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La presse en faillite

Publié le 23 mai 2008 par Abfaboune

Nouvelle information bidon publiée par un organe de presse traditionnel, respectable toussa : après le faux SMS envoyé à Cécilia, Le Nouvel Obs (édition papier) a rapporté des propos de notre président bien-aimé, en s'adressant à des journalistes : « Rien à foutre, de toute manière, ce ne sont que les connards qui posent des questions à la con... » qui n'ont pas été tenus.
Dans sa brève, Le Nouvel Obs avance que ces propos ont été tenus "lundi 5 mai, à quelques journalistes spécialistes des questions européennes qu'il avait invités pour une rencontre informelle à l'Elysée".Dsc05700
Fort bien, sauf que c'est faux.
Jean Quatremer, correspondant de Libé à Bruxelles, était à l'Elysée lors de cette rencontre informelle avec la presse, où les propos du Chef de l'Etat étaient tenus en "off" comme on dit dans le métier. Il brise le "off", et rapporte les propos Elyséens où le mot "connard" n'est présent nulle part, avec photo pour attester sa présence.
Ce qui surprend à la lecture attentive de cette brève dans Le Nouvel Obs est l'absence de conditionnel et de source. Certes, l'hebdomadaire a publié un erratum, avec des excuses et tout, mais il prétend "sur la base des recoupements que nous avons réalisé jusque-là, il apparait effectivement que cette information n'est pas avérée".
Notons que L'Obs parle de "recoupements" au pluriel. Parvenir à faire des recoupements, donc de croiser des sources fiables sur une information fausse, relève à mon avis de l'exploit
Jean Quatremer explique en effet que "personne du Nouvel Observateur n'était présent, l’hebdomadaire n’ayant pas de correspondant à Bruxelles".
Prends ça dans ta face.
On se souvient que c'est le même Nouvel Obs qui avait publié sans conditionnel, sans faire mention de sa source unique (sous-entendant donc que l'info avait été recoupée et confirmée), l'histoire du fameux SMS que notre président bien-aimé aurait envoyé à son ex-femme juste avant son mariage avec Carla, "si tu reviens, j'annule tout".
Cette info bidon devenue depuis une chanson ne provenait d'un petit pigiste, en recherche de taff, vendant une fausse info pour gagner sa croûte, mais d'un vieux briscard de la profession, Airy Routier, sur foi des propos d'un type proche des milieux louches du pouvoir, en délicatesse avec le fisc et largement reputé pour sa mythomanie, comme l'a rapporté plus tard Le Canard Enchaîné.

L'Obs
n'est pas un cas isolé. Le 10 mai dernier, Le Monde publiait "dix clichés, cachés pendant plus de soixante ans par un soldat américain, montrent, pour la première fois, les victimes de la bombe larguée le 6 août 1945 sur la ville japonaise", en rajoutant des louches sur le pathos : "Sidérantes photos de corps flottant dans les eaux. Epouvantables images de visages tordus de souffrance", avançant dans un autre titre que "la censure américaine a caché les photos des victimes".
Oulà, censure, 'tention, ça va chier dans le ventilo.
Titré "Hiroshima, ce que le monde n'avait jamais vu", on a appris ensuite que ces photos n'avaient rien à voir avec Hiroshima. Le Monde y est allé mollo sur le démenti. 4 jours plus tard, ils écrivent "les images publiées dans « Le Monde » auraient été prises lors du tremblement de terre de 1923, près de Tokyo".
Vous avez bien sûr remarqué le conditionnel... Et il est assez cocasse de lire "ce que le monde n'avait jamais vu", alors que c'est Le Monde justement qui ne voit pas bien.
Il faut attendre encore 4 jours pour lire des explications pour le moins étrange : "S'il est vrai que faute avouée est à demi pardonnée, Le Monde a fait un grand pas sur le chemin de l'indulgence en publiant, mardi 13 mai, sur une demi-page (avec annonce à la « une »), l'un des errata les plus longs de son histoire".
Outre l'usage du conditionnel complètement à l'envers (on le met pour une information pas recoupée, mais pas pour démentir une information fausse non ?), Le Monde titre "Très suspectes photos d'Hiroshima" et "Le piège des photos".
Ce ne sont pas les photos qui sont suspectes, mais Le Monde.
C'est Le Monde qui a foutu ces photos en Une, sans vérifier leur authenticité, ni même avoir remarqué que même brûlées, les victimes avaient gardé leurs vêtements intacts comme on le voit ici.
Il fut un temps où, crise du papier oblige, Le Monde ne publiait pas de photos, mais cela ne les empêchait pas de publier des conneries.
Je me souviens notamment de la Une sur le fait que Charles Hernu (ministre de la Défense de Mitterrand, c'est lui qui avait fomenté l'attentat contre le Rainbow Warrior, avec le succès que l'on sait) était un agent secret du KGB, reprenant une "info" de L'Express (Plenel avait déjà fait le coup avec les Irlandais de Vincennes, profitant de bosser dans un quotidien pour sortir les infos des autres avant). Le démenti arriva quelques jours plus tard, dans un tout petit encadré en dernière page. L'explication de cette entourloupe est plus simple. Hernu était un "compagnon de route du PC", comme pas mal de gens de gauche, mais la DST en a fait un agent de l'Est : L'Express et Le Monde ont relayé cette opinion infondée.
Continuant à régler ses comptes avec la presse (tout le monde l'a viré, forcément) et en préchant pour sa (nouvelle) paroisse, Internet, Schneidermann a fait sa chronique sur cette presse traditionnelle qui se "saborde" : annonce prématurée de la disparition de Pascal Sevran, suite à l'ordre donné par Elkabbach à sa rédaction (d'Europe 1), reprise ensuite en direct sur France 2 par le pauvre Laurent Ruquier, lisant un communiqué tendu par la rédaction en chef de France Télévisions.
Les errata, convocations polies devant le CSA ne changent rien à la faillite de la presse française. Inutile de chercher des explications hasardeuses genre pression de la concurrence, chasse aux scoops, etc. Ce ne sont pas des cas isolés. C'est au Monde, à L'Obs, à Europe 1, à France 2 que ça se passe. Ce sont les Jean-Pierre Elkabbach, Arlette Chabot, Airy Routier, Edwy Plenet et autres qui lancent de fausses informations. Ces gusses sont là depuis des lustres, depuis Pompidou ou Giscard. Lorsqu'ils écrivent, disent, lancent des conneries, ils ne sont pas virés. Ils sont mauvais mais toujours là.
La prime à la casserole ne profite pas qu'aux politiques et aux dirigeants des grandes entreprises. Les "journalistes" bénéficient de la même immunité.
C'est une spécificité française : les branleurs incompétents ne sont pas virés.
En connivence avec le pouvoir, ils restent en place, se tenant par les coudes ou par les couilles (beaucoup couchent ensemble, certains sont même mariés), craignant aussi un risque systémique en faisant le ménage parmi les inconstants.
Plutôt que de s'interroger sur la baisse d'audience des chaînes télé et des radios, des ventes en berne de la presse, et du crédit en chute libre que l'on leur accorde, on continue avec les mêmes, dans un cynisme et un mépris tellement criant que ça commence vraiment à se voir.

En photo, François-Henri de Virieu, parfaite illustration mon propos : ancien du Monde, de L'Obs, de France 2 (tiens, tiens...) qui avait déclaré, après l'arrêt de son émission L'Heure de vérité avoir été "aux ordres" du pouvoir qu'il recevait, tout en prétendant à l'époque interroger les politiques de façon moins déférente qu'auparavant. "En février 1995, il avait été cité comme témoin dans l’affaire d’abus de biens sociaux de Pierre Botton, à propos d’un envoi de fleurs et d’une subvention versée au club sportif de sa commune de Marly-le-roi (Yvelines), dont il sera élu maire en juin de la même année" rappelait L'Huma dans sa nécrologie.


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