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le Cern, explorateur de l'infiniment petit depuis 60 ans

Publié le 06 octobre 2014 par Blanchemanche
#CERN
#Physiquedesparticules
  Il y a 60 ans, le 29 septembre 1954 précisément, une convention signée par 12 États européens officialisait l’existence de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, plus connue aujourd’hui sous le nom de Cern. Quelques mois auparavant, la construction des bâtiments de ce qui est devenu le plus grand laboratoire de physique des particules au monde avait commencé. C'est là que sera conçu le World Wide Web et découvert le boson de Brout-Englert-Higgs.
  Le 05/10/2014 - Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Cette image prise dans une chambre à bulles montre les trajectoires des particules courbées par un champ magnétique. Le sens de la courbure donne le signe de la charge de la particule, et le rayon de courbure mesure sa quantité de mouvement, ce qui aide à son indentification. Pendant plus d'une décennie, c'est ce genre de photographie qui était utilisé au Cern pour percer les secrets des particules élémentaires. Grâce au prix Nobel de physique français Georges Charpak, on utilise désormais des détecteurs couplés à des ordinateurs. © Cern  Cette image prise dans une chambre à bulles montre les trajectoires des particules courbées par un champ magnétique. Le sens de la courbure donne le signe de la charge de la particule, et le rayon de courbure mesure sa quantité de mouvement, ce qui aide à son indentification. Pendant plus d'une décennie, c'est ce genre de photographie qui était utilisé au Cern pour percer les secrets des particules élémentaires. Grâce au prix Nobel de physique français Georges Charpak, on utilise désormais des détecteurs couplés à des ordinateurs. © Cern
La reconstruction de l'Europe après la Seconde guerre mondiale imposait la collaboration de nations autrefois ennemies. La recherche fondamentale était l’un des domaines qui permettait d'œuvrer dans ce sens. Il fallait aussi éviter la fuite des cerveaux vers les États-Unis, où avait déjà émigré quelques-uns des plus éminents physiciens du vieux continent, ce qui avait contribué au succès du projet Manhattan. Une véritable coopération scientifique européenne ne pouvait évidemment pas se faire autour de la physique des armes nucléaires, le sujet étant sensible et entouré de trop de secrets. Si un grand laboratoire voyait le jour, comme l’appelaient de leurs vœux des personnalités comme les prix Nobel de physique Louis de Broglie et Isidore Rabi, cela ne pouvait donc pas se faire autour d’un réacteur nucléaire mais plutôt d’un accélérateur de particules. Après avoir exploré les mystères du noyau atomique au cours des années 1930 à 1940, les physiciens défrichaient en effet à l’époque un nouveau territoire qui, pour l'essentiel, ne pouvait alors s'étudier qu’avec les rayons cosmiques, à savoir l'univers des particules subatomiques, tels les mésons et les neutrinos. 
Il y a 10 ans, on fêtait le cinquantenaire du Cern avec ce film qui retrace l'histoire du plus grand laboratoire du monde étudiant la nature de la matière. Ce documentaire passe en revue un demi-siècle d'aventures scientifiques, depuis les aspirations des fondateurs jusqu'au dernier accélérateur de particules du laboratoire, le Grand collisionneur de hadrons, d'un diamètre de 27 kilomètres. Le LHC n'était pas encore opérationnel et le boson de Brout-Englert-Higgs pas encore découvert. © 2004 Cern

Des rayons cosmiques aux synchrotrons à protons

Le Conseil européen pour la recherche nucléaire voit le jour en 1952. Il est chargé d’étudier la faisabilité d’un laboratoire européen autour de la physique des hautes énergies, par opposition à celle des réactions nucléaires qui se font à des énergies plus faibles. Il laissera la place en 1954 à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire dont la création est officialisée le 29 septembre de la même année. On continuera cependant à utiliser l’acronyme de Cern pour le désigner. De nos jours, ce terme évoque le centre dont la construction avait débuté en mai 1954 sur la plaine de Meyrin, une commune suisse du canton de Genève, et les grands accélérateurs qui leur sont associés comme le LHC ou le Proton Synchrotron (PS)
Les recherches menées au Cern ont permis de vérifier les prédictions du modèle standard des particules dont l'épine dorsale est constituée par la théorie électrofaible développée par les théoriciens pendant les années 1960 et au début des années 1970. Au cœur de cette théorie se trouve le mécanisme de Brout-Englert-Higgs qui donne une masse aux particules élémentaires. © 2014 Cern

Des bosons Z et W au boson de Brout-Englert-Higgs

À partir de la fin des années 1950, le Cern va accompagner la découverte du modèle standard de la physique des particules de multiples façons et pas seulement grâce à ses accélérateurs. Plusieurs grands noms de la physique théorique, comme Gerard ‘t Hooft ou Murray Gell-Mann, vont faire des passages fructueux dans la division de physique théorique du Cern. C’est pendant son séjour que George Zweig va mener ses travaux le conduisant à la théorie des quarks, indépendamment de Gell-Mann. On peut citer aussi la découverte par John Bell de ses fameuses inégalités à la suite des réflexions sur le paradoxe EPR qu’il avait menées au Cern au début des années 1960. Georges Charpak rendra hommage à plusieurs reprises au Cern pour lui avoir permis de développer son célèbre détecteur, la chambre proportionnelle multifils, qui a vu le jour en 1968. Sans cela, bien des découvertes de la physique des hautes énergies depuis près de 40 ans n’auraient pas été possibles. Comme on peut le voir dans la vidéo plus haut, avant l’utilisation de ce détecteur révolutionnaire couplé à un ordinateur, les « scanning girls » (ainsi appelait-on ce personnel féminin) devaient passer de longues heures à étudier les photos prises dans des chambres à bulles. Une tâche qui devenait de plus en plus difficile au fur et à mesure qu'augmentait le nombre de particules produites dans les collisions. 

Un documentaire sur la découverte des bosons W et Z, au Cern, au début des années 1980. Ces bosons sont massifs en raison de l'existence du mécanisme de Brout-Englert-Higgs. © Cern, BBC Open University, YouTube Mais c’est par la confirmation du modèle des interactions électrofaibles, unifiant la force électromagnétique et la force nucléaire faible, que le Cern a vraiment acquis ses titres de gloire. Cela a commencé par la mise en évidence des courants neutres, annoncée en 1973, faisant intervenir les bosons Z postulés par la théorie de Glashow-Salam Weinberg, et s'est poursuivi en 1983 par la découverte directe des bosons W et Z. Celle-ci conduira à l’attribution du prix Nobel de physique l’année suivante à Carlo Rubbia et Simon van der Meer. Dans la foulée, la chasse au boson de Brout-Englert-Higgs, dont le champ est responsable des masses des bosons W et Z et très probablement aussi de celles des quarks et des leptons, va être ouverte avec les projets qui déboucheront sur la construction du Lep dans un premier temps et, par la suite, du LHC. Elle aboutira à la conférence du 4 juillet 2012 révélant la découverte d'un nouveau boson identifié en 2013 comme étant bel et bien celui découlant des travaux de Peter Higgs, François Englert et Robert Brout. 
Hadronthérapie, panneaux solaires et World Wide Web sont quelques-unes des retombées technologiques qui affectent directement la vie quotidienne en conséquence des recherches menées au Cern, comme l'explique cette vidéo. © 2014 Cern
 

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