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Article Ouest-France

Publié le 22 mai 2008 par Moushette

Elle attend Neha, sa fille du bout du monde

Ouest-France
Marie-Hélène Le Pargneux vit dans l'attente de Neha, « sa » fille adoptée, restée bloquée au Népal. : Ouest-France

En janvier 2007, Marie-Hélène Le Pargneux, Caennaise de 44 ans, n'a pas pu ramener en France la petite Népalaise qu'elle veut adopter. Elle a passé près d'un an et demi au Népal avec sa « fille ». Elle vient d'en revenir, toujours aussi déterminée.

«Qu'est-ce que je fais aujourd'hui avec une petite fille de huit ans à l'autre bout du monde ? »

Marie-Hélène Le Pargneux interpelle calmement. Ton égal. Visage impassible. Ses cernes et sa chevelure brune, en bataille dissimulent mal sa lassitude. Cette Caennaise de 44 ans, célibataire, est rentrée du Népal depuis un peu plus d'un mois. Elle n'a pas vraiment atterri. Neha, celle qu'elle appelle « ma fille », n'a pas été autorisée à la suivre. C'est une histoire d'adoption. Ses élans du coeur. Ses péripéties administratives. Ses ratés, parfois. Et une vie de famille qui démarre en pointillés. Marie-Hélène Le Pargneux est passée par toutes ces étapes. Malgré elle.

Début 2007, elle part au Népal avec la garantie de pouvoir adopter Neha. Toutes les formalités sont remplies, jusqu'à l'acte d'adoption, signé par les autorités locales. « Lorsque je suis arrivée à l'Ambassade de France, il ne me manquait plus que le tampon pour le visa. »

Si près, si loin. La situation se complique à ce moment précis. Interrogée par des fonctionnaires, la petite fille considérée comme une enfant de la rue, c'est-à-dire une orpheline, évoque ses parents biologiques vivants. Problème. Les autorités françaises se tournent vers leurs homologues népalais : l'accord des géniteurs de la fillette est évidemment requis.

Les avis de recherche se succèdent. Neha, qui avait quitté l'orphelinat, doit y retourner. Il faut attendre un an, janvier 2008, pour retrouver ses parents. Le couple signe le document d'abandon des droits parentaux. Un nouveau dossier est déposé auprès des autorités népalaises. Mais son traitement s'enlise. Retour à la case départ. Marie-Hélène Le Pargneux rentre en France.

Depuis, elle ne perd pas de vue son objectif : ramener Neha en France. En attendant, elle doit se contenter des souvenirs de son début de vie de famille, démarrée dès les premiers jours au Népal. « J'avais fait le choix de rester avec elle. » Jusqu'à l'orphelinat. « Je lui faisais faire ses devoirs le soir. » Un an et quatre mois d'un quotidien bien installé. D'incertitudes, de doutes, de craintes, aussi. « Au tout début, je pensais que ça allait se régler rapidement. J'appelais l'ambassade chaque jour, pendant plusieurs semaines. J'attendais à côté du téléphone. »

Rien n'est venu. L'angoisse a remplacé l'optimisme. « J'ai le moral à zéro. J'en ai passé des nuits blanches ! J'ai beaucoup craqué. Pleuré au ministère, là-bas. J'ai senti peu de compassion. Pour eux, c'est assez étrange. » Dans un pays où l'on ne montre pas ses émotions, la Caennaise les a beaucoup exprimées. Elle s'est sentie isolée, a nourri un « sentiment d'impuissance ». « Habituellement, je suis assez active. Là, je me suis retrouvée à ne rien faire. On est tout petit face à deux États. » Prise dans ce qu'elle appelle « un match de ping-pong », arrêtée « face à un mur ».

Coïncidence ? « La France a suspendu les adoptions d'enfants népalais peu de temps après cette histoire, admet le ministère des Affaires étrangères. L'Allemagne également. Il y avait un doute sur le fait que les enfants soient en situation d'être adoptés. » Quelque quatre-vingts dossiers français sont ainsi restés en souffrance. Mais ils avancent. Hier, Rama Yade, secrétaire d'État aux droits de l'Homme, recevait, à Paris, une cinquantaire de familles dont les enfants viennent d'arriver en France.

La difficulté au Népal, l'un des pays plus pauvres de la planète, provient de la nature des orphelinats. À la fois établissements d'accueil d'enfants abandonnés et foyers sociaux. Un mélange des genres proscrit par la convention de La Haye qui régit les règles de l'adoption dans de nombreux pays. Le Népal modifie actuellement sa législation pour s'en approcher avant de ratifier la norme internationale, pour garantir le respect des droits de l'enfant. Les célibataires n'ont pas vraiment le choix. « Les organismes d'adoption agréés ne nous acceptent pas. En France, c'est impossible. »

L'attente est devenue cruelle pour la Caennaise et la fillette. « Je me souviens, quand les premiers dossiers ont été réglés. Neha regardait passer les avions en pleurant. On finissait toutes les deux en larmes, dans la chambre d'hôtel. » Un véritable « cauchemar ». Qui révolte Marie-Hélène Le Pargneux, persuadée de payer les pots cassés d'un différend diplomatique né de cette situation. « Est-ce que les enfants doivent en faire les frais ? »

Cette semaine, la Caennaise tente d'actionner un levier politique. Elle rencontre des élus. Mardi, elle a été reçue par le cabinet de Rama Yade, au beau milieu d'une visite d'une délégation népalaise. Elle reprend espoir. « Une solution est envisageable », lâche-t-elle à la sortie.

Chez elle, une chambre attend Neha. Le temps presse pour cette psychologue auprès d'enfants placés. « Je suis en congés sans solde depuis tout ce temps. Un de mes deux employeurs n'a pas pu garder mon poste. Pour le second, l'échéance est fixée au mois de septembre. » L'été lui apportera-t-il le nouveau soleil de sa vie ?

Josué JEAN-BART.


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