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Photographie de laboratoire : Patrick Bailly-Maître-Grand au MAMCS

Publié le 17 octobre 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

N'en déplaise à Man Ray (qui un jour a publié ceci), la photographie, c'est tout un art ! Un art manié avec dextérité et originalité par l'artiste Patrick Bailly-Maître-Grand. Le Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, qui a reçu de la part de l'artiste une importante donation, vient de lui consacrer une très belle rétrospective, nous offrant l'occasion de plonger dans son univers étrange et énigmatique.

 

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Patrick Bailly-Maître-Grand, « Hommage à Arp », 1988. No 1/5. Série de 12 éléments. Épreuves au chloro-bromure, avec virage par zone, 35 × 35 cm© Patrick Bailly-Maître-Grand

Les œuvres auxquelles nous sommes confrontés dans cette exposition peuvent nous laisser perplexes. S'agit-il bien de photographies ? Le réel ne figure pas vraiment sur ces images où tout est déformé, inversé, indéfinissable. Dès l'entrée, les digiphales, de gigantesques empreintes digitales blanches sur fond noir disposées telles des totems donnent le « la ». L'empreinte, la trace, les gouttes, ou encore les ombres, sont des effets récurrents dans le travail de l'artiste. Ainsi, on jurerait que ces Alouettes et ces Herbes hautes sont réalisées à l'encre de Chine. À la manière des estampes japonaises, on note également l'aplatissement des images, dont l'espace quasi abstrait ne comporte nul point de fuite, où il n'est question que d'un seul plan, que d'un contraste de noir et de blanc. Loin de cantonner des morceaux de réalité entre leurs quatre côtés, les photographies de Patrick Bailly-Maître-Grand sont de véritables fenêtres ouvertes sur l'imaginaire. Dans cet univers fantastique, on rencontre des vanités, des poupées aux gueules cassées, des draps ensanglantés, des spectres d'écorchés, de la vaisselle en plein vol. Un monde tantôt onirique, tantôt angoissant, qui n'est pas sans évoquer le surréalisme.

 

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Patrick Bailly-Maître-Grand, « Formol’s Band », 1986. Nos 2/2, 1/2, 1/2. Périphotographies, épreuves au chloro-bromure d’argent avec virage, 90 × 70 cm  © Patrick Bailly-Maître-Grand

Patrick Bailly-Maître-Grand n'utilise pas le medium de manière traditionnelle, mais de manière expérimentale. De formation scientifique, la photographie argentique lui permet de faire appel à ses connaissances en physique, chimie, mathématiques, pour explorer d'anciennes et de nouvelles techniques de tirages. Au cours de l'exposition, une vidéo dans laquelle il expose ses différentes techniques, lève le voile sur le mystère de ses photographies. C'est là par exemple, qu'il nous présente la périphotographie, qui consiste en une prise de vue d'un objet à 360 degrés, ce qui implique que l'appareil doit faire le tour de l'objet en un mouvement circulaire et en plusieurs secondes. Cet espace temps de la prise de vue se retrouve alors condensé et aplati dans la photographie finale, ce qui lui confère une certaine étrangeté – Formol's band, illustration ci-dessus. En bon physicien, la suspension du temps et la décomposition du mouvement, sont des notions que l'on retrouve notamment dans les Scènes de ménage, ou encore les Rocking Chairs, à l'instar des travaux de chronophotographie d'Etienne Jules Marey. Mais ses œuvres les plus fascinants sont sans nul doute les rayogrammes, qui ne nécessitent pas de prise de vue avec un appareil. Il s'agit en effet d'exposer directement à la lumière pendant quelques secondes une surface photosensible sur laquelle l'artiste a disposé un objet. C'est donc l'empreinte directe de la lumière sur le papier photographique qui va dessiner et faire apparaître l'objet en question.

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Patrick Bailly-Maître-Grand, « Les Rocking Chairs », 2003. Nos 3/3, 3/7, 3/7, 2/7, 2/7. Épreuves au chloro-bromure d’argent avec virage, 1 de 60 × 60 cm, 4 de 40 × 40 cm © Patrick Bailly-Maître-Grand

Si parfois la lecture des techniques de certaines de ses photographies laisse rêveur et constitue déjà tout un poème « Épreuve au chloro-bromure d'argent avec virage », on comprend cependant qu'il n'y a rien de magique dans les photographies de Patrick Bailly-Maïtre-Grand, mais qu'elles sont le fruit de nombreuses expérimentations scientifiques. L'artiste utilise la phase de tirage pour façonner ses images, pour leur apporter cette touche si particulière, à la manière d'un peintre qui travaille la matière de son pigment. Pourtant, la puissance qui se dégage de ces photographies, leur potentiel à faire voyager notre esprit, à nous déstabiliser même parfois, à nous projeter dans un monde irréel, ne relève d'aucun réglage mathématique, mais du grand talent de l'artiste.   
Ophélie.
Infos pratiques :
 
Patrick Bailly-Maître-Grand "Colles et Chimères"
Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg
Du 28 juin au 19 octobre 2014
Ouverture du mardi au dimanche de 10h à 18h. 
Tarif plein : 7€ - Tarif Réduit : 3€50
Pour aller plus loin : http://www.baillymaitregrand.com/


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