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Nez à nez avec Pierre Guillaume, créateur de Parfumerie Générale

Publié le 03 octobre 2014 par Thenewmeninthecity

Oubliez les grandes villes comme Paris, New York, Londres ou Berlin. C’est à Clermont-Ferrand, en Auvergne, que vous trouverez l’un des petits prodiges de la parfumerie française. A l’origine apprenti chimiste dans l’entreprise paternelle, Pierre Guillaume crée en 2002 Parfumerie Générale. Un nom qui dissimule ses propres initiales, pour une marque qui se veut être une alternative aux jus lissés et formatés du marketing de masse, afin de conquérir de plus vastes audiences. Ses parfums aux caractères affirmés et à l’identité olfactive forte en font des créations immédiatement reconnaissable. The new Men in the City s’est donc entretenu avec cet autodidacte au parcours aussi réussi qu’atypique.

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Avez-vous toujours rêvé de faire ce métier et comment y êtes vous arrivé ?
Je n’ai jamais ni rêvé, ni souhaité être parfumeur. Je ne me suis pas non plus levé un matin en ambitionnant de le devenir. Quand je regarde en arrière j’ai plutôt l’impression que la vie à tout mis en œuvre pour que j’embrasse cette carrière… Mon père était chimiste, il avait créé à la fin des années 1970 un laboratoire de formulation dans lequel il composait et produisait des spécialités chimiques pour de grands noms de l’industrie française et internationale qui, confrontés à un problème technique dans leur process de maintenance ou de production, se tournaient vers notre société pour développer des solutions chimiques « sur mesure ». Beaucoup de R&D, des volumes faibles à moyens mais des marchés quasi captifs et des produits à forte valeur ajoutée : la niche déjà… A l’issue de mes études, fin 1999, j’ai rejoint sa société en tant que formulateur industriel avec en charge le développement du pôle cosmétique. Peu de temps après mon père déclara une grave maladie et les médecins nous firent vite comprendre qu’ils ne pourraient que lui faire gagner du temps. Je me suis alors mis en tête d’essayer de me fabriquer un « souvenir de plus », quelque chose qui pourrait me rappeler sa présence après son départ. Mon père ne se parfumait pas. Ma mère lui offrait parfois une eau fraîche pour un anniversaire ou une fête quelconque mais il n’avait pas de parfum attitré. J’ai réalisé que la seule forme olfactive associée à mon père était l’odeur de sa cave à cigare : Cohiba, Monterrey et autres Montecristo enfermés dans leur précieux écrin en bois d’ébène. Chaque fois qu’il ouvrait cette boite pour choisir l’un deux j’étais émerveillé par cette bouffée de tabac et de bois mêlés. C’est cette odeur et non pas un parfum que j’ai donc essayer de reproduire dans notre laboratoire. Par la suite, les hasards de la vie et des rencontres firent que des professionnels – critiques et commentateurs du parfum – décidèrent que cette composition était un parfum. Chandller Burr, critique parfum du New York Times lui dédia un article qu’il titrera : « Comment un jeune chimiste hardcore à concocté la plus cool des nouvelles fragrances européennes. « Cozé » reste, 12 ans plus tard, toujours l’un des bestsellers de la marque dont il initia le démarrage : Parfumerie Générale.

Quelle a été votre première rencontre avec le parfum ?
Une ampoule d’Ylang Ylang ramené des Comores par ma grand-mère… Curieux cadeau à un petit garçon d’à peine 9 ans mais qui débuta une collection parmi tant d’autres. Prémices à la constitution d’un orgue à parfums sans doute…

Quelle création peut être définie comme votre première signature ?
Cozé, évidemment. N’ayant pas fait d’étude de parfumeur j’ai avancé à l’instinct. Ce qui m’importait peu puisque je ne cherchais pas à composer mais à recomposer une odeur, à la capturer. Cette accord « Cave à cigare » ne nécessitant ni agrume ni aromate, ni fraîcheur ou fleur, je n’ai pas dosé de note de tête. Mes premiers observateurs prirent cette construction « décapitée » et le fait que Cozé se développe autour d’ une note de cœur double articulée sur un axe double (épicé/patchouli et baumé/chanvre indien) pour la volonté de casser des règles et de tout révolutionner. Ils se trompaient mais en 2005 lorsque la marque à fait son entrée sur le marché allemand, ils m’on tout de même surnommé « le jeune sauvage »…

Le plus beau parfum jamais créé selon vous ? Et votre plus belle création ?
J’espère qu’il reste encore à inventer, sinon à quoi bon se lever le matin… En ce qui me concerne mon parfum favori est toujours le prochain, celui qui reste à inventer : l’objet de toutes mes attentions durant sa genèse. Une fois livré au public, c’est ce dernier qui décide et pour moi c’est déjà de l’histoire ancienne. En douze années de travail j’ai personnellement changé, mes goûts personnels, ma sensibilité et ma technique ont évolué. Aussi, il m’arrive de revenir sur mes pas et de retravailler sur un même thème 10 plus tard pour livrer une facette actualisée de mon travail. C’est comme si un étudiant planchait sur le même sujet de dissertation 10 ans plus tard…Ainsi en 2012, « Cozé Verdé » est venu rejoindre son ainé. Dans cette nouvelle version la feuilles de tabac y a retrouvé sa sève, une verdeur. La fragrance est plus aérée, plus en volume aussi. L’état d’esprit ayant accompagné sa création est plus tournée vers la vie et l’optimisme et cela se ressent je crois.

Quelle odeur est pour vous quasiment impossible à mettre dans un flacon ?
La représentation des fleurs est toujours imparfaite puisque désincarnée de son support végétal. Malgré tous les efforts des parfumeurs, un parfum floral est toujours moins beau que le vivant, décevant à mon sens. C’est pour cela que je travaille peu ce thème ou du moins jamais en soliflore. En revanche avec les baumes, les bois gagnent toujours à être mis en mouvement et sublimés par le savoir faire du parfumeur

Votre ingrédient préféré ? Celui que vous utiliseriez à coup sur pour créer le parfum de l’amour de votre vie ?
La passion car il faut être passionné pour faire ce métier. Sans passion on ne conçoit rien de très passionnant…

Qu’est ce qui pour vous différencie un homme et une femme dans la manière de porter un parfum ?
Je ne résonne pas en ces termes. Le parfum prend l’identité de celui qui le porte, c’est la rencontre d’une peau et d’un parfum, seul le résultat, l’harmonie finale importe. J’observe juste que de plus en plus d’hommes portent des fleurs blanches avec beaucoup d’allure et sont à l’aise avec les notes gourmandes. De leur côté, bon nombre de femmes adoptent des cuirs racés et des tonalités épicées, et c’est très bien ainsi.

Parmi vos créations, quelles sont celles destinées aux hommes ou à connotations masculines ?
Tout est matière de gout personnel, c’est à chacun de faire cette distinction selon ses attentes. J’ai fait le choix d’un flacon simple au facing carré mais aux courbes latérales arrondies pour qu’il puisse être apprécié par un homme comme par une femme. En tant que créateur je suis moi même incapable de définir certaines de mes créations comme masculines ou féminines. Si je prends nos chiffres de vente comme élément de réponse, Cozé, L’eau Guerrière, Hyperessence Matale, Indochine, Harmatan Noir sont, par exemple, plus achetés par des hommes que par des femmes.

Comment définissez-vous votre travail et en quoi se différencie-t-il des autres marques niches ?
Nous sommes une société familiale 100 % française et 100% indépendante financièrement. Nous avons fait le choix de posséder d’abord notre propre outil de production, notre atelier de fabrication, ainsi que notre cave de matières premières et logistique, avant d’égrainer des boutiques un peu partout, ce qui est absolument unique dans ce secteur. Les grosses structures comme diptyque, L’artisan Parfumeur ou Frédéric Malle n’ont pas leur propre unité de production et font appel à des sous-traitants. Nous ne sommes volontairement jamais présents dans les grands magasins et préférons les boutiques indépendantes. Nous nous exprimons à travers un tout petit réseau de distribution de 200 points de vente dans le monde et je suis le seul maitre à bord quant à la direction artistique. La rareté et l’authenticité sont, à mon avis, les principes fondateurs de la parfumerie de niche avant des prix délirants étalés sur des corners rutilants dans tous les departmentstores. C’est sans doute là que réside la différence entre réelle parfumerie d’auteurs indépendants et parfumerie masstige.

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Boutique Haramens, 17 rue St-Gênes, 63000 Clermont-Ferrand
www.parfumerie-generale.com

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