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Le Dico des Idées : Holisme et individualisme

Publié le 12 août 2014 par Vindex @BloggActualite
Penseurs : Holisme : Smuts, Durkheim, Bourdieu       Individualisme : Boudon, Tocqueville, Hobbes, Locke, Popper, WeberIdées liées : individu, groupe, société, ensemble, Etat, liberté, système.
En sociologie, le Holisme et l’Individualisme sont deux grandes grilles de lecture permettant chacune à leur façon (et peut-être de manière complémentaire) d’étudier la société et les phénomènes sociaux. Chacune de ces théories adopte des principes de base qui orientent l’étude de la société selon une méthode particulière. Pour faire simple dans un premier temps, on peut dire que le holisme considère que la société et les groupes constituent plus que la simple addition d’individus et que les corps sociaux influencent voir conditionnent en retour les individus. L’individualisme considère au contraire que l’individu est l’organe de base de la société et qu’il doit donc être la base de l’étude de celle-ci. Il attribue une place centrale à l’individu. Cependant, nous verrons que ces concepts ont non seulement une histoire plus ou moins longue mais en plus une certaine polysémie qui fait que leur utilisation dépasse largement la seule sociologie.

Histoire de deux concepts


L’individualisme
Le terme d’individualisme apparaît au XIXème siècle en France en réaction à la Révolution Française et aux Lumières. Son sens est alors plutôt péjoratif : il est lié au désordre, au chaos. Cependant, là n’est pas la seule signification de ce terme à l’époque. En effet, en Allemagne, le concept est lié au romantisme. L’individualisme est alors synonyme de réalisation de soi, d’originalité et d’unicité. En Angleterre, le mot a un sens d’avantage économique puisqu’il s’oppose au collectivisme et va dans le sens d’une intervention minimale de l’Etat. Aux Etats-Unis, ce sens se retrouve mais se teinte également de la notion de liberté individuelle et de libre entreprise. On voit donc que le terme d’individualisme est lié aux nouvelles idées politiques du XIXème siècle, en particulier le romantisme et assez logiquement le libéralisme qui base aussi sa réflexion sur l’individu. Ne systématisons pas toutefois ce lien : Alexis de Tocqueville, auteur libéral, met en garde contre l’individualisme qu’il considère comme une menace pour la démocratie. Selon lui l’individualisme est une réaction qui fait se replier les gens sur eux-mêmes, affaiblissant ainsi les liens sociaux.
A partir de quelle époque l’individualisme s’est développé dans les faits ? Bien souvent on oppose les sociétés traditionnelles (où l’individu n’est rien sans son groupe d’appartenance) aux sociétés modernes (où l’individu a la primauté par rapport au groupe). Mais l’essor de l’individu a probablement connu des temps forts et fut progressif. Selon Jacob Burckhardt, l’importance de l’individu a connu un premier essor dès la Renaissance avec une plus grande affirmation de la vie privée, de l’individu dans la société. Cela s’observe dans tous les arts (en pleine évolution évidemment) puisque les artistes changent de statut, évoluent dans la société et créent de manière plus individuelle (de plus en plus en dehors des bottega et ateliers, de plus en plus pour les princes). Leur plus grande singularité est remarquable sur les œuvres mêmes puisque se développent les signatures et marques personnelles.  
Le holisme
Le holisme est un terme plus récent et à la définition plus complexe. Il fut introduit en 1926 par Jan Christiaan Smuts dans son livre Holism and Evolution. Ce livre a pour but de faire le lien entre sciences et philosophies et s’inscrit dans le paradigme de nouvelles théories scientifiques (évolution, relativité générale…). Il s’agit d’échapper à la fois au déterminisme et au finalisme pour expliquer la connaissance des choses. Holisme vient du grec holosqui signifie la totalité, l’entier. Le holisme est donc est une façon de comprendre le tout et considère que tout ensemble formé de parties comportes des propriétés supérieures à la simple somme des parties. Le holisme serait le principe supérieur par lequel tout ensemble serait supérieur aux parties constituantes. Par exemple, le tout formé par le corps humain possède des propriétés supérieures à tous les organes qui le constituent par le fait que toutes les parties entretiennent des liens entre elles. De même l’ensemble constitue un système qui change du fait de ses parties et fait évoluer celles-ci.Le holisme de Smuts est donc une théorie philosophique d’ordre général sur la nature de la vérité qui développe un paradigme en expliquant l’évolution de la matière de sa forme la plus indivisible aux ensembles les plus complexes. Le holisme serait la force motrice de l’évolution, tentant d’expliquer celle-ci en allant plus loin qu’une simple causalité linéaire. 

Des concepts polysémiques


L’individualisme
De part son histoire l’individualisme a donc plusieurs sens : affirmation de l’individu jusqu’à égoïsme, liberté individuelle, Etat minimal… Avec l’apparition de la sociologie à la fin du XIXème siècle, certains concepts apparaissent ou évoluent étant réappropriés dans l’objectif d’étudier la société. L’individualisme prend un sens sociologique qui signifie que la société est constituée avant tout par les individus ayant des finalités individuelles. Les individus précèdent donc la vie sociale. Cet individualisme avait déjà été exprimé dans les théories de contrat social de Hobbes et Locke. On distingue ce sens de l’individualisme méthodologique qui est une doctrine sur l’explication sociologique. Elle reconnaît non seulement que la société se base sur les individus et leurs intérêts personnels mais ajoute que la société ne peut s’expliquer qu’en prenant en compte des phénomènes individuels : propriété, croyances des individus, actions, choix et stratégie… L’individualisme méthodologique ne reconnaît pas de motivations à la société. Ce terme fut créé par Joseph Schumpeter et ce courant de la sociologie est bien sûr en contradiction avec le holisme.
Le Holisme
La multiplication des sens du holisme provient de l’application de la pensée de Smuts à plusieurs disciplines. Rappelons que l’homme politique sud-africain affirmait que la connaissance ne pouvait être acquise qu’en prenant en compte le tout, l’ensemble. Il s’oppose ainsi au réductionnisme. 
Mais le holisme a aussi investi le champ sociologique où il affirme que les faits sociaux dépassent les individus, que la société englobe les individus qui la composent et les influence par le pouvoir de coercition qui fait que les individus intériorisent certaines règles. Il s’oppose donc à l’individualisme méthodologique et à l’individualisme et veut expliquer les faits sociaux en relation avec le groupe et la société. Il faut selon Durkheim « remonter aux faits sociaux antérieurs » et non s’attarder sur les « états de conscience individuelle ». Les actes individuels peuvent s’expliquer par des normes sociales. La méthode holiste favorise la compréhension du global pour comprendre l’individuel plutôt que d’expliquer seulement l’individuel. Le holisme a même été appliqué dans d’autres disciplines : logique, épistémologie, sémantique, philosophie…

Exemple : l’inégalité des chances à l’école


Afin de mieux comprendre ces deux courants de pensée assez abstraits, prenons un exemple de fait social expliqué de manière différente par les deux courants : l’inégalité des chances à l’école.
Ce que les holistes et Bourdieu en pensent
Selon les holistes, l’inégalité des chances à l’école est le fait de la reproduction sociale. Les individus de part leur classe sociale ont un habitus et un capital social, économique et culturel différents. La sous-représentation des classes populaires dans les grandes écoles et leur plus grand taux d’échec scolaire viendrait donc essentiellement du fait de leurs moins grands revenus, de leur moins grande connaissance du système, de leur moins grande culture et de leur réseau moins intéressant. Si le holisme donne des arguments intéressants concernant ce fait social, il ne faut pas que la reproduction sociale devienne un déterminisme qui laisse une place marginale au libre arbitre et à l’individu dans la société et qui limite le changement social. Toutefois cette vision de la société motive des politiques interventionnistes de répartition au motif de l’égalité des chances et de la justice sociale. 
Ce que les tenants de l’individualisme méthodologiques et Boudon en pensent
Contrairement aux holistes, les tenants de l’individualisme méthodologique insistent sur l’origine individuelle de cette inégalité. Selon Raymond Boudon, le système scolaire serait en partie à l’origine de cette inégalité puisque le sociologue, en comparant la France et la Suisse dans les années 1970, constate qu’en France le fait de laisser le choix aux familles entraîne certains échecs. Cela signifie bien que les ambitions et motivations individuelles (dans ce cas non contenues par l’institution) peuvent expliquer des phénomènes sociaux de plus grande ampleur. Cependant, même si la démonstration semble imparable, les ambitions et stratégies de chacun ne diffèrent-elles pas selon les familles notamment en fonction de la perception que chaque famille veut donner d’elle selon sa position sociale ? On peut constater que les principes dominants d’une société peut entraîne une auto-censure au niveau individuel. 
Sources
Dictionnaire de la pensée politique. Hommes et idées. Hatier, 1989. WikipediaYoutube
Dailymotion

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