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«Monsanto est un monstre»

Publié le 08 septembre 2014 par Blanchemanche
#Monsanto #Pesticide
Caroline Stevan 08 septembre 2014
Un navire transportant du maïs dans le port de San Lorenzo, en Argentine,  l’un des plus grands ports céréaliers du monde. Avril 2014 (Alvaro Ybarra Zavala/Reportage by Getty Images)
Un navire transportant du maïs dans le port de San Lorenzo, en Argentine, l’un des plus grands ports céréaliers du monde. Avril 2014 (Alvaro Ybarra Zavala/Reportage by Getty Images)
A Perpignan, Alvaro Ybarra Zavala questionne l’industrie agroalimentaire et ses dérives. Le géant américain est évidemment pointé du doigt
Il le dit lui-même, les images ne sont pas spectaculaires. «Moi qui ai l’habitude de couvrir des conflits, je trouve ce travail extrêmement ennuyeux; je n’ai jamais photographié tant de tomates. Des rouges, des vertes…» Depuis près de trois ans, l’Espagnol Alvaro Ybarra Zavala documente l’industrie agroalimentaire. Et questionne ses dérives. Quelques-uns de ses clichés en noir et blanc, à la composition soignée et indéniablement puissants, sont exposés à Perpignan, dans le cadre du festival de photojournalisme Visa pour l’image. Grains de maïs transgéniques, machine à pulvériser des insecticides, gigantesques et nombreux silos de l’usine Monsanto, à Rojas, en Argentine – la plus grande dans son domaine. La fille d’un producteur fêtant joyeusement son anniversaire. Puis des enfants malades et malformés. Le cheminement est abrupt. Interview.Le Temps: Pourquoi ce projet?Alvaro Ybarra Zavala: J’ai commencé à travailler sur un cas particulier en Argentine, et j’ai découvert qu’il y avait toujours d’autres histoires à raconter. J’ai compris que l’enjeu était majeur et global. Accompagné d’une journaliste, d’un médecin et de deux avocats, je me suis jeté dans cette vaste enquête. L’idée n’est pas de faire de l’activisme mais seulement de lancer le débat sur la manière dont on souhaite que notre nourriture soit produite. C’est capital; tout le monde mange. Des juristes et un médecin nous conseillent parce que nous voulons être sûrs de ce que nous avançons. Et puis, en face, Monsanto a les moyens de payer deux cents avocats pour nous contrer.– Monsanto semble être le grand méchant de l’histoire. Est-il le seul?– Il n’est pas le seul, mais le principal. C’est un monstre.– Quels sont les problèmes majeurs?– Que l’on soit en Inde, en Argentine ou ailleurs, cette manière de produire engendre des problèmes de santé publique et d’environnement, des violations des droits humains, des tensions politiques et économiques. Cette industrie suppose 4000 à 10 000 hectares pour être profitable. Les petits producteurs locaux sont donc mis sur la touche et l’on retrouve partout les mêmes grandes multinationales. Les petits sont poussés à vendre leurs terres, voire forcés à le faire – au Brésil notamment. Et s’ils ne le font pas, leurs champs sont entourés de zones traitées avec des produits phytosanitaires, tel le Roundup, qui contaminent ou détruisent leur récolte. En Argentine, une première génération d’enfants est affectée parce que leurs parents ont été exposés à de tels produits. Les cas de fausses couches, de maladies ou de malformations comme l’hydrocéphalie sont légion. Je pensais devoir les chercher, mais dans chaque village de 600 habitants, il y a au moins 60-70 cas. Les adultes, eux, souffrent de cancers et de maladies de peau. La contamination se fait par le contact avec les produits, mais aussi par l’eau et la nourriture.– L’une des questions de départ de votre travail est de savoir si l’industrie agroalimentaire n’empoisonne pas davantage la planète qu’elle ne la nourrit. Avez-vous la réponse?– Evidemment, les grandes compagnies arguent qu’elles sont la solution à la faim dans le monde. Les activistes leur rétorquent que les crises alimentaires sont la preuve du contraire. Mais la planète est bel et bien mise à mal par cette manière de produire.– Les populations locales en sont-elles conscientes?– Oui, mais ces firmes leur donnent du travail. Et les coopératives qui gèrent les assurances maladie, la protection juridique, etc. sont très proches des multinationales comme Monsanto. Tout est fait pour que le système perdure sans dénonciation.– Quid des autorités?– Elles vivent aussi de ce business. Notre travail a été très peu diffusé mais suite à une publication en Argentine, nous avons subi des pressions extrêmement directes de la part des plus hautes instances.– Quelles sont les prochaines étapes de ce travail?– Le Malawi, le Mozambique, l’Inde, puis l’Europe et l’Amérique du Nord. Monsanto se trouve dans chacun de ces pays, mais encore une fois, notre travail se concentre sur la façon de produire la nourriture et
non sur cette entreprise en particulier.Alvaro Ybarra Zavala, Récits d’une terre meurtrie, jusqu’au 14 septembre à l’église des Dominicains, à Perpignan. www.visapourlimage.com

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