Magazine

Transcrire la mémoire familiale-3: Romanetta, une grand-mère corse

Publié le 19 octobre 2014 par Chantalserriere

1-Grossa

12 octobre 2014.

Corse du sud

Il y a plusieurs cimetières à Grossa, ce lieu situé dans "l'au-delà des monts" selon les chroniques très anciennes de Giovanni della Grossa. De tout petits cimetières privés. D'autres, plus grands, également. L’arrivée dans le village se fait en longeant ces jardins des morts fermés par des grilles non verrouillées. Les défunts reposent, entourés de leur parentèle, à l’intérieur de maisons-tombeaux.

cimetière à Grossa (Corse)

Pas de fleurs, exceptées çà et là, celles de lauriers roses. Parfum âcre du thym sauvage. Ombre des vieux chênes-verts. Bourdonnement d’abeilles cachées dans les bosquets.

Nous sommes à la recherche de Romanetta, mais elle n’est pas là. Est-ce à dire que Romanetta n’est plus là ? En définitive, fut-elle un jour en ce lieu?

Au bout du chemin, dominant l’alentour, la mairie est totalement éventrée. Son ossature minérale est livrée à d’indéchiffrables travaux de réaménagement. La bâtisse est grande, bien trop grande pour ne servir que de mairie à ce village perdu dans le maquis, minuscule,  juché sur les hauteurs, entre Pila-Canale et Sartène.

Grossa (Corse du Sud)

Hameau désert. La chaleur intense a figé le paysage. Volets fermés des résidences secondaires. Portails verrouillés. Maisons hautes. Derrière sa fenêtre ouverte au premier étage, un homme scrute le voisinage. Au passage de la voiture, il recule et se cache derrière le miroir rond qu’il a placé devant son visage. Il paraît seul occupant de ce village fantôme.

Demi-tour. Au carrefour, une voix venant du ventre d’une maison à la porte entrouverte. La voiture est arrêtée. Nous tendons l'oreille. La voix . Une seule voix. Au téléphone. Puis, le silence. La porte se ferme. Impossible de rencontrer l'un des rares habitants du lieu. Une voiture blanche, déjà croisée lors de l’arrêt devant les tombes, s’immobilise face à nous. Le conducteur observe. La camionnette repart et va se garer derrière l’église.

Eglise de Grossa

Le hameau garde le silence. La voix humaine s’est tue. Mais ce n'est pas vraiment le silence. Le bourdonnement des abeilles et la polyphonie du chant clair d’oiseaux multiples animent l’espace surchauffé.

Quitter le lieu, bredouilles. Descendre lentement la route bordée de bosquets d’un vert somptueux qui conduit à Sartène et plus loin, jusqu'à Bonifacio.

Pourtant l’état civil l’atteste. Romanetta Padovani est morte ici en 1873. Romanetta Padovani, un nom si musical! Elle est notre  lointaine grand-mère, notre trisaïeule. Ancêtre mythique dont le nom est parvenu jusqu'à nous grâce à la tradition orale, les propos sans cesse repris et contés par nos mères. L’enfant qu’elle attendait, son 5° enfant, alors qu’elle a 43 ans, est décédé lui aussi, à Grossa, la même année.  Probablement morte en couches, Romanetta n'est pas revenu à Pila-Canale. Son bébé n'a pas survécu. Aucune maison-tombeau ne porte cependant au fronton de sa façade la trace de leur passage arrêté.   Ni la mère ni l’enfant au nom étrange, Padovano Hannibal, ne repose dans l'un des jardins des morts que nous avons visités.

Mais qu’allait donc faire Romanetta, enceinte, dans ce tout petit village éloigné de Pila-Canale, où son mari, Charles Cottaz (1824-1894) né en Savoie, exerçait ses fonctions de gendarme ? Pourquoi s'était-elle risquée à emprunter ces chemins montants et caillouteux, tels qu’ils devaient l’être à l’époque ? Est-elle arrivée à pied? A dos d'âne?  En voiture à cheval? Y avait-il à Grossa, une sage-femme à la réputation dépassant les frontières du village? Le gendarme du continent accompagnait-il son épouse que sa grossesse après 40 ans dans la deuxième moitié du XIX° siècle, devait probablement inquiéter?

Romanetta  laissait quatre orphelins:  Marie-Madeleine  âgée de sept ans,  Marguerite, qui  en avait cinq, Françoise qui allait sur ses trois ans, et un petit garçon de dix ans, ainé de la fratrie, Joseph Napoléon (1863-1949). Charles, son père, le confia alors à l'éducation militaire de l'école des Enfants de Troupe à Châteauroux. Il y passa la fin de son enfance et son adolescence jusqu'à ce que la toute nouvelle ville de Montceau-les-Mines lui offre un emploi correspondant à sa formation au Train des équipages, comme garde-barrières, mais aussi et surtout à ses aptitudes musicales! C'était en effet, un excellent clarinettiste et il allait participer à la formation des musiciens des Houillères de Blanzy.

Harmonie Blanzy_r
Il allait aussi fonder une famille qui allait être la nôtre. Je l'ai connu petite fille, ce Joseph Napoléon, musicien corse exilé à 10 ans sur le continent. C était mon arrière-grand-père.
Joseph Napoléon Cottaz_r

Portrait de Joseph Napoléon Cottaz (1863-1949), né à Pila-Canale, mort à Montceau-les-Mines. Il se trouve  4°, à partir de la gauche, au premier rang, sur la photo de l'Harmonie.

Son fils, Pierre-Charles Cottaz (18946 1954), né et mort à Montceau-les-Mines, occupe la 5° place au 3° rang à partir de la droite.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Chantalserriere 119 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte