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Nonce Paolini (TF1) : “Netflix est en train de racheter des œuvres que nous avons financées”

Publié le 15 septembre 2014 par Blanchemanche
#Netflix
Nonce Paolini (TF1) : “Netflix est en train de racheter des œuvres que nous avons financées”La ministre de la Culture Fleur Pellerin (Charles Platiau/Reuters)

Au festival de la Fiction TV de la Rochelle, Fleur Pellerin est venue présenter des solutions très techniques pour faire de la France la “championne de la fiction” et préparer l’arrivée de Netflix, qui divise scénaristes, producteurs et diffuseurs.

“Faire de la France la championne de la fiction.” Fleur Pellerin a martelé la phrase tout au long de son discours. La ministre de la Culture fraîchement nommée est venue hier au Festival de la Fiction TV de La Rochelle 2014 pour clôturer un débat entre les dirigeants des principales chaînes françaises sur l’avenir des créations audiovisuelles françaises. Pendant vingt minutes, la ministre a énuméré – à toute vitesse, comme elle sait le faire – les solutions que le gouvernement souhaite apporter pour rendre la fiction française attractive. Profitant de leur regroupement à La Rochelle, on a demandé aux scénaristes, producteurs et diffuseurs, qui pour l’heure ne tarissent pas d’éloges à l’égard de la ministre et de sa connaissance des acteurs de l’internet, ce qu’ils pensaient concrètement de ses propositions.
Comment parvenir à ce que Netflix paye ses impôts ?
Premier gros nœud du problème : l’arrivée de Netflix le 15 septembre. Pour l’ex-ministre déléguée à l’Economie numérique, l’arrivée de la plateforme de diffusion de films et séries en ligne serait “une chance de renouvellement” de la diffusion de fictions françaises. “Un défi” compliqué à relever d’après Thomas Anargyros, président de l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA). Car si la ministre souhaite travailler au niveau européen afin de modifier la loi pour que Netflix soit obligé de payer des impôts dans le pays où il officie, Thomas Anargyros soulève un problème de délais :
“Evidemment si l’Europe arrive à instaurer une régulation sur ces nouveaux entrants, ça irait. Mais si la solution européenne doit prendre 10 ans, alors il faut trouver autre chose.”
C’est pour cette raison que le producteur propose une solution radicale :
“Tant que Netflix [et les éventuels autres arrivants sur le marché] ne sera pas soumis aux mêmes impôts que Canal ou Orange, qui paient leurs taxes en France, il faudrait leur faire payer une taxe nationale sur la bande passante”
Entendre : faire payer les acteurs étrangers pour avoir le droit d’utiliser le même débit sur internet auquel ont droit les entreprises françaises comme CanalPlay ou OCS de Orange. Une solution qui remet en cause la neutralité du Net et que le gouvernement a peu de chance de mettre en œuvre, puisque la nouvelle Secrétaire d’Etat chargée du Numérique Axelle Lemaire y a réaffirmé son attachement il y a quelques semaines.
Multiplier les formats et les genres
A l’inverse, certaines propositions de Fleur Pellerin ont fait mouche. L’envie de pousser les acteurs à diversifier les formats et les genres de fictions a évidemment fait l’unanimité auprès des producteurs et scénaristes, comme nous le confirme Jean-André Yerlès de la Guilde des scénaristes :
“Il est obligatoire qu’on ait plus de diversité, car il faut de tout pour que [le paysage audiovisuel] fonctionne. On a besoin de séries grand public comme TF1, qui veut réunir les téléspectateurs de 12 à 92 ans, mais aussi d’autres que l’on dit plus ‘segmentantes’, de la fiction plus pointue et plus élitiste.”
“Il y a eu un gros travail de fait sur l’écriture cette année“, a ajouté le patron de France Télévisions Rémy Pflimlin pendant le débat de vendredi. “Maintenant, nous devons trouver la maturité de faire des séries longues“, comme Fais pas ci, Fais pas ça, qui entre dans sa septième année.
L’épineux dilemme des droits de diffusion
Reste un problème pour lequel il est difficile de satisfaire tous les acteurs. Aujourd’hui, lorsqu’une chaîne finance une série à 100%, elle dispose des droits exclusifs de diffusion pendant 42 mois d’une série. Ensuite, si elle veut garder les droits de diffusion, elle doit racheter sa propre série. Nonce Paolini, le PDG de TF1, s’en était indigné hier pendant le débat :
“Netflix est, en ce moment, en train de racheter des œuvres que nous avons financées, pour les diffuser eux-mêmes, pour nous faire de la concurrence.”
Le scénariste Jean-André Yerlès abonde dans son sens : “Très sincèrement, il devient difficile d’être toujours en désaccord avec Nonce Paolini… On est quand même face à un système étrange, dans lequel les chaînes doivent racheter les séries qu’elles ont financées.” En revanche, les diffuseurs disposent tout de même d’un “droit de préemption” sur leurs propres séries. Une fois les 42 mois passés, ils ont la possibilité de passer avant leurs concurrents et de racheter leur série (mais au même prix que propose la compétition). Généralement, ils l’utilisent pour acquérir leurs programmes et les “geler” (ne plus les diffuser, par manque de case horaire), juste pour que les concurrents ne puissent pas avoir le droit de les diffuser.
C’est contre ce phénomène que Fleur Pellerin a proposé de s’opposer, en “ajoutant une clause à la loi afin d’éviter le gel des droits de diffusion, et favoriser ainsi une meilleure circulation des programmes“. En somme, les diffuseurs n’auront plus le droit d’acheter leurs séries s’ils ne comptent pas, ou ne peuvent pas, les diffuser. Un gros point positif pour les scénaristes. “Quand ton catalogue ne tourne pas, tu ne touches pas de droits de diffusion. A l’inverse si la série ne peut plus être gelée, elle peut être diffusée et donc rapporter“, explique le scénariste Jean-André Yerlès. De quoi, en revanche, mettre en rogne les diffuseurs, pour qui ce droit de gel reste pour l’instant la seule manière de protéger leurs œuvres contre la concurrence.
Vers une solution gagnant-gagnant ?
Le producteur Thomas Anargyros, vigoureusement opposé au droit de préemption des diffuseurs français, propose toutefois une solution qui pourrait “satisfaire tout le monde“. Il s’agirait de demander aux nouveaux acteurs comme Netflix de participer au financement (à hauteur de 30, 40%) de nouvelles séries avant même leur diffusion.
“Les chaînes, qui financeraient le reste (entre 60 et 70%), resteraient quant à elles les détentrices des droits exclusifs de diffusion, mais pendant moins longtemps que 42 mois. Une fois cette période écoulée, les droits iraient au deuxième investisseur (Netflix, dans notre exemple) qui pourrait diffuser le programme.”
Thomas Anargyros est persuadé qu’une telle proposition pourrait plaire à la fois aux diffuseurs, aux producteurs et au ministère. Est-il pour autant entendu du ministère de la Culture, avec qui il est en contact régulier ? “Je pense qu’on était modérément écoutés sous la ministre précédente, mais je me permets d’espérer qu’on le sera plus [avec Fleur Pellerin]. Mais c’est moins une question de personne que d’orientation générale de la politique.” Pourvu que ça dure.

Nonce Paolini (TF1) : “Netflix est en train de racheter des œuvres que nous avons financées”
par Marie Turcan
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le 15 septembre 2014/ http://www.lesinrocks.com/2014/09/15/actualite/netflix-racheter-oeuvres-financees-11524287/

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