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Charente-Maritime : les conchyliculteurs à bout de nerfs

Publié le 19 août 2014 par Blanchemanche
Publié le 19/08/2014  par Philippe Baroux

Cet été, le désespoir lié à la surmortalité a fait descendre les producteurs d’huîtres et de moules dans la rue pour la première fois. Ils réclament aide financière et qualité de l’eau

Charente-Maritime : les conchyliculteurs à bout de nerfsLe 5 août dernier, à La Rochelle, déversement de coquilles devant la préfecture.© PHOTO PHOTO ARCHIVES PASCAL COUILLAUD
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Une musique qui sonne creux, sombre cacophonie de crise. C’est le son que produisent des tonnes de coquilles d’huîtres et de moules mortes jetées sur le pavé par des producteurs en colère. Les trottoirs de la préfecture de LaRochelle ont servi de caisse de résonance le 5août, lorsque 300 à 400conchyliculteurs ont manifesté. Hier, la préfète ouvrait sa porte aux chefs de file de l’ostréiculture et de la mytiliculture charentaises, associant une délégation du Conseil général aux échanges.L’exaspération est forte, étayée d’un appel à l’aide lancé à l’État. Elle s’alimentait d’une série d’autres temps forts de la mobilisation estivale, parce que c’est l’été que les parcs d’élevage déversent leur misère. Qu’il s’agisse, en juillet, de la réunion publique à Marennes, où les producteurs ont demandé des mesures urgentes pour redresser la qualité de l’eau, ou de la distribution de tracts au péage de Ré pour sensibiliser les consommateurs, ou encore du blocage du port de plaisance de LaRochelle, toutes ces manifestations, coordonnées par le Comité régional conchylicole Poitou-Charentes, disent qu’une filière professionnelle est acculée à l’échec par la mortalité importante qui fait s’effondrer ses productions. Bactérie et virus tuent.Sept années de criseJusqu’alors, les conchyliculteurs comptaient les victimes puis recevaient le concours de l’État, tentant d’adapter leurs pratiques d’élevage pour limiter la casse. Mais les caisses sont vides, et les arbitrages sont de plus en plus délicats. Aussi les cortèges de camions chargés de coquilles défilent-ils cet été. L’odeur est insoutenable, et le ton monte. À ces mouvements encadrés par les dirigeants professionnels s’ajoutent des actions isolées et, par définition, non maîtrisables: déversement de coquilles sur le rond-point de Marennes il y a un mois, violences sur un plaisancier fin juillet et, le week-end dernier, des déchargements d’huîtres, moules, palettes et poches d’élevage aux portes de la station de recherche Ifremer de La Tremblade.La base, sous pression, monte au rapport de force, laissant dire aux dirigeants du comité «que le bout du bout est atteint, ces manifestations risquent de se multiplier».Pour l’huître creuse, cela a débuté il y a sept ans, et les premières victimes étaient alors les produits d’un an, en début de cycle de croissance. Cela a empiré l’année dernière, avec des ravages considérables sur les huîtres de 3ans, prêtes à vendre. Au cours de l’été 2013, 10000 des 45000 tonnes produites dans le premier centre ostréicole européen sonnaient creux. La semaine dernière, les grandes marées ont renvoyé le même bruit de fond.Accédant à tous leurs parcs, les ostréiculteurs ont vu le pire. Là où des poches d’élevage devraient contenir entre 15 et 20kilos de belles numérosdeux ou trois, il n’en reste parfois pas plus de 3kilos, déplorait hier le président du Comité régional conchylicole Poitou-Charentes (et du Comité national), Gérald Viaud.Du côté des mytiliculteurs, les crus de 2010 à 2013 avaient signé des croissances médiocres, aussi les espoirs se reportaient-ils sur cette saison. Au final, 2014 débordera tous les… désespoirs. Tout le nord du département, là où se concentre 20% de la production nationale, a vu déferler une vague de mortalité sans précédent au printemps. La perte globale de chiffre d’affaires avoisine les 20millions.De nouvelles surmortalités«C’est la première fois que je me retrouve en vacances à la mi-août», ironise, amer, le président d’un syndicat de mytiliculteurs charentais, Benoît Durivaud. Pas ou peu de moules charentaises pour les éclades. La moule du Mont-Saint-Michel, la Bretonne, la moule d’importation s’y substituent. Les cours ont augmenté de 25 à 30 centimes le kilo à la production, hausse qui, dans l’assiette, en bout de processus de commercialisation, titille l’euro.Benoît Durivaud dit s’en sortir bien mieux que certains de ses collègues du nord de LaRochelle ou de Vendée (ses productions au sud du département sont moins touchées). Mais le producteur ne récoltera pas plus de 150 tonnes avant l’automne, contre les 600 d’une campagne ordinaire.Hier, ces professionnels ont énoncé leurs dix actions urgentes pour rétablir les fonctions écologiques des estuaires.Parce qu’il ne fait pour eux aucun doute que la dégradation des eaux dans les bassins-versants dont ils sont les exutoires forge leur malheur. Ils ont reçu des services de l’État le bilan des études en cours ou à venir, et la promesse de constitution de groupes de travail. Point positif, disait en substance Benoît Durivaud.Par exemple, les maires seront vite sensibilisés à la mise en conformité des réseaux d’eau pluviale. Sur le volet de leur indemnisation financière, les producteurs continuent de pointer l’insuffisance du soutien de l’État. Lequel ne trouvait hier d’autre solution que d’évoquer le fonds européen aux Affaires maritimes et à la Pêche, comme possible planche de salut.«»Les producteurs ont atteint le bout du bout. Les manifestations non contrôlables risquent de se multiplier

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