire, mais il va de soi que je ne me reconnais pas dans un point de vue qui mériterait bien des commentaires (bienvenus pour autant qu’ils restent dans les limites admises dans ce blog). J’ai malgré tout souhaité en proposer la lecture, tant il est représentatif de l’offensive idéologique visiblement à l’œuvre au sein de médias dans l’orbite des pays du Golfe. Avec ses nuances particulières marquée du sceau qatari (coups de griffe à l’Algérie et à l’Egypte par exemple), cette étrange anayse montre bien comment le devenir du projet politique (de l’utopie ?) arabe, quelles que soient ses formes, constitue le principal enjeu du dérèglement total que traverse le système régional.

L’unité arabo-musulmane en direct à l’antenne ! (الوحدة العربية ـ الإسلامية على الهواء مباشرة!)

Nombreux sont les facteurs qui ont convergé pour permettre que se lève l’étendard du nationalisme1 dans le monde arabe, après la formulation de ce concept en Europe, en réaction au colonialisme auquel ce monde arabe était soumis et comme une alternative à la dissolution du califat par les Turcs. On vit alors se multiplier les appels à la création d’un grand Etat arabe unifié, capable de réunir les potentialités économiques, politiques et naturelles de la région afin de la rendre capable de rivaliser dans la compétition de la Renaissance2 moderne.

Après l’échec de la Révolution arabe3 conduite par le chérif Hussein et la mise en place d’une nouvelle carte politique à laquelle Britanniques et Français contribuèrent pour l’essentiel, arriva la retentissante Nakba palestinienne, désastre qui donna plus de force encore aux appels nationalistes et qui donna corps à une dynamique idéologique créant au sein des populations arabes l’espoir d’une unification pour affronter Israël et même pour lui infliger une défaite et, à côté de cet objectif de libération de la Palestine, pour réaliser d’autres ambitions telles que la modernité, la justice sociale et le développement.

Ces appels furent lancés par des mouvements tels que ceux des Nationalistes arabes, du parti Baath, du Parti social nationaliste syrien4, du Parti du l’union socialiste arabe, etc.). Conjointement à une intervention grandissante de l’armée, ces mouvements réussirent, en s’alliant ou en se faisant les théoriciens de nombre de renversements (qu’on appela « révolutions »), à s’installer au pouvoir dans des pays régionalement importants, dotés d’une longue histoire civilisationnelle – la Syrie, l’Egypte, l’Irak, le Yémen, la Libye (chose qui, d’une manière générale, n’a pas été suffisamment méditée). Une fois bien établie l’alliance idéologique de ces pouvoirs avec les militaires, ces différents pays lancèrent, sur un mode bilatéral ou parfois trilatéral, des tentatives d’unification qui, toutes, se soldèrent par un échec retentissant.

Ces pays – auxquels il faut ajouter le Soudan, la Mauritanie et l’Algérie – se tournèrent toujours davantage vers des régimes totalement dictatoriaux, faisant usage des appareils de l’Etat (armée, police, services spéciaux…) pour soutenir le leadership d’individus ou de familles régnant sur de vastes fabriques à corruption et cherchant le plus souvent à transformer ces républiques « révolutionnaires » en royautés mais sans avoir les vertus propres aux royautés et aux émirats lesquels offrent en général à leur population un minimum de développement, de bien-être, de sécurité et de stabilité (même si on a vu qu’ils pouvaient eux-aussi sombrer dans la corruption, la répression et la violation des libertés politiques).

Non seulement ces pays sont allés droit dans le mur mais en plus, et alors qu’ils se voulaient unitaires, ils ont réussi à créer d’épouvantables antagonismes dans leur voisinage immédiat (l’Irak avec le Koweït, la Syrie avec le Liban et la Palestine). Ils ont même réussi à créer la discorde au sein de leur population, et à la transformer en fractions se combattant les unes les autres sur des bases ethnico-confessionnelles ou doctrinaires.

Depuis 2010, les peuples arabes s’efforcent de briser ce mur mais les régimes ont fait front commun contre les révolutions : les services de sécurité égyptiens ont repris les rênes du pouvoir et le président syrien a noyé son pays dans un bain de sang, tandis que le Yémen et la Libye se tiennent sur le bord du gouffre sous l’effet de nombreux facteurs internes et externes ; l’Algérie quant à elle a réussi à échapper à cette révolution et elle a même été depuis le début de ce Printemps arabe une des places-fortes des courants opposés au changement.

Cette lutte complexe entre les forces du changement et la contre-révolution a ouvert le monde arabe à l’intervention de forces régionales et mondiales, et en particulier à l’Iran, présent en force au Yémen, en Irak, en Syrie et au Liban, ainsi qu’à Israël, qui poursuit sans relâche ses massacres et ses guerres sans vainqueur possible. Malgré ces luttes aux finalités parfaitement évidentes, la mécanique rouillée de l’idéologie nationaliste a sournoisement continué à fonctionner, tantôt au profit de l’ancienne tyrannie, celle des régimes dictatoriaux, tantôt au service d’une nouvelle, celle de Daesh [EIIL : Etat islamique en Irak et au Levant] et de ses pareils.

On continue par conséquent à subir l’influence des idéologies nationalistes, lesquelles se font sentir désormais à travers des groupes qui lèvent l’étendard des idéologies islamiques alors même qu’ils sont en réalité un mélange d’idéologies et de pratiques héritées des « réalisations » des régimes arabes caricaturaux associées à une représentation maladive de l’islam nourrie des apports pernicieux de la « modernité » occidentale avec ses jeux criminels, ses tueries à l’aveugle sur Play Station et sa pornographie internet.

Le résultat, c’est une explosion des limites de l’imaginaire et de la géographie. Des groupes se déplacent à travers les frontières, brisant les lois les mieux établies de la religion, de la politique et de la géographie. Au-delà des régimes, ils se meuvent dans une unité arabe (et islamique) qui, au propre comme au figuré, dépasse les frontières pour empêcher la révolution de s’étendre jusqu’à leur trône. Attirés par le carnage, des extrémistes de tout poil, venus au prétexte de défendre l’islam ou les sanctuaires de leur confession, ont achevé de faire avorter le projet des peuples.

Vraiment, une belle unité arabo-musulmane !

  1. Qawmiyya, panarabisme ou nationalisme unitaire arabe, à l’échelle de la région, à différencier, comme dans l’ensemble du texte, du national-étatisme d’un pays en propre.
  2. L’auteur utilise le terme nahda, utilisé pour évoquer l’entrée de la région dans l’époque moderne à partir de la seconde moitié du XIXe siècle.
  3. Traduction mot à mot de l’événement historique connu en français sous le nom de « Révolte arabe »
  4. Egalement connu sous le nom de PPS, parti populaire syrien.

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