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Le changement, c’est hors de question

Publié le 18 août 2014 par H16

Scrogneugneu, c’est ainsi et on n’en démordra pas : il est hors de question que la politique du gouvernement change. Certes, le « changement c’est maintenant », mais maintenant, c’était il y a deux ans. Et maintenant, on ne change plus. C’est pourtant simple à comprendre, non ?

C’est en tout cas sans ambiguïté de la part du premier ministre : dans une interview doublée d’un sondage parus sur le Journal Du Dimanche, Manuel n’y est pas allé par quatre chemins et a bien expliqué à tous et à toutes qu’il était impensable, et même hors de question, qu’on commence à remettre en cause les beaux efforts consentis par l’actuel gouvernement sous l’impulsion vigoureuse d’un président de la République au plus haut de sa forme. Et l’entêtement est logique, voyons, puisqu’il faudra bien un peu de temps à la politique de Maître François pour prendre son envol et produire des résultats :

« Oui, la politique que le président de la République a décidé de mettre en œuvre nécessite du temps pour produire des résultats. Mais il est hors de question d’en changer. Le pacte de responsabilité et ses 40 milliards de baisse de coût du travail vont véritablement entrer en œuvre maintenant »

valls du changement

Voilà, c’est dit, n’en parlons plus. Il y a deux ans, le capitaine du pédalo avait fixé un cap clair, celui du changement. Si certains avaient pu railler une prise de direction aussi courageuse, cela n’avait pas empêché l’exécutif de pédaler se mettre en branle pour aller, d’un jarret vigoureux, dans la direction choisie.

Et du changement, il y en a eu.

Les têtes des administrations qui étaient jugées trop proches de Sarkozy furent changées. Les ministres aussi ont changé. On a changé quelques paquetages sociétaux. On a changé de concubine, plusieurs fois. On a changé, plusieurs fois aussi, de communicants à l’Élysée. On a même changé de lunettes ! Et on a, un peu, changé d’avis sur la crise qui a traversé la France, positionnant le curseur de « blagounette sarkozienne » à « houlala mais en fait non pas du tout c’est du sérieux, Pépère ».

Mais la politique économique, ça, non, on ne touche pas. C’est niet ! Elle a été décidée une fois pour toute, et son problème est que, comme pour un vieux moteur diesel, il faut un temps certain pour que le moteur chauffe et démarre. On en est là, au préchauffage. Hors de question de changer maintenant, alors qu’on est sur le point de démarrer.

Sauf qu’on est en droit de s’interroger tout de même un peu. Parce qu’après tout, cette politique économique qu’il est impensable de remettre en question, il semble bien, à l’analyse, qu’elle ne soit pas aussi figée dans le marbre que ce que laisserait penser la belle détermination d’un Valls volontaire.

le changement est hors de question

Prenez les impôts, par exemple (ce n’est pas une proposition, hein, c’est une contrainte. À payer.) Eh bien dans ces deux années, le moins qu’on puisse dire est qu’il y a eu, sur le sujet, pas mal de changements. Au début, rappelez-vous, il s’agissait de faire casquer les riches, ce qui devait, selon le premier ministre de l’époque, épargner neuf Français sur dix. Las. Une très grosse majorité d’entre eux s’est alors découvert riche (premier changement). À la suite de quoi (et de la grogne déclenchée), il a fallu faire un petit peu de rétropédalage sur un plan d’eau agité. Des réductions d’impôts furent donc consenties pour les plus pauvres (deuxième changement). Avec l’actuelle arrivée des nouvelles déclarations, nouvelle découverte : plusieurs centaines de milliers de Français deviennent des foyers fiscaux. Troisième changement. Quant à la finance, c’était l’ennemi, mais bon, finalement, non. Pour une politique économique fixée sur le long terme, ça fait déjà beaucoup d’ajustements, disons.

Du côté des « réformes », s’il y a eu changements, c’est dans leurs noms, leur nombre et leur portée. Le pacte de compétitivité s’est mué en pacte de responsabilité sans qu’on puisse dire exactement ce qu’il va contenir, le choc de simplification s’est transformé en tsunami de textes et de lois complexifiant encore l’usine à gaz française. Lorsque Hollande faisait paraître son programme présidentiel, il établissait des objectifs (de croissance, de déficits) qui ont eu le bon goût, là encore, de changer au fil du temps (jamais pour le meilleur, zut encore). Quant aux dépenses des administrations publiques, là encore, le changement fut dans le rythme de croissance, peut-être plus modéré que sous Sarkozy… Mais malheureusement toujours positif (et pas qu’un peu).

Décidément, le changement est une chose difficile à cerner. Soit il n’y en a pas officiellement, et toute modification, tout volte-face et tout demi-tour dans la politique économique du gouvernement est alors un ajustement, une adaptation, un petit réglage. Soit il doit absolument y en avoir un gros, et là, on tombe sur de longs discours enflammés, des dispositions de lois amphigouriques et de mystérieuses disparitions en rase campagne.

oh noesAh, et accessoirement, en marge de l’interview, il y avait aussi un sondage dont le résultat ne devrait, en réalité, surprendre personne. Dans une proportion de quatre sur cinq, les Français ne feraient apparemment plus confiance au gouvernement et pour obtenir des résultats en ce qui concerne la réduction des déficits publics (zut alors !), la croissance économique (sapristi !) et la lutte contre le chômage (oh noes !).

Certes, tout comme on ne peut pas avoir « le changement » comme cap, parce que c’est parfaitement ridicule, on ne peut pas non plus gouverner un pays comme une girouette, en changeant sa politique au gré des sondages divers et variés. De là à soutenir mordicus qu’il faille s’entêter alors que les contre-performances s’empilent, évidemment, il y a une certaine marge dans laquelle barbote actuellement le gouvernement en faisant des petits prouts gênés.

En outre, la médiocrité du soutien au gouvernement constitue un record, tant en durée qu’en profondeur. Force est de constater qu’il est détesté de tous les bords, et la dissension se voit même dans les rangs de la majorité parlementaire. Valls a beau faire un peu de rhétorique en prétendant avoir un « discours de vérité », il s’agit surtout d’un discours creux, dans lequel les évidences s’enfilent les unes après les autres, évidences qui montrent que personne n’a d’idée précise de la direction prise par le gouvernement ; tout, dans ce qu’il fait, montre de la précipitation, de la réaction à des événements extérieurs qui n’ont pas été anticipés ni même imaginés. Les entrées d’impôts diminuent alors qu’on en a augmenté l’assiette et la quotité ? C’est totalement imprévu. La construction immobilière s’effondre alors qu’on a pourtant noyé le secteur dans une législation contraignante et des normes folles ? Coup du sort, à l’évidence. En fait, tout est décidé dans l’urgence, pour parer au plus pressé, ce qui est l’exact contraire d’une politique décidée de longue date, planifiée et développée sereinement.

rentrée délicate pour valls

En définitive, difficile de ne pas mettre ces deux informations l’une à côté de l’autre.

D’un côté, le gouvernement applique de façon brouillonne la délicieuse « solution » qu’il nous a concoctée au cours des deux dernières années, brouet indigeste de bricolages, de renoncements, d’air chaud ventilé avec force, de « réformes » faites en dépit du bon sens et avec un résultat que même les plus fervents soutiens au Président des Bisous sont en droit d’appeler échec. Devant ce constat, le premier ministre nous annonce qu’il ne changera pas d’un iota. Bon. OK.

De l’autre, les Français n’ont plus aucune confiance en lui pour remettre le pays d’équerre.

Coïncidence ? Vraiment ?

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