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Inhotim : vegetation room de Cristina Iglesias

Publié le 21 août 2014 par Aicasc @aica_sc

Détails des Cahiers de vacances de Matilde dos  Santos
Végétation Room
Acier poli, bronze, résine de polyester et fibre de verre
Surface totale 81 M2

Intérieur du labyrinthe et vue du ciel

Intérieur du labyrinthe et vue du ciel

Le CACI (Centre d’Art Contemporain d’Inhotim) est un musée singulier. Ses dimensions, la proposition de monstration fragmentée, la mégalomanie de son créateur, la nature exubérante dans laquelle il s’insère, contribuent à faire de sa visite une expérience difficilement oubliable.
Parmi la trentaine d’œuvres disséminées en plein air, « Vegetation room » est une de mes préférées.
L’œuvre du sculpteur espagnol Cristina Iglesias a été inaugurée en 2012. Conçue pour cet endroit précis du parc (un lieu hybride, ni jardin, ni forêt), l’œuvre occupe une petite clairière, où Cristina a installé un labyrinthe parfaitement intégré au site. Loin des pavillons et inaccessible par les voiturettes du parc, l’œuvre fait partie de celles qui demandent l’effort d’une marche pour être vues.
On prend volontiers un petit chemin forestier, mais au bout d’un moment on se demande si on ne s’est pas perdu. Rassurés par l’apparition soudaine d’un panneau indiquant l’œuvre, on est quand même étonnés de ne pas la voir…

Le cœur de la chambre avec la source artificielle qui coule sous le dallage et les murs sculptés dansde la résine. Ouverture du plafond vers le ciel.

Le cœur de la chambre avec la source artificielle qui coule sous le dallage et les murs sculptés dansde la résine. Ouverture du plafond vers le ciel.

L’ambiguïté est déjà présente, on dirait que le labyrinthe est autant dehors qu’à l’intérieur de l’œuvre… Cela tient à la nature du labyrinthe : ses murs en acier poli reflètent si bien la végétation autour qu’on ne distingue pas facilement ses contours. La création de Cristina tient de l’architecture autant que la sculpture et du paysagisme. La chambre végétale poursuit des travaux que l’artiste avait commencés en 1993 lors de sa participation à la Biennale de Vénise. Techniquement cette chambre-ci posait un problème d’échelle, l’artiste n’ayant jamais travaillé avec les longueurs proposées, ni avec une installation forestière. C’est un carré de 9 mètres par 9 mètres, couvert par une plaque d’acier inox poli avec des ouvertures par endroits, qui permettent au visiteur, depuis l’intérieur, de voir le ciel, pour peu qu’il lève la tête. Le carré possède une entrée sur chacune de ses faces, et chacune des portes mène à une sorte d’alcôve aux formes biscornues, avec des reliefs en motifs végétaux répétitifs, fabriqués en poudre de bronze et résine. Les alcôves ne communiquent pas entre elles, et à un point de la promenade on doit toujours rebrousser chemin. L’œuvre a clairement une référence baroque, par la construction de type labyrinthe, par l’évocation de l’infini et aussi par la qualité du travail sculptural. Le relief, richement constitué, est ambigu lui aussi, mélangeant mémoire, traces de la végétation réelle et fiction. De prime abord on dirait des espèces végétales connues, puis on se rend compte qu’il y a eu invention. Les murs intérieurs accrochent donc le regard, alors qu’à l’extérieur, le regard glisse sur l’acier poli de ces mêmes murs, réfléchissant l’extérieur. Il y a comme une tension, un dédoublement entre ce qu’on voit et qui y est et ce qu’on voit et n’y est pas. Vegetation room se joue donc de l’espace mais aussi du temps. A l’intérieur de la chambre, une source d’eau rythme le temps de la visite. Cette source d’eau a été introduite par l’artiste mais a été traitée comme s’il s’agissait d’un accident naturel intégré au travail. Cela en dit long des rapports de l’œuvre avec l’entour. La pièce donne la réplique à la végétation environnante qui grandit inexorablement, maintenant l’œuvre dans une relation dynamique avec le lieu. Symptomatiquement, sur un point du chemin on a une vision du toit du carré et c’est la première matérialisation de l’œuvre, car les côtés se fondent parfaitement dans la nature. Le toit par sa position horizontale dénonce la main de l’homme, on le voit qui flotte sur la végétation. Cette vision non naturelle accroche le regard et dénonce la présence de l’œuvre.

Vegetation room : parois réfléchissantes et porte

Vegetation room : parois réfléchissantes et porte

Biographie de l’artiste
Née à Saint-Sébastien (Espagne) en 1956, Cristina étudie la céramique et le dessin à Barcelone. En 1980, elle approfondit sa formation à la Chelsea School of Arts, à Londres. En 1986 elle participe à la Biennale de Venise. Elle expose ensuite à Berne, Toronto et Pittsburgh. Le musée Guggenheim de New York lui consacre une exposition en 1997. En France, on peut voir place Leopold Dewael à Anvers, devant le Musée Royal des Beaux-arts d’Anvers (KMSKA), l’œuvre « Fontaine profonde » réalisée en 2006. Il s’agit d’un dispositif en va-et-vient d’eau, évoquant le temps et les marées. L’eau afflue et se retire lentement du bassin, laissant entrevoir, en se retirant, un fond en moulage de feuilles d’eucalyptus. Le moulage a une teinte bleu-vert qui donne une couleur particulière à la fontaine. Remplie, elle reflète son entour : les façades du KMSKA et d’autres bâtiments, les trams, voitures, passants, les arbres.

Matilde dos Santos, membre de l’Aica Caraïbe du Sud

Vue du toit avec les ouvertures et des murs réfléchissants (photo web, en 2012. La végétation des abords s'est considérablement développée depuis.

Vue du toit avec les ouvertures et des murs réfléchissants (photo web, en 2012. La végétation des abords s’est considérablement développée depuis.

Et pour en savoir davantage sur ce parc artistique exceptionnel,  lire

http://aica-sc.net/2014/06/28/inhotim-la-nature-de-lart/


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