Magazine Culture

une histoire de cocu

Publié le 25 septembre 2014 par Dubruel

d'après RENCONTRE de Maupassant

Ce fut un hasard,

Un vrai hasard.

Le baron Guy de Moret,

Fatigué et assuré

Que sa femme ne voudrait pas

Quitter le bal si tôt,

Chercha un lit où se reposer

Et entra dans une des chambres du château.

Dans le reflet du miroir mural, il aperçut

Un homme assis sur un sofa

Embrassant une femme à demi-dévêtue.

Il reconnut son épouse quand elle se leva,

Moret lui dit : -« Ne t’explique pas ;

Nous allons nous séparer sans bruit.

Mon notaire règlera notre situation

Selon mes instructions. »

Sur ces mots, plus étonné que malheureux,

Le baron rentra chez lui.

Sa femme, il l’avait aimée

Mais son ardeur s’était refroidie peu à peu.

Avec plus de charme que de beauté,

Elle était mince et élégante.

Elle avait vingt-huit ans, et lui, cinquante.

Afin d’éviter des rencontres inopportunes,

Le baron quitta Paris sans rancune.

Et voyagea pendant un an.

Puis il passa l’été dans le Morbihan,

Partit chasser trois mois chez des amis.

Se fit inviter en Normandie

Par différentes relations

Puis entreprit la restauration

De son château de Malvent,

Dans le Jura.

Mais en janvier, il prit froid,

Il toussait tellement

Que son médecin lui ordonna

D’aller finir l’hiver à Menton.

Du Jura,

Il prit le train pour Paris.

À Paris, il se fit conduire gare de Lyon.

Il monta dans le Rapide et s’assit

En face d’une femme déjà installée.

Il ne put la voir distinctement

Car son visage était dissimulé

Par la voilette de son chapeau.

Il la salua poliment.

Elle ne répondit pas. Il ne lui parla pas.

Et bientôt, il s’endormit.

Au petit matin, sa voisine se leva.

Elle lui parut grasse mais jolie.

Le baron aurait juré que c’était…

Sa femme, mais changée, plus en beauté.

Depuis deux ans et plus

Qu’il ne l’avait pas vue,

Il pouvait se tromper.

Mais non. Comment a-t-il pu hésiter ?

Il la trouvait désirable,

Infiniment désirable.

Elle avait un air radieux.

Il avait sa femme devant les yeux

Mais dans un corps nouveau.

Seuls avaient changé sa taille, ses cheveux, sa peau…

-« Berthe, n’avez-vous besoin de rien ? »

Elle le regarda avec indifférence :

-« Non, merci. Rien. »

-« Puisque le hasard nous met en présence

N’est-il pas préférable de causer

…En amis, jusqu’à l’arrivée ? »

-« Comme vous voudrez. »

-« Vous ne vous figurez

Pas comme vous avez gagné depuis deux ans. »

-« De vous, je n’en dirai pas autant.

. Vous avez beaucoup perdu. »

Le baron rougit, troublé et confus :

-« Vous êtes dure, ma chère femme ! »

-« Vous vouliez me déclarer votre flamme ?

Sachez que vous m’êtes indifférent

Et étranger, définitivement. »

Un désir brutal l’envahit :

-« J’ai changé d’avis.

Je veux que vous reveniez aujourd’hui

Sous mon toit.

Je suis votre mari,

C’est mon droit. »

-« Non. J’ai des engagements. »

-« La loi me donne la force. J’en userai. »

Le train s’arrêta brusquement :

’’Marseille. Dix minutes d’arrêt.’’

La baronne se leva

-« Guy, ne vous abusez pas.

Ce tête à tête, je l’avais organisé.

Et j’ai pris une précaution :

Les amies qui m’attendent sur le quai

Ne se douteront pas de notre situation.

Ses amies lui tendirent les bras

Pour l’embrasser.

-« Vous reconnaissez Guy, n’est-ce pas ?

Il m’a accompagnée.

Mais ici, nous nous quittons.

Lui, poursuit jusqu’à Menton. »

Et la baronne sauta sur le quai

Au milieu de celles qui l’attendaient.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dubruel 73 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine