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Réflexions sur l'éthique et la philosophie politique de la fiscalité

Publié le 01 octobre 2014 par Francisrichard @francisrichard
Réflexions sur l'éthique et la philosophie politique de la fiscalité

Hier soir, à Genève, L'Institut Libéral a invité Pascal Salin, professeur émérite d'économie à l'Université Paris-Dauphine, membre du Conseil académique de l'Institut Libéral, ancien président de la Société du Mont-Pèlerin (fondée par Friedrich Hayek) à faire part à son auditoire de ses "Réflexions sur l'éthique et la philosophie politique de la fiscalité".

Dans son introduction, Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral, rappelle que les Etats ont tous tendance à grossir et que la Suisse ne fait pas exception. Au cours de la dernière décennie, les recettes fiscales y ont augmenté de 30 milliards de francs, le nombre de focntionnaires de 25'000 et le nombre de contribuables d'un million...

Est-ce moral, est-ce juste qu'une partie toujours plus grande des fruits du travail des hommes soit imposée? D'aucuns parlent d'optimisation fiscale agressive, mais ne devrait-on pas dire qu'elle répond à une fiscalité de plus en plus agressive?

Pascal Salin expose que l'impôt (TVA, cotisations sociales, impôt sur le revenu, impôt société etc.) est le résultat de la contrainte et que de ce fait il est arbitraire. En effet l'impôt ne résulte pas d'une action contractuelle, mais d'une action unilatérale de la part de l'Etat, qui, de ce fait, porte atteinte aux droits légitimes de propriété des hommes, qui sont propriétaires d'eux-mêmes et des fruits de leur travail.

L'impôt est non seulement arbitraire, mais il est également immoral. Il contrevient en effet à l'éthique universelle, définissable comme potentiellement acceptable par tout le monde, alors qu'il est le résultat d'une vision de la morale prévalant sur celle des autres et non consentie par eux.

Y a-t-il des circonstances où la contrainte est légitime? D'aucuns font valoir, par exemple, l'intérêt général, mais c'est un mythe, tout comme l'est la justice sociale. L'intérêt général, la justice sociale sont des mots qu'emploient les tenants de la social-démocratie pour imposer aux autres leur conception personnelle de la morale.

Les procédures de décision démocratiques ne sont-elles pas des procédures de consentement légitimes? Non, parce que ces procédures ne garantissent pas le respect des droits de propriété. La majorité des voix est en fait dictatoriale, puisqu'elle impose sa vision à la minorité et qu'elle peut la spolier légalement, ce qui ne veut pas dire légitimenent.

L'économiste péruvien Hernando de Soto dit que, dans son pays, l'on élit un dictateur tous les cinq ans...

Frédéric Bastiat disait que "l'Etat est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde"...

Dans une entreprise, dans une copropriété, les décisions se prennent bien à la majorité des voix, mais la grande différence avec la démocratie représentative est que les actionnaires ou les copropriétaires sont libres d'acheter ou de vendre leurs actions ou leurs immeubles, c'est-à-dire qu'ils sont libres d'entrer ou de sortir, qui du capital de la société, qui de la copropriété.

N'existe-t-il pas de biens publics? Pour qu'un bien soit public, il faudrait qu'il profite réellement à tout le monde, qu'il fasse l'unanimité et qu'il soit possible d'y renoncer. Or, quand l'Etat produit un tel bien, il en fait systématiquement un monopole, auquel personne ne peut échapper, ce qui prouve bien d'ailleurs qu'il n'est pas le seul à pouvoir le produire, sinon pourquoi empêcher les autres de le produire? Il est indéniable qu'il existe des besoins collectifs, mais pourquoi ne pas les satisfaire grâce à des milliards de copropriétés, dont l'existence pourraient bien remettre en cause celle de l'Etat...

Pour en revenir à l'impôt, non seulement il est arbitraire et immoral, mais il est aussi doublement destructeur. Il détruit les activités et les incitations productives de ceux qui créent et il détruit les incitations productives de ceux qui reçoivent gratuitement sa contrepartie: dans les deux cas, il est désincitation à faire des efforts.

L'impôt est aveugle: on ne sait pas qui paye l'impôt, on ne sait pas qui le reçoit. C'est le problème de l'incidence fiscale.

Quand, par exemple, l'Etat taxe un salaire convenu par contrat entre un employeur et un employé, qui paie l'impôt? L'employeur va peut-être dans un premier temps en assumer le poids, mais des transferts vont s'opérer, subrepticement: une partie va être répercutée sur les prix, une autre sur les salaires qui ne vont pas augmenter autant qu'ils auraient augmenté autrement etc. La fiscalité est une supercherie.

Il faut ajouter que les entreprises ne paient pas d'impôt. Les impôts sont toujours payés par des personnes, mais les gens ne le savent pas...

L'impôt a des conséquences néfastes:

- il est une source de gaspillage, puisque personne n'est responsable de son usage;

- il détermine le choix des investissements, puisque les hommes politiques l'orientent;

- il est déstabilisant, puisque l'Etat peut à tout moment créer des impôts et qu'il n'est tenu par aucun engagement;

- il diminue le rendement et accroît le risque, et l'on ne peut pas se prémunir contre le risque fiscal;

- il introduit des distorsions, puisqu'il n'est possible d'imposer que ce qui est mesurable (un repas à la maison n'est pas taxé, alors qu'un repas au restaurant l'est...).

Si, par hypothèse, un impôt pouvait se justifier, alors la préférence de Pascal Salin irait à la capitation, c'est-à-dire au même montant d'impôt payé par chaque individu (complètement impossible en l'état actuel des choses dans un pays comme la France, où les prélèvements obligatoires représentent près de la moitié des richessse produites... c'est tout le problème de la transition).

L'impôt sur le capital ne devrait pas exister (d'autant qu'il existe des distorsions là encore, puisque le capital humain n'est pas mesurable et n'est donc pas taxé). En effet il détruit l'incitation à son accumulation et l'incitation à investir, sans lesquelles il n'est pas de croissance: être épargnant, prévoir le futur sont inhérents à la nature humaine. C'est pourquoi, à défaut de capitation, l'imposition sur la dépense globale, où l'épargne serait soustraite de la base d'imposition, aurait les faveurs de Pascal Salin.

En tous les cas, Pascal Salin est hostile à l'impôt progressif parce qu'il s'agit là d'une redistribution autoritaire effectuée par l'Etat. Alors que tout le monde comprend que les heures supplémentaires soient payées davantage que les heures normales, parce que l'effort consenti est plus grand, au détriment des loisirs, et qu'il mérite donc une plus grande rémunération, il est paradoxal que le même raisonnement ne soit pas tenu à l'égard des créateurs de richesses et des innovateurs: on punit par l'impôt ceux qui font le plus d'efforts... A tout prendre, l'impôt proportionnel est donc préférable à l'impôt progressif.

Si aucun impôt n'est idéal, il en est de pires que d'autres...

Pascal Salin prend finalement l'exemple du beefsteak: trouverait-on normal qu'au lieu d'être vendu à tous au même prix par le boucher, son prix soit proportionnel au revenu de celui qui l'achète ou que son prix soit progressif en fonction du revenu de celui-ci? Ce qu'on trouverait anormal pour un beefsteak, n'est curieusement pas considéré de la même manière quand il s'agit d'impôt...

Quoi qu'il en soit, l'évasion fiscale est une réaction contre l'esclavage fiscal, et l'exil des innovateurs est une perte pour eux-mêmes (ils quittent le pays où ils sont nés et ceux qu'ils aiment) et pour les autres (ils ne bénéficient pas des innovations qui sont mises en oeuvre ailleurs), car il existe une solidarité naturelle entre les hommes.

L'orateur, qui n'est pas homme politique et qui n'a pas à se compromettre (il se présente comme "une boussole") conclut en disant que l'impôt est contraire à une vision correcte de la nature humaine et qu'il correspond à une vision de la répartition qui tue la création.

Francis Richard


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