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William Eggleston – From Black and White to Color

Publié le 28 septembre 2014 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Composition d’une Amérique décomposée

Jusqu’au 21 Décembre, la Fondation Henri-Cartier Bresson présente une exposition du photographe américain William Eggleston, précurseur de la photographie couleur. C’est à travers une centaine d’épreuves en noir et blanc et en couleur, empruntées à différentes collections de l’artiste, que From Black and White to Color propose de montrer l’évolution, les ruptures et la radicalité d’un photographe dorénavant reconnu pour la banalité de ses clichés, représentatifs d’une Amérique sudiste, optimiste mais dissimulatrice des maux d’un pays jusqu’alors politiquement dominé par l’anticommunisme et la guerre froide. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’économie intérieure connaît une expansion prodigieuse et, à la fin des années cinquante, Eggleston, en guerre contre l’évidence, se met à parcourir sa région natale du sud-est des Etats-Unis au cœur de l’ordinaire, avec des pellicules 35 mm noir et blanc.

Influencé d’abord par les travaux de Walker Evans sur la Grande Dépression, puis une vingtaine d’années plus tard, par ceux de Henri Cartier Bresson à travers son célèbre ouvrage The Decicive Moment, Eggleston partagera avec ce dernier le gout de la prise de vue, l’expérience de la réalité dans le viseur et s’adonnera à la reproduction de « parfaits faux Cartier-Bresson ». Puis, c’est dans l’ordinaire et le banal que l’artiste trouvera sa vocation, conscient qu’il doit se tourner vers la contemporanéité.

Au début des années soixante, l’artiste photographie les paysages urbains et leurs usagers, des parkings, des centres commerciaux, des drive-in et des artères urbaines.Ces photographies montrent l’apparition de banlieues qui ont conduit à la désintégration des centres urbains et à la délocalisation de l’approvisionnement en marchandises vers des centres commerciaux situés en périphéries des villes.

Au milieu des années soixante alors qu’aucune critique n’était tolérée, Eggleston, comme son ami Robert Frank, contributeur de la Beat Generation, s’est joint au mouvement des documentaristes subjectifs pour affirmer un regard décalé sur le monde avec un point de vue ironique et extérieur sur la société américaine de l’époque. C’est entre reportage et fresque sociale que l’artiste composera une sorte de roman de l’ordinaire, un roman sur l’Amérique sudiste décomplexée et consommatrice, et sur l’adaptation de ces villes au règne de l’automobile.

William Eggleston – From Black and White to Color
William Eggleston – From Black and White to Color
William Eggleston – From Black and White to Color

Bien qu’apparaisse une typologie propre au photographe - les bars, les stations essence, les voitures, les personnages fantomatiques perdus dans l’espace, les objets du quotidien et la déréliction - ses meilleures images seront celles qui témoignent d’une atmosphère extrêmement dense et ambiguë. C’est grâce à sa maniabilité à adopter souvent des points de vue insolites (celui de la mouche, du chien assis, ou du passager en voiture) qui fait de lui le créateur d’un style où le potentiel du sujet est amplifié.

Le photographe se met alors à photographier l’ennui, l’attente, la solitude et l’absence de ses compatriotes, presque toujours avec un danger menaçant en bordure de cadre. Des gobelets sont laissés sur le capot d’une voiture, une bouteille de Coca est abandonnée sur une table de restaurant, des bigoudis déposés sur le rebord des toilettes, des ampoules et des téléviseurs restés allumés. Chez Eggleston les objets sont emplis de présence humaine.

William Eggleston – From Black and White to Color
William Eggleston – From Black and White to Color

William Eggleston disait « le monde est en couleur et on ne peut rien contre (…) je n’ai jamais senti le besoin d’enjoliver le monde dans mes photos ». Ses premières images couleurs sont une ode réaliste au commerce, aux voitures, à la restauration rapide et aux objets du quotidien, comme une métaphore visuelle d’un monde aliéné.

A cette époque, la société américaine n’est pas encore prête à voir le monde en couleur, miroir de ce qu'elle ne voulait pas voir. Pourtant la couleur permet de rendre les photographies d’Eggleston plus éloquentes encore, car elle retransmet l’atmosphère d’un lieu particulier créant d’une certaine manière des effets, du bruit, du silence, des odeurs et une température, autant de sensations que la photographie en noir et blanc n’avait encore jamais évoquées.

Même si l’artiste confie n’avoir jamais eu l’impression de changer sa manière de photographier, la couleur a néanmoins moins pour fonction de décrire que de créer une ambiance, l’ambiance d'Eggleston : banale certes, mais surtout inquisitrice sur les modes de vie d’une société capitaliste.

Fondation Henri Cartier-Bresson

2 impasse Lebouis 75014 Paris

La Fondation HCB est ouverte du mardi au dimanche de 13h à 18h30, le mercredi jusqu'à 20h30 et le samedi de 11h à 18h45. Fermée le lundi.

7 € plein tarif
4 € tarif réd
uit


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