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"L'argent des autres" d'Emmanuel Martin

Publié le 13 octobre 2014 par Francisrichard @francisrichard

Les pays occidentaux sont tous endettés. Mais il y a des pays plus endettés que les autres. La France en fait partie. Chaque Français naît désormais avec une dette substantielle comme cadeau de bienvenue sur Terre, parce que les Français qui l'ont précédé, ou le précèdent, se sont montrés, et se montrent, irresponsables.

Les Français constituent en effet une société à irresponsabilité illimitée. Comme il n'existe pas de responsabilité collective, cela signifie que chacun d'entre eux est responsable peu ou prou de l'état actuel du pays et que sa conscience s'est accommodée, et s'accommode, fort bien de disposer de l'argent des autres, qu'il soit présent ou futur.

Dans son petit livre éponyme, Emmanuel Martin détricote cette déresponsabilisation générale, à l'origine des crises actuelles. Il le fait à l'aide de l'analyse économique, qui se base sur la compréhension des mécanismes de l'action humaine. Tout homme agit en effet en fonction d'incitations, d'information et de connaissance.

Les incitations? "Les politiques de bonnes intentions créent généralement les mauvaises incitations". Pourquoi? Parce qu'on ne pense pas aux "conséquences inattendues". On ne voit que le bon côté apparent des choses, on ne voit pas ce qu'il coûte en réalité.

L'information? Le mécanisme des prix est normalement "une magnifique machine à distribuer de l'information sur les réalités économiques", donc à "guider" les choix, à condition qu'on n'intervienne pas pour en distordre les signaux.

La connaissance? "Du fait de la nature physique de notre corps et du monde nous ne pouvons être qu'à un endroit à la fois [...]. Et en partie à cause de ce fait, nous pouvons avoir connaissance d'un fait que personne d'autre n'a. Cette connaissance d'une "opportunité" nous permettra d'en tirer un revenu en l'exploitant."

Pour que l'information (objective) et la connaissance (subjective) puissent être exploitées à bon escient par l'homme, encore faut-il qu'il soit libre et responsable de ses actes. Quand il fait le bon choix, il en est récompensé. Quand il fait le mauvais choix, il en subit les conséquences. Dans le capitalisme responsable, la carotte ce sont les profits, le bâton les pertes:

"Le risque de pertes, voire de faillite, agit comme une incitation à éviter de prendre de mauvaises décisions."

Etre libre et responsable ne signifie pas "être libre de faire ce qu'on veut et d'être finalement toujours sauvé par l'argent des autres".

Pour que le capitalisme marche, il faut donc que le système de profits et pertes existe.

Pour que la démocratie marche, il faut, de manière analogue, qu'il y ait reddition des comptes:

"Le rôle de l'homme politique est à bien des égards de gérer l'argent des autres, étant donné sa fonction de représentation."

Or la reddition des comptes n'a pas lieu en France parce que la Cour des Comptes contrôle mais n'a pas de pouvoir, et que le Parlement a théoriquement le pouvoir mais que c'est l'administration qui le détient pratiquement.

L'argent des autres, prélevé en quantité toujours plus grande, peut donc y servir, impunément, à accorder des faveurs ou des privilèges électoralistes, à redistribuer, à subventionner des entreprises ou des syndicats, à préserver des emplois inutiles, à créer des emplois bureaucratiques, à créer un capitalisme de copinage ou de connivence, etc.

Emmanuel Martin développe deux exemples, celui de la tragédie de l'euro et celui des subprimes, où la connivence entre économie et politique s'est traduite par la privatisation des profits et la mutualisation des pertes, c'est-à-dire ce qu'on peut faire de mieux avec l'argent des autres, discréditant par là même le capitalisme responsable qui lui est amalgamé.

Le remède aux crises actuelles est "de réinjecter massivement de la responsabilité individuelle dans nos sociétés":

"Que des pseudo-capitalistes ne puissent plus jouer avec notre argent grâce à leurs connexions politiques! Que des politiques ne puissent plus, eux non plus, jouer avec notre argent en se cachant derrière l'opacité des institutions! Que la bureaucratie, déjà pléthorique, cesse de prendre prétexte de ses propres échecs pour gaspiller toujours plus notre argent! Que nous puissions enfin être véritablement solidaires - et pas juste dispendieux de l'argent des autres"

Francis Richard

L'argent des autres, Emmanuel Martin, 90 pages, Les Belles Lettres

Dans la même collection des Insoumis, dirigée par Patrick Smets:

Le silence de la loi de Cédric Parren

Libérons-nous de Pascal Salin

Prohibitions de François Monti

D'or et de papier de Benoît Malbranque


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