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Allo Docteur?

Publié le 21 mai 2008 par Chondre

Je tombe de plus en plus souvent sur des appels provenant de personnes désespérées. Je n’aime pas cet exercice car je ne me considère pas forcement qualifié ou préparé. Ce genre d’entretient laisse toujours des traces. Ces personnes sont atteintes de maladies incurables ou connaissent dans leur entourage proche des personnes atteintes de telles maladies. La démarche est courageuse et la quête d’information est douloureuse. Elles pensent le plus souvent que le médecin traitant cache des données importantes ou demandent un simple conseil. Le traitement est-il efficace, cet effet secondaire est-il normal, combien de temps devrais-je prendre ces gélules, je supporte de plus en plus difficilement les perfusions. Je tombe plus rarement sur des patients traités pour une maladie à mauvais pronostic. On leur a assigné une thérapie, parfois lourde, difficilement tolérable, parfois même palliative. Ces personnes n’envisagent jamais une issue fatale. Elles vivent dans le propre monde et pensent que la médecine actuelle est capable de tout guérir, qu’il suffit d’une ablation ou d’une cure médicamenteuse pour répondre à tous les problèmes de santé. C’est rarement le cas. Le chemin est souvent plus tortueux.

Le désespoir peut parfois pousser à l’inconscience. Des patients se retournent vers des médecines parallèles. On leur a annoncé qu’ils étaient atteints d’une maladie incurable et ils se laissent séduire par des gourous de la macrobiotique, des grands babous du naturel ou par le célèbre Professeur van Kuhne. Ce brillant médecin chercheur a découvert une molécule fantastique issue d’une plante qui ne pousse que sur le versant Est de l’Annapurna le jour du solstice d’hiver les années bissextiles. Un complot fomenté par les plus grands laboratoires pharmaceutiques suisses l’a empêché de commercialiser son principe actif miracle, et le margoulin propose à tout patient désespéré et à sa famille fortunée son médicament moyennant participation aux frais de développement. Un grand classique. On récupère bien malheureusement les patients survivants détruits moralement et physiquement.

Une patiente à lu dans Bibabio que la lampe de l’Himalaya possédait des vertus exceptionnelles. Constituée de sel, elle est naturellement capable de devenir un élément régulateur de l’ organisme en équilibrant le corps grâce aux ions, en aidant à communier avec les éléments bienfaiteurs de l’entourage et en chassant les microbes et autres mauvaises cellules pathogènes. Une autre se fait des ablutions anales en se trempant les fesses dans de l’eau bénie rapportée de Lourdes. Les marabouts sont plus rarement consultés. Donne beaucoup d’argent au Docteur Boubou et ta femme reviendra comme une chienne à tes pieds, tes orgasmes seront décuplés et ta maladie s’envolera d’ici trois semaines. Je reçois également d’imposants dossiers me vantant les mérites d’un produit X guérissant tout et n’importe quoi avec preuves à l’appui. Avant, le patient est en phase terminale et vérolé de métastases. Après, et au bout de quelques semaines seulement, tout a disparu.

Sans compter sur les consultations intempestives de sites internet de vulgarisation médicale. Un individu lambda est persuadé d’être atteint d’une vilaine maladie. Il en est certain. Il a été capable de réaliser un diagnostic via doctissimo ou santepourtous.com et connait les moyens de traitement grâce à soignetoibien.net. Monculsurlacommode.org?

Je tombe également sur des appels un peu plus farfelus. Il y a quinze jours, une patiente se plaignait de sécheresse vaginale. J’ai tout d’abord pensé à une blague d’une de mes collègues. Non, l’appel était bien sérieux. Cette femme était traitée pour une pathologie bénigne mais le médicament injecté lui causait quelques soucis. Son vagin était vraiment trop sec et les rapports sexuels avec son mari, doté d’un gros engin, devenaient douloureux. Son compagnon lui avait même proposé de diversifier leurs ébats et de tester une voie alternative mystère. N’étant pas spécialement un expert en vagin (…), je n’ai pu que lui conseiller de se diriger vers son gynécologue. Elle n’entendait rien et souhaitait me parler de tous ses petits problèmes du quotidien, de sa belle-mère qui ne comprend rien à sa maladie, mais également encore une fois des avances répétées de son mari. Ecouter. Toujours écouter les gens, c’est la moindre des choses.

Tous ces échanges me font apprécier l’éternelle juvénilité de mon cher et tendre, le monopole de la télévision par ses consoles à la con, son mauvais caractère, les séances pourries de bricolage en couple, mes moments de speen, mes propres angoisses et les bites en latex collées sur le réfrigérateur.


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