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Pollution : « L’espérance de vie, une mythologie nationale »

Publié le 29 septembre 2014 par Blanchemanche
#Pesticides #Pollution

Fabrice Nicolino, journaliste spécialisé dans l’écologie et les pollutions, est l’auteur de nombreux ouvrages sur les pesticides, les biocarburants, l’industrie de la viande, etc.

Pollution : « L’espérance de vie, une mythologie nationale »Fabrice Nicolino : « La contamination chimique joue un rôle central dans la dégradation de la santé publique en France ».© PHOTO PHOTO DR
Publié le 28/09/2014  par Fabrice Nicolino publie ces jours-ci « Un empoisonnement universel. Comment les « Sud Ouest Dimanche ». Quel est le point de départ de ce livre ?Fabrice Nicolino. La contamination chimique généralisée de notre monde est un sujet qui me poursuit depuis longtemps. En janvier 2003, j'ai été très frappé par la lecture d'une étude américaine. Les analyses sanguines de volontaires montraient qu'ils étaient contaminés par environ 150 molécules chimiques différentes. Les scientifiques étaient stupéfaits, ils ne s'attendaient pas du tout à un tel résultat. L'étude a été rééditée avec des nouveau-nés pour des résultats hélas similaires, qui attestaient une pollution chimique de leur sang complètement extravagante. L'année suivante, en 2004, les ministres de l'Environnement européens se sont soumis à un protocole semblable. Et notre ministre de l'époque, Serge Lepeltier, s'est publiquement interrogé sur le lien entre la contamination chimique et l'occurrence de certaines maladies.Quelles sont les conséquences en termes de santé publique ?Qui ne connaît pas aujourd'hui dans son entourage un cancéreux, un malade d'Alzheimer, un obèse ou un diabétique ? On assiste à une explosion de nature épidémique d'un certain nombre de maladies graves. Le cancer en France, c'est 110 % d'augmentation du nombre de cas annuels entre 1980 et 2012. La hausse de l'espérance de vie explique une fraction de cette envolée, seulement une fraction. Il y avait 8,5 % d'obèses en France en 1997, 15 % en 2012. Selon les projections, on attendait 3,5 millions de cas de diabète en 2016, on y est arrivé dès 2009. Personne ne sait vraiment combien il y a de cas d'Alzheimer chez nous, entre 900 000 et un million. L'Inserm en prévoit 2 millions en 2020, c'est-à-dire après-demain matin. L'augmentation est fulgurante sur une période très brève. Dans le même temps paraît une avalanche d'études très sérieuses sur les liens directs entre l'exposition aux polluants et le déclenchement de ces maladies. À l'évidence, la contamination chimique joue un rôle central dans la dégradation de la santé publique en France, comme dans les autres pays développés.Vous décrivez des pouvoirs publics et des institutions défaillantes, voire complices…Il existe des agences sanitaires, en France et en Europe. Elles devraient nous alerter et nous protéger. Le font-elles ? Non. Arrêtons-nous sur l'exemple du Triclosan, un pesticide qui est aussi un antibactérien. On a découvert qu'il s'agissait à tout le moins d'un perturbateur endocrinien. Il y a des traces de Triclosan dans 75 % des échantillons d'urine des Américains. En France, des centaines de produits d'usage courant comme des dentifrices contiennent du Triclosan. Allez sur le site Internet de l'Anses et tapez « Triclosan » dans son moteur de recherche : aucun résultat, aucune entrée. Le Triclosan n'existe pas pour la principale agence sanitaire de notre pays.Et à l'échelon européen ?La stratégie de l'industrie de la chimie est parfaitement calculée et coordonnée. Elle épouse les méthodes mises en place par les cigarettiers, dès les années 1950, aux États-Unis : envoyer ses hommes travailler à l'Efsa, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, et dans les directions de la Commission européenne. Les conflits d'intérêts y sont scandaleux. Les gens sont au service de l'industrie, passent au service de la santé publique, avant de repartir vers l'industrie se faire de l'argent. L'industrie chimique est parvenue à infiltrer à peu près tous les centres de décision. L'Europe s'est donné tous les moyens de son impuissance.L'allongement de la vie dans nos sociétés est contraire à vos théories. Vous n'accordez pas de validité à l'argument. Pourquoi ?Le débat existe au sein de la communauté scientifique et médicale. Il est vrai que l'espérance de vie atteint des niveaux extraordinaires. Mais les gens qui meurent aujourd'hui à 90 ou 100 ans n'ont pas été exposés à la pollution chimique au cours de leurs jeunes années. Penser que cette tendance va se perpétuer alors que l'exposition aux polluants est désormais permanente, y compris in utero, est selon moi d'une naïveté confondante. Personne n'est capable de prédire ce qui va advenir des nouvelles générations. À côté de cette question se pose celle de l'espérance de vie sans incapacité, un indice qui est désormais recommandé par l'Union européenne. Selon les sources, elle diminue sensiblement en France depuis 2006 ou 2007. Nous vivons de plus en plus vieux, mais de plus en plus dépendants. La question de l'espérance de vie est une vraie mythologie nationale. Tout le monde a envie d'y croire, et moi le premier. Mais c'est une idée naïve issue de l'idéologie du progrès permanent.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par alcor controles
posté le 03 octobre à 10:03
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c'est une référence sur l'étude de la pollution , ses ouvrages sont à lire

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