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Le Parsifal de Wagner à Bastille, entre Saint-Paul et… Allemagne Année Zéro.

Publié le 18 mars 2008 par Cdsonline

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Au deuxième acte, les femmes-fleurs en bordel ambulant des années folles, bien résolues à séduire l’innocent Parsifal. Kundry veille… Opéra-Bastille, lundi 17 mars 2008. (Direction musicale de Hartmut Haenchen, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, avec Alexander Marco-Buhrmester, Victor von Halem, Franz Josef Selig, Evgeny Nikitin, Waltraud Meier, Christopher Ventris, Howard Haskin, Scott Wilde…)

Le dernier opéra du Maître n’a pas fini de susciter études, interprétations et exégèses, comme la mise-en-scène à laquelle j’ai assisté hier soir n’a vraisemblablement pas fini de susciter huées, lazzis et hourvaris.
Mais que se passe-t-il donc au début du 3e acte (aube du Vendredi Saint) pour provoquer cette véhémente protestation d’une partie du public? Que suggère Warlikovski lorsqu’il révèle que l’enfant présent jusque-là sur le plateau était une référence directe à Edmund d’Allemagne année zéro de Rossellini? Et quel rapport avec le Graal? Qu’est-ce donc que la blessure inguérissable d’Amfortas et… la fascination sexuelle exercée sur ses chevaliers par les “femmes fleurs” de Klingsor? Qui est Kundry? Mais au fait… de quoi “ça” parle, au juste, Parsifal? (car oui Parsifal parle aussi de “ça“, la “chose” sexuelle, comment ne pas s’y attarder?)


Ce n’est ni le lieu ni le moment de déployer l’ènième décryptage… cependant quelques mots pour dire mon sentiment sur l’intéressante adéquation ressentie hier soir entre la forme visuelle “théâtrale” et la forme musicale (impeccablement dirigée) : oui, Parsifal est l’une des cinq œuvres d’art majeures de l’humanité ; oui, elle continuera à questionner l’homme et les civilisations au plus proche de leur respective vérité ; oui, Parsifal traite du difficile passage de l’eros à l’agapé (au sens ou l’agapé est la forme la plus élevée de l’amour politique) ; oui, ce message subversif fut annoncé par l’avènement christique en tant que mort du dieu transcendant et une issue enfin possible à l’éternel cycle païen de génération-mort-renaissance du monde clos, circulaire et pré-ontologique des pulsions ; oui, cette dimension christologique fut déployée par Saint-Paul dans la hiérarchie qu’il établit entre amour, foi et espérance ; oui, Kundry est l’hystérique par excellence qui ne peut se définir qu’exclusivement en référence au désir de l’autre ; oui, Kundry-la-Séductrice et Kundry-la-Rédemptrice ne sont qu’une seule et même femme (diatonisme et chromatisme wagneriens) figure de l’éternel féminin goethéen ; oui, le clivage est interne au sujet (et le clivage entre le sujet et le monde — ou le sujet et l’objet — n’en est qu’une conséquence) ; oui, tant que cette révélation n’aura pas été intégrée, il y aura des figures sacrificielles de l’innocente pureté comme celles d’Edmund, car l’éternelle souffrance béante ne se refermant jamais est un autre nom (non!) pour la jouissance ! (plaisir dans le déplaisir).


Comme un accomplissement Hegelien “seule la lance ayant occasionné la blessure peut la guérir“, la rédemption a déjà eu lieu comme avènement de la Loi symbolique (année 0) il y a plus de deux millénaires et que depuis ce moment-là, il convient d’aller jusqu’au bout de la logique en sacrifiant le sacrifice lui-même! Pour le sujet (barré, forcément barré) c’est l’événement qui enfin dégage la per-spective lui conférant position et coordonnées (en écoutant les images, plutôt qu’en essayant de “voir” la musique…) Parsifal est le nom de celui dont la mission consiste en la rénovation de la communauté (du Graal), première étape indispensable à la reconstruction de la société ; il est aujourd’hui — et pour longtemps encore — l’un des guides éclairés de cette exigeante visée.

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Affiche du film Parsifal, réalisé par H.J. Syberberg


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