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Mia Electric : chronique d'un échec annoncé

Publié le 16 septembre 2014 par Blanchemanche
#MiaElectric
Difficile de se faire une place au soleil dans le marché du véhicule électrique qui peine encore à décoller en France, en dépit de l'affichage politique et des aides publiques. La Mia, chère à Ségolène Royal, sera mise aux enchères les 24 et 25 septembre 2014.
Mia Electric : chronique d'un échec annoncé
Fer de lance dans la course "au tout électrique" pour la région Poitou-Charentes et son ex-présidente Ségolène Royal, la société Mia Electric sera démantelée et vendue aux enchères fin septembre, a tranché le 31 juillet dernier le tribunal de commerce de Niort.
Pour rappel : Mia est née en juillet 2010 de la reprise des activités de voitures électriques (La Friendly) de l'équipementier Heuliez de Cerizay (Deux-Sèvres) par l'investisseur allemand Edwin Kohl. Heuliez, au plus mal, avait déjà connu un premier dépôt de bilan en 2007. En 2009 et 2010, un long bras de fer avait opposé le Fonds stratégique d'investissement (FSI) aux élus de Poitou-Charentes sur l'opportunité de soutenir Heuliez SAS racheté par le groupe BGI (Baelen Gaillard Industrie). Issu de la déconfiture du carrossier, il assurait la construction des châssis des voitures électriques de Mia Electric.
Un constructeur en quête d'investisseurs

Selon Le Monde, la région y aurait perdu au moins 2,4 millions d'euros d'aides que Heuliez SAS, placée le 30 septembre 2013 en liquidation judiciaire, ne remboursera jamais. Faute d'avoir trouvé un repreneur. Face au refus du FSI, la région était alors entrée en 2010 au capital de Mia à hauteur de 12% (soit 5 millions d'euros injectés). Une première pour une région. La société est pourtant restée tout aussi fragile et en quête d'investisseurs.
Si Mia Electric a lancé la production industrielle de son automobile en septembre 2011, la marque n'a pas su s'imposer sur un marché français qui peine encore à décoller (8.779 véhicules vendus en 2013). Avec seulement 337 véhicules vendus en 2012 puis 200 en 2013 dans l'Hexagone, Mia a été très loin des 12.000 véhicules par an visés par les investisseurs allemands qui ont fini par céder leurs parts de la société. En rachetant en juin 2013 Mia à 88%, le groupement d'investisseurs internationaux Focus Asia (basé en Allemagne) avait promis d'injecter 36 millions d'euros. Sa PDG coréenne Michelle Boos espérait relancer les ventes, grâce à une baisse de 32 à 45% du prix des modèles. Pour ce faire, elle réclamait à ses fournisseurs de réduire leurs prix de plus de 30%. Mme Boos ambitionnait d'atteindre 900 ventes en 2013 et comptait sur les commandes de la centrale d'achat public UGAP, qui avait annoncé l'achat sur trois ans de 500 Mia quatre places. Elle tablait également sur 700 commandes de Mia en Asie en octobre 2013.
Echec industriel…

La nouvelle dirigeante et ses associés auraient finalement mis moins de 2 millions d'euros dans l'entreprise. Après Heuliez SAS (370 salariés), Mia, employant 200 personnes, a à son tour été placée en liquidation judiciaire, en mars 2014 par le tribunal de commerce de Niort. L'entreprise était à l'arrêt depuis plusieurs semaines faute d'être livrée en pièces détachées par ses fournisseurs en raison de problème de trésorerie. Mme Boos a reconnu devoir 500.000 euros aux fournisseurs, ce qui a paralysé la production.
"Depuis juin 2013, Mme Boos a pris un risque économique. C'est un échec", a souligné la procureure de la République de Niort. Echec cuisant également pour la région Poitou-Charentes et son ex-présidente Ségolène Royal qui a soutenu à bout de bras cette activité après Heuliez.
Fin juillet 2014, le tribunal de commerce de Niort donnait le coup de grâce à Mia en rejetant les offres de trois candidats à sa reprise. Michèle Boos au sein du consortium Mia Génération offrait 1,2 million d'euros et le maintien de 76 salariés. La PDG se proposait de "relancer la construction du véhicule" acquis à 10.000 euros. Le fabricant de batteries E4V dont la Mia est équipée et la société NSD2 (Network Strategy Distribution Development) étaient également en lice. Mais le tribunal a estimé que "les offres de reprise totale s'inscrivent dans le cadre d'une poursuite d'activité" et qu'elles "s'apparentent donc à une cession d'entreprise ou de fonds de commerce avec une partie des effectifs licenciés par la liquidation judiciaire".Le tribunal a par conséquent décidé de "faire vendre aux enchères les actifs de l'entreprise" prévues les 24 et 25 septembre.
Le commissaire-priseur a mis en ligne les offres d'actifs qui seront vendus sur le site de Cerizay : mobiliers (bureaux, sièges, luminaires…), matériels d'exploitation (chaîne de préparation/montage/finition - bancs de charge…), biens incorporels (marque, brevets), pièces détachées... Auxquelles s'ajoutent environ 100 véhicules utilitaires et 500 batteries de puissance de 8 et 12 kW équipant les Mia !
…malgré un prix se voulant attractif

En 2013, Mia était positionnée sur le créneau des petites voitures électriques parmi les moins chères via le bonus écologique déduit de 7.000 euros (soit 10.500 euros pour sa version 3 places, 12.805 euros pour Mia quatre places et 8.033 euros pour l'utilitaire). Mais la Mia (et son design cubique) n'a pas réussi à s'imposer dans ce secteur face à la rude concurrence de l'alliance Renault-Nissan avec les modèles Zoe de Renault (62% du marché en 2013 et coûtant plus de 15.000 euros bonus compris) et Leaf de Nissan (16%). Sans oublier la BlueCar de Bolloré (7,5%) soutenue par le marché du système d'autopartage de la Ville de ParisAutolib'. Mia bénéficiait notamment d'une autonomie pouvant aller de 80 à 130 km contre 150 à 210 km pour la Zoe.
En trois ans d'activité, moins de 1.000 immatriculations de véhicules Mia ont été recensées en France. Neuf ont été vendus en janvier 2014 avant l'arrêt de sa production.
La fin de l'entreprise suscite l'inquiétude des propriétaires du véhicule qui se demandent qui prendra désormais en charge sa maintenance. Mia proposait un service de réparation itinérant (prêt d'un véhicule). Même interrogation du côté de l'agglomération d'Angoulême qui s'est plaint en août dernier d'une dizaine de Mia proposées à la location par Mobili'volt, en panne. Parmi ces actifs mis aux enchères figurent les valises électroniques qui pourraient permettre de résoudre le problème, rapporte le journal La Charente-Libre. Certaines Mia prendraient également l'eau au niveau de leur pare-brise mettant en cause leur fiabilité...
Dernier espoir de reprise ?

Les enchères ont envolé les derniers espoirs de sauver le fabricant. Pas ceux des actionnaires Michelle Boos et Jean-François Macaire, le nouveau président PS de la région. "Cette décision ne veut pas dire qu'il n'y a pas de futur. Je travaille sur un plan B…  avec des salariés de Mia Electric", a déclaré Mme Boos à La Nouvelle République. L'ex-PDG plancherait sur un autre projet de voiture électrique dont la conception aurait lieu "pas très loin de Cerizay. Les salariés concernés ont déjà vu le site". Son consortium Mia Generation participera aux enchères "pour récupérer ce qui peut l'être mais je n'ai pas besoin des brevets. De toute façon, il aurait fallu 6 à 7 mois pour réhomologuer la Mia", a précisé Mme Boos au quotidien.
Jean-François Macaire a également réaffirmé le soutien de la région à la société. Il estime qu'une reprise d'activité est toujours possible si le commissaire-priseur aux enchères vise "un repreneur global" au lieu de céder la marque "par petits morceaux". "Nous avons toujours le souhait de pouvoir accompagner un projet de reprise et nous accompagnerons les repreneurs potentiels  dans le cadre de ces enchères", a-t-il déclaré sur France 3 Poitou Charentes.
Une filière française sous perfusion des aides publiques

La création de Mia Electric à partir d'Heuliez en souffrance est un exemple d'une activité "irrémédiablement compromise" mise sous perfusion des aides publiques. L'ex-présidente de région Ségolène Royal a créé une société d'économie mixte pour sauver les derniers actifs de Mia. Elle y a injecté un million d'euros. Si on y ajoute son soutien accordé à Eco&Mobilité (un autre fabricant de véhicules électriques de la région), Ségolène Royal aurait, selon les élus UMP, débloquer quelque 20 millions d'euros pour développer la filière de la voiture électrique dans sa région. Jean-François Macaire estime de son côté à 7 millions d'euros "le concours de la région et l'apport à la société de capital-risque".
La mise aux enchères de Mia par le tribunal est intervenue au moment où Mme Royal, ministre de l'Ecologie, présentait la veille en Conseil des ministres la loi sur la transition énergétique qui veut relancer le "tout électrique". Le texte prévoit un bonus de 10.000 euros (contre 6.300 euros aujourd'hui) à l'achat d'un véhicule électrique lorsqu'il s'accompagnera de la mise au rebut d'un véhicule diesel. Dans la continuité du plan national, présenté en octobre 2009 sous Nicolas Sarkozy, la loi de transition énergétique mise sur la contribution de l'Etat et de ses établissements publics pour renouveler leur flotte automobile avec 50% de véhicules électriques ou hybrides d'ici 2020. Soit une dépense pour l'Etat estimée à 110 millions d'euros. Le Plan de soutien à la filière automobile, présenté en juillet 2012, fixait un objectif de 25% de véhicules acquis par les services de l'Etat qui a été "dépassé en 2013", selon le Gouvernement. Sur les 1.271 véhicules achetés par l'Etat l'an dernier, seulement 308 étaient 100% électriques (soit 7% environ des achats).
L'échec du petit constructeur français Mia n'est pas un cas isolé. La liquidation judiciaire de Lumeneo (basé dans les Vosges), lancé en 2006, a été prononcée le 15 octobre 2013. Ses deux modèles électriques (Smera et Neoma) à deux et quatre places ainsi que son outil de production ont pu être rachetés en novembre 2013 par la société alsacienne 4H Holding, financée par des capitaux des Émirats Arabes Unis.
Rachida Boughriet© Tous droits réservés Actu-Environnement

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