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Tous les chômeurs sont des feignants (FAUX)

Publié le 08 octobre 2014 par Elosya @elosyaviavia

images pôle emploi

Il y a quelques semaines de cela.

Je me suis rendue dans les locaux de SNC (l’association m’ayant trouvée mon travail actuel). J’étais passée voir leur chargée de communication.

Nous parlons vie perso, professionnelle puis chiffres du chômage, stigmatisation des personnes inscrites à Pôle Emploi etc.

Je lui ai raconté un échange ayant eu lieu plus tôt dans la journée.

Treize heures, je sors du théâtre et me dirige vers le Franprix pour aller me chercher une tite collation pour le déjeuner.

Je prends quelques ingrédients pour préparer ma tambouille et j’arrive à la caisse.

Je salue la caissière et le vigile du magasin. Ils sont pris dans une conversation avec un homme.

D’une voix affirmée, l’homme parle de son expérience dans la vie active. Il a 35 ans, mais n’a jamais cessé de travailler. Fier de n’avoir jamais été inscrit à Pôle Emploi. Lui, il n’a jamais touché d’allocations. Et puis de toute façon, tous ces chômeurs qui touchent des sous, ce sont des feignants qui n’ont pas envie de bosser. Quand on est chômage c’est que quelque part on le veut bien. On a envie de rester glander devant la télé toute la journée.

La caissière et le vigile répondent.

Quand à moi.

Bah moi, je fulmine intérieurement. Je me dis qu’il est bien gentil ce monsieur de 35 ans qui n’a jamais arrêté de travailler, qui n’a jamais pointé chez Pôle Emploi, qui n’a jamais touché d’allocations. Oui il est bien gentil, mais y a un moment faut arrêter de se foutre de la gueule du monde. J’ai envie de lui dire que bordel, faut arrêter de généraliser. Comme dans n’importe quelle situation, il y a des gens qui en profitent effectivement. Mais d’un autre côté, il y a aussi des gens qui souffrent d’être au chômage, qui galèrent pour retrouver du travail parce qu’ils ont été abîmés par leur précédente expérience professionnelle. Parce qu’ils ont été victimes de harcèlement moral, sexuel, qu’ils ont été jetés comme des malpropres de leur ancienne boîte parce que devenus trop vieux, trop "chers" ou pas assez, assez performant, assez véhéments pour écraser les autres.

J’avais tous ces éléments en tête et bien d’autres, quand je me suis dit que personnellement je pouvais pas laisser passer ça et que j’avais envie d’exprimer mon point de vue auprès de ce monsieur.

Sans m’énerver outre mesure et en toute diplomatie.

Bien sûr.

Alors je me suis retournée : Ah non, mais monsieur, je ne peux pas vous laisser dire des choses comme ça.

Gros blanc des trois interlocuteurs.

Yeux écarquillés de l’homme, il réagit : ah oui et pour quelles raisons ?

Je lui réponds que j’ai bien compris qu’il expose son expérience, mais que selon moi généraliser sur l’ensemble des chômeurs et d’ailleurs généraliser tout court c’est n’importe quoi. Est ce qu’il connaît tous les chômeurs personnellement, est ce qu’il sait que s’inscrire à Pôle Emploi n’est pas une faiblesse. Je suis ravie de savoir qu’il n’a pas connu la galère de la recherche d’emploi, mais quand on est chômeur, on est souvent autre chose qu’un glandu qui reste roupiller devant son écran.

Il me dit que c’est comme ça, que c’est la réalité qu’il connaît, que les chômeurs sont des feignants. Il me demande si je travaille, je réponds par l’affirmative. Il me prend à parti et me dit que je comprends donc ce qu’il veut dire.

Je ris et je lui raconte que j’ai 33 ans et que cela fait 8 ans que je suis sur "le marché du travail". Qu’en 8 ans, j’ai connu deux périodes de chômage de près d’un an et demi chacune. J’étais sortie de mes études avec un BAC+5 et que pourtant cela ne m’avait pas ouverte les portes d’entreprises. Que j’avais déjà été victime de harcèlement moral et que ça avait flingué pendant de longs mois ma confiance dans le monde de l’entreprise. Et que j’avais été prise par la trouille de retrouver du boulot et de retomber dans une ambiance de travail horrible.  Que pendant mes périodes de chômage, j’avais entendu des gens me dire que je profitais du système, que je glandais et pourtant je cherchais du boulot, j’envoyais des tas de candidatures ça ne marchait pas. Et que surtout, surtout, les gens qui me disaient ça, me connaissaient à peine, voire pas du tout. Des amis d’amis, des gens croisés dans la vie quotidienne. Et que le plus "drôle" c’est que les gens me disaient ça quand je leur disais que j’étais au chômage. Et qu’ensuite, ils se sentaient bien couillons quand je leur expliquais que je ne touchais pas une once d’allocations parce que j’avais démissionné.

Le monsieur hocha la tête : oui, je comprends ce que vous dites, mais vous faites partie des exceptions. Moi je pense qu’il y a pas beaucoup de gens comme vous.

Je lui réponds que si, si. Des gens comme moi il y en a, c’est juste qu’il ne les cotoie pas ou qu’il ne fait pas attention à eux. Et qu’en même temps, je suis pas un modèle. Il y a des tas de profils de personne sans emploi. Etre au chômage cela peut aussi être un moment de crise, un moment pour se redécouvrir personnellement, professionnellement, un moment pour faire le point oui. Mais forcément un moment de glande, non. Et que bordel, s’il se retrouve un jour chômeur, il n’apprécierait certainement pas d’entendre qu’il est un glandu alors qu’il traverse une passe difficile.

Je finissais là dessus en riant : de l’empathie, de la curiosité monsieur, ça vous fera pas de mal. Vous ne savez pas de quoi la vie sera faite, un jour peut-être que ce sera vous le chômeur qui entendra quelqu’un dire que vous êtes un feignant.

C’est à ce moment là que j’entends le responsable du magasin, dire tout bas à sa caissière "elle a raison la petite". La caissière acquiesce vivement de la tête.

Je prends mes courses et leur dit au revoir. Leur souhaitant (et particulièrement à l’homme) une bonne après midi.

Je regagne le théâtre avec limite un sentiment de devoir accompli. Roh, non, je ne pense pas avoir convaincu ce monsieur, mais disons que je suis satisfaite d’avoir pu exprimer mon avis.


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