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Critique Ciné : Gemma Bovery, l'autre Madame Bovary

Publié le 11 septembre 2014 par Delromainzika @cabreakingnews

Gemma Bovery // De Anne Fontaine. Avec Fabrice Luchini et Gemma Arterton.


Quelle belle et bonne surprise. Anne Fontaine, qui s’était quelque peu perdu ces dernières années entre Mon Pire Cauchemar ou encore Coco avant Chanel revient ici avec un film empreinté de littérature et qui de mieux pour conter cette histoire que Fabrice Luchini, l’un des plus grand pour ce genre de registre. On part d’une histoire simple, celle de Gustave Flaubert, un boulanger fasciné depuis sa plus tendre enfance par Madame Bovary de … Flaubert. Il va alors être émerveillé de voir qu’en face de chez lui vont s’installer Gemma et Charles Bovery dont le nom semble très proche des héros de Flaubert. Sans compter que pour lui, les comportements de ces anglais vont ressembler énormément à ces héros. Il va donc commencer à espionner leur vie, voir si tout ce qui se passe dans le roman peut aussi se dérouler avec Gemma (ou Emma) mais ici point de Rodolphe, remplacé par un Hervé (incarné par le très bon Niels Schneider - vu notamment dans Les rencontres d’après minuit -). La chute de l’histoire de Gemma Bovery est tout de même terrible dans le sens où finalement les Bovery n’avaient rien demandés et sans l’intervention de Flaubert, leur histoire aurait peut-être été différente.

Martin est un ex-bobo parisien reconverti plus ou moins volontairement en boulanger d'un village normand. De ses ambitions de jeunesse, il lui reste une forte capacité d'imagination, et une passion toujours vive pour la grande littérature, celle de Gustave Flaubert en particulier. On devine son émoi lorsqu'un couple d'Anglais, aux noms étrangement familiers, vient s'installer dans une fermette du voisinage. Non seulement les nouveaux venus s'appellent Gemma et Charles Bovery, mais encore leurs comportements semblent être inspirés par les héros de Flaubert. Pour le créateur qui sommeille en Martin, l'occasion est trop belle de pétrir - outre sa farine quotidienne - le destin de personnages en chair et en os. Mais la jolie Gemma Bovery, elle, n'a pas lu ses classiques, et entend bien vivre sa propre vie...

Gemma Bovery c’est donc avant tout l’historie d’une fanitude d’un homme pour un roman qu’il veut à tout prix voir se réaliser (et bien qu’il cache sa joie immense, à certains moments sa voix off est là pour nous dire à quel point il aime ce qu’il fait). L’autre charme du film d’Anne Fontaine, au delà de son aspect littéraire très travaillé et réussi c’est le fait qu’il se concentre sur les décors et l’environnement afin de rendre le film intemporel. Il y a quelques éléments de décors (un ordinateur portable) ou des références (Call of Duty) qui ne trompent pas mais l’on n’a sinon pas l’impression que nous sommes dans les années 2010. Bien au contraire, on a l’impression que le film date d’un autre temps. C’était merveilleux de ce point de vue là et je dois avouer que je ne m’y attendais pas du tout. Fabrice Luchini (Dans la Maison) est donc au sommet de son art en homme de littérature qui incarne ici un fan d’un roman qui a traversé les âges et que tout le monde connaît. Car oui, qui ne connaît pas Madame Bovary. En tout cas, pour l’avoir lu, je n’ai pas été aussi fasciné que Gustave (en même temps mon nom n’est pas Flaubert non plus). Dans Madame Bovary, Flaubert dit « vous profitez impudemment de ma détresse, monsieur ! Je suis à plaindre, mais pas à vendre ! ». Au fond c'est un peu ce qui se passe dans ce film.

Mais Gemma Bovery c’est un film plein de surprises, plein de malice qui se sert d’un roman comme d’un moteur pour réécrire à sa place un monument de la littérature. C’est teinté d’un humour franco-anglais bien trouvé, suave et toujours juste, d’une bonté merveilleuse, de belles images et puis d’un voile ailé plein de légèreté. Gemma Arterton (Quantum of Solace) est quant à elle radieuse dans le rôle de cette femme perdue et esseulée qui cherche un peu de réconfort et qui finalement ne va pas parvenir à le trouver. On ne peut que se laisser porter par ce film qui, même s’il perd un peu de son souffle dans sa seconde partie (et c’est bien dommage), est une adaptation réussie d’un roman graphique du même nom (car oui, Gemma Bovery ce n’est pas totalement la création d’Anne Fontaine). Petit à petit le fantasme devient une obsession pour Gustave et forcément les choses tournois dans une sorte de drame pourtant bien monté. Le film ne s’arrête cependant pas là dessus, mais aussi sur cette femme oisive qui adore jouer à la petite bourgeoise. Son personnage, irritant à souhait, fini par devenir un vrai moteur comique.

Note : 8/10. En bref, aussi chaud et bon que du pain tout juste sorti du four.


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