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3 Cœurs, de Benoit Jacquot

Par Filou49 @blog_bazart

 3 coeursJe l'avais dit la semaine passée dans mon article présentant le film et vous permettant de gagner quelques places pour le voir en salles : le nouveau film de Benoit Jacquot, "Trois coeurs", qui sort en salles demain, faisait incontestablement partie des films que j'attendais le plus en cette rentrée cinéma. Et, après l'avoir vu quelques jours avant sa sortie (au Comoedia pour la première grande soirée organisée à l'occasion des 100 ans du cinéma), je dois dire que pour une fois mes hautes attentes n'ont pas été déçues tant ce "Trois Coeurs" est un très beau film, incontestablement un des plus beaux films français que j'ai pu voir cette année.

Et pourtant, au départ le pari n'était pas forcément gagné d'avance : en effet, son réalisateur, Benoit Jacquot (présent après la projection pour débattre du film lors d'une passionnante intervention) est loin de figurer parmi mes cinéastes français préféré. Même si "Les adieux à la reine", son dernier en date était plutôt réussi, il souffrait toutefois à mes yeux moi d'un défaut inhérent au cinéma de Jacquot, le même défaut que je reprochais d'ailleurs, assez étrangement hier à Olivier Assayas, un autre cinéma français particulièrement apprécié par la critique française, sans que j'adhère (adhérais?) à cet enthousiasme général.

trois coeurs - 2
En effet, avant ce "trois coeurs", qui constituera d'ailleurs peut-être une exception dans sa filmographie, le cinéma de Benoit Jacquot m'a toujours semblé manqué d'un peu de chair, préférant privilégier l'intelligence et le cérébral à l'instinct et l'émotion.

Mais je comptais beaucoup sur ce mélo amoureux, un genre que j'adore depuis la "Femme d'â coté" de Truffaut , en croisant les doigts pour que ce 3 coeurs  n'aille pas rejoindre d'autres tentatives foirées d'aller surfer sur les rives "trufaldiennes" (je pense notamment aux "Regret"s de Cédric Kahn, "Partir" de Catherine Corsini, "Une autre vie" d'Emmanuel Mouret, trois films récents qui faisaient beaucoup penser à "la femme d'à coté", mais qui souffraient de défauts trop rédhibitoires pour toucher durablement).

Ce n'est heureusement pas le cas du dernier long métrage de Benoit Jacquot, et ce, pour mon grand bonheur. En effet,  ce "3 coeurs" qui raconte l'histoire d'un homme perdu entre deux sœurs, entre amour et passion,  ne craint aucunement de traiter frontalement ce sujet avec une mise en scène lyrique et tendu en diable, un film, qui, surtout, nous emmène  plus sur les rives d'un thriller sentimental que d'un drame classique et académique.

Dès les premières secondes, la musique de Bruno Coulais et la nervosité de la caméra de Jacquot (et celle aussi du jeu de Poelvoorde) installent une ambiance anxiogène de film noir où les violons n’ont pas pour fonction de faire pleurer le spectacteur, mais bien de lui faire ressentir la proximité du drame qui va se jouer.

Comme le cinéaste l'a expliqué dans la rencontre d'après film, il a cherché avec ce film à "reprendre le vieil adage hitchcockien selon lequel il faut filmer une scène d’amour comme une scène de crime, en utilisant la musique comme un personnage qu’on ne voit pas, mais qu’on entend, qui donne le ton ».

Et c'est peu de dire que ce pari est réussi tant on est sans cesse pris en haleine pendant les 1 h46 que dure le film,  par le terrible noeud sentimental dans lequel le personnage de Poelvoorde (un inspecteur des impots, une profession peu représentée ainsi au cinéma) est impliqué, et son dénouement forcément et inéluctablement tragique. Plein de fièvre, de tension, et rythmé par les battements de coeur irréguliers de son héros dépassé par les évènements, ce 3 coeurs, s'avère être aussi organique que son titre le promettait sur le papier.

3 Coeurs: et le mien qui bat à l'unisson pour ce très beau film!!

Mais outre les références à Truffaut et Hitchcock, le film  évoque  aussi  les errances du coeur à travers un hommage explicite aux mélos holywwodiens  de Douglas Sirk.  "3 cœurs" repose donc sur cette équation d'équilibriste entre toutes ces références entre un scénario de mélodrame pas forcément évident à croire à 100% sur le papier car basé sur des coups du sort du destin,  une mise en scène raffinée, et aussi, évidemment, des interprètes de très haut niveau.

Jamais aussi bon que lorsqu'il incarne les êtres au bord de la rupture, Benoît Poelvoorde met énormément de lui,  de sa puissance et sa vulnérabilité, pour se confondre totalement avec ce Marc. Le duo de sœurs, interprété par Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni, deux de mes actrices préférées, s'avère également être très convaincant et on croit énormément,dès les premières scènes, à leur lien de parenté. Et que dire de l'immense Catherine Deneuve, idoine en matriarche certes discrète,  mais dont on devine toutefois, comme l'a confirmé le cinéaste après la séance, qu’elle comprend très vite les choses qui se jouent devant ses yeux.

En déjouant fort habilement les attentes du spectateur, "Trois coeurs" détourne fort intelligement les codes du mélodrame pour le faire  bifurquer vers des territoires cinématographiques bien plus imprévisibles.

En laissant au spectacteur une impression durable, ce mélo aussi élégant qu'enivrant s'imprime en nous, nous accompagne bien après la séance, et constitue assurément une des très bonnes surprises cinématographiques de cette rentrée, un film que je vous conseille d'aller voir sans l'ombre d'une hésitation.

3 COEURS - Bande annonce


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