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La fin du village. Une histoire française. LE GOFF Jean-Pierre. Compte-rendu

Publié le 27 septembre 2014 par Antropologia

fin du village Paris, Gallimard, 2012.

En 1998, en introduction à l’examen de la monographie d’une ville égyptienne de Jacques Berque, j’écrivais : « On peut aujourd’hui marquer les limites historiques de ce genre : Les Lynd l’ont fait entrer dans le monde scientifique en 1929 – quelques années avant Redfield; il en est ressorti depuis et, avec Montaillou, village occitan, Emmanuel Le Roy Ladurie a écrit, en 1975, le dernier texte crédible. » (Traimond, 1997 : 111).

Il n’est pas difficile de voir pourquoi le genre s’est épuisé. Il enfermait l’enquête dans des limites qu’elle disait ensuite découvrir; il posait le village dans une totalité; il affirmait la cohérence de l’ensemble; et enfin, il prétendait faire accéder à l’enquêteur au « point de vue divin ». Le déferlement des critiques des « grands récits », marxisme, structuralisme ou autres, ont ruiné ces paradigmes.

Et voici que d’un coup, un sociologue croit pouvoir effacer toutes ces réflexions. Comment  procède-t-il ?  Il commence par ignorer superbement la littérature mondiale sur la question et referme les portes sur l’hexagone. Le seul américain cité, Wylie (que j’avais rencontré en 1995 à Boston) n’apparaît que pour sa monographie du village Provençal. Ensuite, il occulte le détail de son enquête. Ainsi il écrit qu’il a enregistré une centaine de personnes alors que rarement la parole leur est donnée sinon en style indirect. En outre, jamais les catégories utilisées ne sont soupesées au point que chaque fois, elles s’incarnent dans des chiffres présentés en note de bas de page. Enfin, les informations les plus nombreuses proviennent des différents bulletins administratifs, municipaux et associatifs pris au pied de la lettre.

L’ensemble de ces informations est présenté par un dualisme avant et après, le premier terme étant organisé surtout, mais pas seulement, par des souvenirs heureux alors que le second résulte de l’observation des locuteurs et de l’enquêteur souvent par l’intermédiaire des sources imprimées. Ce récit  aussi sommaire qu’efficace pourrait s’appuyer pour le passé sur l’utilisation d’archives ce qui n’est pas le cas. Le passé n’apparaît que dans les représentations et dans les évidences, jamais comme une recherche à la manière des historiens. On l’a compris, au delà de la nécessaire vulgarisation, j’ai peine à voir ce livre répondre aux exigences qui devraient être les nôtres.

Bernard Traimond

Bibliographie

TRAIMOND, Bernard, « La monographie de village : Berque en Egypte et ailleurs », Revue des Mondes Musulmans



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