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Elle L’Adore réalisé par Jeanne Herry

Publié le 20 septembre 2014 par Kevin Halgand @CineCinephile

« Muriel est esthéticienne. Elle est bavarde, un peu menteuse, elle aime raconter des histoires souvent farfelues. Depuis 20 ans, Muriel est aussi la première fan du chanteur à succès Vincent Lacroix. Avec ses chansons et ses concerts, il occupe presque toute sa vie. Lorsqu’une nuit Vincent, son idole, sonne à la porte de Muriel, sa vie bascule. Elle est entrainée dans une histoire qu’elle n’aurait pas osé inventer. »

"UNE NON-CONFRONTATION AUSSI TOUCHANTE QU’INTELLIGENTE."

Comme le dit la réalisatrice elle-même : « On sait que dans un premier film, on met beaucoup de soi-même et j’ai vraiment l’impression d’avoir réalisé mon film de petite fille. ». Pour son premier long-métrage, Jeanne Herry a décidé d’utiliser un monde qu’elle connaît bien afin de dépeindre, pour les spectateurs, un regard à 360 degrés sur les deux facettes de la vie d’une personnalité : privé et publique. Enfant née dans une famille où la popularité et les tournées comme tournages rythmaient leurs vies (fille de l’actrice Miou-Miou et du chanteur Julien Clerc), Jeanne Henry consacre son premier film à la célébrité et plus particulièrement à l’âme humaine qui se cache sous cette carapace que chaque célébrité met en place afin de se montrer à chaque instant sous son meilleur aspect. Pour cela, elle a décidé de faire de son film, un thriller dans lequel se confronterait le drame au comique de situation, comique qui se prête parfaitement à une caractérisation humaine et réaliste d’une scène et/ou d’un propos, mais qui permet surtout d’adoucir certaines scènes et d’amenuir une tension palpable. Car oui, au-delà du drame intimiste qui nous dévoile la psychologie tourmentée d’une célébrité, Elle L’Adore est un thriller qui prend à bras le corps le spectateur et ne le lâche pas grâce à une tension permanente. Prenant et à la limite du stressant, grâce à une écriture assez juste qui permet aux spectateurs de se lié aux protagonistes que sont Muriel et Vincent Lacroix, le spectateur s’engouffre avec Muriel dans cette histoire invraisemblable dont l’objectif est de nous démontrer lequel des deux sera suffisamment solide pour survivre aux répercussions de l’évènement auquel ils sont lié. Partant du fait que Muriel est la plus grande fan du chanteur Vincent Lacroix et que ce dernier lui est inaccessible ne serait-ce que pour échanger quelques mots, Jeanne Herry démontre avec aisance et presque élégance que les rôles peuvent s’inverser puisque célébrité ou non, ils restent chacun des individus humains, sensibles et fragiles. Jeanne Herry en sait beaucoup sur le monde de la célébrité grâce à sa situation familiale, mais dans ce film, elle fait preuve d’une sincérité et d’une objectivité à toute épreuve qui fait en sorte que le film ne prenne jamais parti pour la célébrité. Au contraire, elle n’y va pas de main morte et décris la célébrité comme une personne abjecte et et à la limite du narcissisme lorsqu’elle se voit adulée par des milliers d’adorateurs. Comme quoi, la célébrité est qu’une carapace qui protège, mais surtout, qui transpoforme un être humain. Entraînant et rythmé, le film ne lâche pas le spectateur, et ce, malgré quelques facilités scénaristiques qui permettent de déceler les différents rebondissements avant leurs arrivées. L’on reste sous pression, lié aux deux protagonistes qui au fur et à mesure de l’avancé du film, vont se découvrir à nous sous un nouveau jour. Sincère et intelligent dans sa non-utilisation de l’affrontement du bien contre le mal dans son écriture, celle-ci se retrouve également à l’image par le biais d’une mise en scène et d’un casting qui retranscrivent parfaitement l’état psychologique dans lequel se trouvent les protagonistes. Tantôt au premier plan, tantôt à l’arrière-plan, les choix de cadres sont astucieux et la lumière n’est pas toujours sur celui que l’on aurait pu croire au préalable. Jeanne Herry ne joue pas sur le jeu du champ et hors champ, mais s’efforce de toujours montrer frontalement les personnages aux spectateurs afin que ces derniers puissent immédiatement tout comprendre, simplement grâce aux superbes interprétations des deux acteurs principaux. De plus en plus surprenante, Sandrine Kiberlain épate dans ce rôle qui lui permet de jouer à la fois sur la comédie comme le drame. Touchante ou drôle aux moments propices, c’est grâce à son jeu d’actrice et sa diction judicieuse, qu’elle donne vie à son personnage et permet à Laurent Lafitte d’avoir un sérieux concurrent. Car oui, aussi excellents soient-ils à l’origine, les deux acteurs devaient jouer à jeu égal afin de pouvoir faire en sorte que leur personnage respectif puisse se réfléchir l’un dans l’autre ou prendre le dessus sur l’autre. Un premier film n’est pas une chose facile à faire puisqu’on débute et on ne peut s’appuyer sur des faits passés qui n’auraient pas été concluants. Malgré tout, un premier film peut également être synonyme d’intégrité et de sincérité puisqu’on essaye de faire du mieux qu’on peut en s’appuyant sur des thèmes ou façons de faire que l’on connaît. En utilisant un monde dont elle connaît tous les rouages, Jeanne Herry met en scène un film sincère, objectif et touchant dans lequel seul le spectateur se permet de prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Intéressant, porté par deux acteurs remarquables et intelligents dans sa mise en scène comme son écriture, Elle L’Adore surprend et adresse une bonne leçon à celui ou celle qui pensait le cinéma français mort et enterré à cause de comédies lambdas et sans intérêts.


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