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Elefante blanco - 6/10

Par Aelezig

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Un film de Pablo Trapero (2012 - Argentine, France, Espagne) avec Ricardo Darin, Jérémie Renier, Martina Gusman

Fin ratée.

L'histoire : Argentine. Nicolas est un jeune prêtre catholique, dévoué aux populations pauvres d'Amérique latine. Après avoir assisté, impuissant, au massacre de la communauté indienne dont il s'occupait par des narco-trafiquants, il revient à Buenos Aires, dévasté par un sentiment de culpabilité et par l'horreur de ce qu'il a vu. Il est cependant appelé par le père Julian, qui le connaît depuis longtemps, et lui demande de venir l'aider dans un grand bidonville, au pied de l'Elefante Blanco, un immense bâtiment qui devait être l'un des plus grands hôpitaux d'Amérique latine, abandonné faute de crédits. Atteint d'un cancer, qu'il cache soigneusement à tous, Julian a le secret espoir que Nicolas prendra sa suite lorsqu'il partira. Mais le jeune homme a des idées parfois contraires aux siennes sur le dialogue avec les producteurs de drogue ou la gestion des affaires courantes. Et la construction de logements sociaux auxquels ils tiennent tant est sans cesse paralysé par des problèmes administratifs et financiers.

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Mon avis : Une sorte de Cité de la Joie version Amérique latine. Les bidonvilles, la violence et l'espoir, la misère sociale et éducative, et une poignée d'hommes et de femmes de bien entièrement consacrés à ces laissés pour compte, méprisés, condamnés à la drogue pour oublier, ou pour gagner un peu d'argent. Dénonciation des autorités, y compris écclesiastiques, laxistes et corrompues, et du gaspillage ahurissant des finances publiques (abandon du projet d'hôpital, entre autres). 

Réalisation sobre, classique, fluide, on suit l'histoire sans se poser de questions, laissant notre part de cerveau libre à même de réfléchir sur l'absurdité et l'injustice du monde créé par l'homme. Et une interprétation remarquable de Jérémie Rénier et de Ricardo Darin, acteurs plein de charme et de virilité.

Par contre, j'ai été un peu surprise par la relation de Nicolas avec Luciana. Dès le début, il est clair qu'il se sent fort bien auprès de la jolie Luciana et qu'il va craquer. Ce n'est pas ça qui m'ennuie, au contraire, je suis contre le célibat des prêtres ! Mais c'est le côté irréaliste de la situation qui m'a étonnée ; ils se cachent à peine, même devant Julian, qui de toutes façons a tout compris, mais ne semble pas plus choqué que ça. D'accord, c'est cool. Mais on a l'impression qu'on a affaire à des pasteurs protestants, pour qui l'affaire est entendue depuis longtemps (ils se marient), non pas à des catholiques. Du coup, on ne sait pas très bien quel est le message : dénoncer l'hypocrisie de l'Eglise qui admet l'évidence mais continue de prôner le célibat, ce qui rejoint l'attitude de l'évêque, avide de pouvoir et insensible au sort de ses ouailles ? Montrer le doute chez un prêtre qui, voyant tant de misère au quotidien, redevient un homme "normal", puisant sa force non plus dans sa foi, vacillante, mais dans d'autres valeurs ? Un film sur la pauvreté, ou sur la condition des prêtres ? Ca m'a paru étrange et maladroitement fait. Un grand tabou de l'église catholique soudain effacé comme par magie. Un petit détail qui nous attire sur des chemins de traverse, alors que le vrai sujet, c'est quand même la lutte de ces hommes contre la pauvreté.

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Et puis la fin m'a beaucoup déçue et frustrée. Ca se termine en "queue de poisson" comme on dit. Le film est intéressant, les personnages attachants, et soudain ça s'arrête... Une bonne dizaine de minutes de plus auraient été nécessaires pour mieux poser le dénouement, installer des pistes pour que nous imaginions mieux le futur de tous ces gens que nous avons côtoyés, donner une note d'espoir ou au contraire de pessimisme, pour susciter la réflexion chez le spectateur.

Un peu décevant, donc, en ce qui me concerne.

A noter que les lieux de tournage sont réels, mais je n'ai rien trouvé de précis concernant ce fameux (et impressionnant) hôpital abandonné. Dommage.

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La presse "intello" a aimé : "Une version périurbaine de l'enfer, que le réalisateur filme entre documentaire et ferveur romanesque. Ce mélange singulier fait - le temps d'un travelling virtuose dans le dédale des baraquements - coexister le suspense et l'émotion". (Télérama). Avec quelques bémols : "Que manque-t-il, à ce très bon film, pour être immense ? Peut-être un peu de mystère. "Elefante blanco" est stylistiquement carré, politiquement nuancé, mais sans surprise." (Les Inrocks). Et derrière, des doutes, comme les miens : "C'est une fresque humaniste, tendue et palpitante, que signe le cinéaste argentin Pablo Trapero, une fois de plus témoin de son époque. (...) Dommage que, sans doute écrasé par l'ampleur du récit, le réalisateur ne parvienne pas à répondre à toutes les questions si judicieusement posées." (Le Journal du Dimanche). "Fouillis. La priorité étant donnée au décor (...) et aux mouvements de foule, (...) le tableau est impressionnant, mais sans réelle cohérence dramatique. Le genre de sujet sur lequel on préférerait largement voir un documentaire" (L'humanité). Le public semble plus indulgent, mais note aussi quelques maladresses.

En tous cas, c'est moins fort que La Cité de la Joie, qu'il va me falloir revoir un de ces jours !


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