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Le siècle des possibles, 1814 - 1914, par Emmanuel Fureix

Par Mpbernet

La lecture de certains livres apporte parfois plus à la culture générale que certains énormes bouquins … Comme toujours dans cette collection, j'ai appris une foule de notions en peu de mots, et j'en suis particulièrement reconnaissante à Emmanuel Fureix, professeur d'histoire à l'Université de Créteil.

siècle possibles

La période 1814 – 1914 voit en France se succéder six régimes politiques. Dominée dans sa première partie par le Romantisme, puis la révolution industrielle et urbaine, ce sera le siècle de l'éclectisme, de l'expérimentation, du bricolage mais aussi de l'émergence des États-nations, des empires coloniaux et des nationalismes. On y retrouve, au niveau français, bien des constantes de notre vie politique actuelle …

Charles X parle de « fermer les plaies de la Révolution », mais sa tentative de dé-révolutionnariser la société est un échec. En dépit du retour de l’Église dans la société, du renouveau du Moyen-Âge, le retour des émigrés ne se traduit pas par la remise en cause de l'acquisition des Biens Nationaux et la tendance « ultra » conduit au choc de 1830. Le Romantisme passe alors de la tendance contre-révolutionnaire à un libéralisme conservateur qui hésite entre liberté et ordre public.

Les socialismes utopiques fondent une religion différente du christianisme, centrée sur la classe des producteurs, l'humanité et la fraternité, le communisme (nom du premier banquet tenu en 1840). Saint-Simon, Charles Fourier et son Phalanstère, Louis Blanc sont les penseurs du moment. Mais en face, on considère les ouvriers comme les « nouveaux barbares », une classe à la criminalité menaçante. Il est vrai aussi que Louis-Philippe subit 8 attentats en 10 ans …

Face à la soif de réforme, aux crises de subsistance, aux scandales de corruption, à la révolte contre l'impôt, on trouve la répression, l'immobilisme du pouvoir. Un long cycle de révolutions commence en 1848 en Europe. La IIème République est proclamée le 4 mai 1848 : abolition de l'esclavage – pour de bon cette fois – proclamation du suffrage « universel » (pour les hommes seulement et les isoloirs n'apparaissent qu'en 1913!). A Paris, Lamartine accueille les délégations d'insurgés européens mais refuse d'intervenir militairement. La crise sociale domine. Les Ateliers Nationaux emploient 100000 chômeurs, la pression fiscale directe augmente de 45 % , puis on ferme les Ateliers nationaux en juin 1848 : les émeutes font 4000 morts. 1500 fusillés sur le champ, 12000 arrestations : la répression féroce de Cavaignac conduit à un profond dégoût du politique, des « rouges » ou partageux, des bourgeois.

Il en sort la constitution de novembre 1848 qui fonde le socle républicain sur la Famille, le Travail, la Propriété et l'Ordre public. Le nouveau Président de la République, élu avec 74 % des voix est le prince Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour 4 ans et non renouvelable. On sait ce qu'il en advînt …

C'est en fait ne période de « démocratie illibérale » alliée à un césarisme démocratique … une spécialité française ?

Le Second Empire constitue un moment de modernisation sociale intense. Le héros providentiel charismatique s'attache à asseoir la société sur une base moderne, adaptée aux transformations et permettant une mobilité sociale ascendante. Les changements culturels, urbanistiques, industriels sont énormes : l'alphabétisation progresse, la vente du journal au numéro aussi, comme la culture du divertissement, des faits-divers, des romans-feuilletons. Le désastre de Sedan mettra fin à l'évolution libérale de l'Empire. L'expérience d’auto-gouvernement de la Commune, fruit de l'humiliation patriotique contre les autorités centrales, ne dure que 72 jours mais elle va délégitimer pour longtemps l'insurrection populaire.

La période 1871 – 1914 réussit la synthèse républicaine à travers l'unité nationale, le suffrage universel, la conscription et l'école gratuite et obligatoire : libertés de réunion, de la presse, syndicale, le divorce, la séparation de l’Église et de l’État … Ce sera aussi le temps de l'exploitation coloniale, de l'enfermement des déviants, de l'exclusion des femmes, et de la répression des mouvements ouvriers. Celui des tensions sociales, des crises économiques, du boulangisme et du populisme, des scandales (Décorations, Panama, Fiches), des attentats terroristes et de l'antisémitisme explosant à l'occasion de l'Affaire Dreyfus. Cependant, la mystique du Grand Soir et de la Grève générale se fracassera sur l'Union Sacrée et l'assassinat de Jaurès.

Avec le ralliement à la République, un certain nombre de « possibles » redeviennent des utopies, mais les Français partagent désormais certaines valeurs comme l'idée de promotion sociale possible, grâce à l'instruction, et souvent en passant par la case « fonction publique ».

A travers ce livre concis, chacun percevra combien notre vie politique actuelle résonne encore de certaines de ces "utopies".

Le siècle des possibles, 1814 – 1914, par Emmanuel Fureix, collection « Une histoire personnelle de la France », éditions Presses Universitaires de France, 242 p. 14€.


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