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Pourquoi le mot humanisme ne peut remplacer le mot féminisme

Publié le 06 août 2014 par Juval @valerieCG

Vous allez retrouver, ces prochaines semaines, d'anciens articles que je ré-écris, n'en soyez donc pas étonné-e-s.

Vous vous demandez sans doute souvent pourquoi les féministes préfèrent se qualifier comme telles plutôt que d'humanistes comme si nous choisissions de privilégier les femmes aux hommes.

Le féminisme est né parce que les femmes avaient à l'époque besoin de faire reconnaître qu'elles souffraient de discriminations légales. Par exemple, elles ne pouvaient  pas voter, pas disposer de leur propre argent, pas travailler sans l'autorisation d'un homme et n'avaient pas l'autorité parentale sur leurs enfants. Il était important de pointer qu'elles souffraient de ces discriminations parce qu'elles étaient des femmes et que c'était ce point là et lui seul qui causait les discriminations.

Et ainsi aujourd'hui on continue de prendre cet angle là lorsqu'on réfléchit sous un axe féministe. Evidemment il n'est pas toujours suffisant et l'on en ajoute d'autres ; la classe sociale par exemple. Ainsi par exemple pour étudier les insultes faites à Taubira, il était important de prendre en considération plusieurs axes de discriminations. On n'aurait pu étudier ce qu'elle subit en se contentant de l'étudier sous l'angle féministe par exemple.

Il ne s'agit évidemment pas de dire que ce que les femmes vivent est pire ou plus grave  que ceux que vivent les hommes mais de comprendre au mieux comment fonctionne une discrimination.
Si je dis que Ségolène Royal est une mauvaise ministre j'énonce une opinion. Si je dis qu'elle ferait mieux de retourner à ses casseroles, je la ramène à sa condition de femme et je tiens un discours sexiste.
Si vous êtes frappé dans la rue, que vous soyez un homme ou une femme parce que, par exemple, vous avez refusé de donner une cigarette c'est aussi grave qu'une femme qui serait frappée par son mari car elle a souri au voisin mais les causes ne sont pas les mêmes. Dans le cas de la violence conjugale citée, il y a une idée sexiste qui pré-existe et qui dit qu'une femme n'a pas à sourire à quelqu'un d'autre que son mari. Ainsi si vous luttez contre toute forme de violence en général, vous serez humaniste et si vous luttez contre les violences spécifiquement sexistes, vous serez féministe.
Afin de lutter au mieux contre les préjugés, les idées reçues il convient de comprendre d'où ils viennent.

Afin de combattre ce dont sont victimes les femmes, nous devons comprendre les discriminations sexistes en ce qu'elles ont de spécifique.

Si nous tenons à faire reculer le sexisme, il faut comprendre ce que ces discriminations ont de spécifique.
Si vous vous dites humaniste, c'est à dire que vous luttez pour tous les humains sans distinction c'est une très belle idée mais vous ne pointez plus les discriminations spécifiques dont on peut être victime.
Lorsque des homosexuels sont insultés en termes homophobes ou qu'une ministre noire est traitée en des termes sexistes et racistes, il est nécessaire, justement pour lutter contre, de montrer que ce dont ils ont été victimes n'est pas de la même nature. Cela ne signifie pas que l'un est plus grave que l'autre bien évidemment.

Nous sommes tous et tous faits de plusieurs identités. Toutes ces identités ne sont pas identiques ; être noir en France n'est pas comme être blanc. Etre femme n'est pas comme être homme. Etre une femme noire n'est pas comme être un homme noir, mais pas non plus comme être une femme blanche. Etre une femme pauvre n'est pas pareil qu'être une femme riche. Dans l'idéal, nous sommes égaux mais on sait bien que cela n'est pas vrai à l'heure actuelle ; parce que certains souffrent de discriminations dont ne souffriront pas d'autres.

Se dire humaniste est une très belle idée mais vous risquez d'oublier beaucoup de discriminations au passage. Ainsi le féminisme est né parce que les femmes avaient le sentiment justifié que ceux qui menaient des combats contre des injustices sociales ne se préoccupaient pas de celles les concernant.
Beaucoup de militants de gauche nous renvoient sans cesse au contexte économique en nous expliquant doctement que les autres inégalités disparaîtront lorsqu'il n'y aura plus d'inégalités économiques.  C'est faire un sacré pari...  et faire fi de l'histoire qui montre que sexisme et racisme, par exemple, n'ont pas attendu l'avènement du capitalisme pour exister.

L'humanisme serait une lutte contre toutes les discriminations. mais comment voulez vous lutter contre ces discriminations si vous ne les nommez pas ?
On tend ces dernières années à morceler de plus en plus les combats contre les discriminations;  c'est indispensable dans la mesure où force est de constater que si l'on ne nomme pas un combat, on l'oublie.
Reprenons notre terme "humanisme". Comptez-vous englober là dedans les luttes contre le sexisme, l'islamophobie, la négrophobie, la transphobie, le racisme antijuifs, l'homophobie et j'en oublie des dizaines ? Comment voulez-vous lutter contre ces discriminations si l'on ne les étudie pas attentivement en les nommant et en les étudiant ?
Prenons deux exemples ; l'embauche d'une femme blanche et l'embauche d'un homme noir.
La femme blanche risque d'être discriminée à l'embauche par rapport à un homme blanc car beaucoup considèrent qu'une femme est moins efficace qu'un homme, peut tomber enceinte ou peut s'absenter pour cause d'enfants malades.
L'homme noir risque d'être discriminé à l'embauche par rapport à un homme blanc parce qu'il sera jugé plus paresseux, moins intelligent.
Dans les deux cas, vous avez des exemples flagrants de discriminations ; pour autant vous constatez bien que l'on ne discrimine pas sur les mêmes choses ; il importe donc d'étudier chaque type de discrimination de manière claire (tout en les liant aux autres si besoin bien évidemment).

Enfin l'humanisme tend à oublier que le sexisme est structurel c'est à dire que si on compare notre société à une maison, le sexisme fait partie des fondations de cette maison ; on pourra bien la parer de toutes les jolies choses qu'on veut, les fondations seront, elles, toujours les mêmes. Il tend à tout mettre sur le même plan et à considérer par exemple que les blancs souffrent autant de discriminations que les noirs, que les hétérosexuels seraient discriminés comme les homosexuels. Il nous dit que tout se vaut et que ne pas être augmenté parce que le patron ne nous a pas à la bonne revient au même que de ne pas l'être parce qu'on est une femme. Dans les deux cas c'est aussi injuste bien sûr, mais dans un cas on parlera de sexisme structurel alors que dans l'autre on a une inimitié entre un patron et son salarié (encore une fois complètement injuste).

Voilà pourquoi le féminisme ne peut être nommé humanisme parce qu'on a toujours constaté que, lorsqu'on englobe des luttes spécifiques dans un discours plus large, on tend à les oublier.


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