notes sur un livre à venir (2)

(...) « Comment éprouver l'absence comme si elle était une présence, et la présence comme l'absence qu'elle est ? » Juarroz
« Le modèle chéri bouge ; on n’en a jamais que des photographies manquées. Je ne savais vraiment plus comment étaient faits les traits de Gilberte sauf dans les moments divins où elle les dépliait pour moi ; je ne me rappelais que son sourire. » Proust
Je ne me serais pas retenu, le livre aurait été truffé de ces phrases auxquelles on voue un culte, dont Kafka est prodigue et qu’on saisit en ce qu’elles vont rejoindre des préoccupations personnelles, rattrapent des idées floues qu’elles restaurent aussitôt. La traversée, c’est aussi cette traversée des choses en nous : livres, idées, images, musiques. Dans ce road movie contemplatif, nourri de cinéma, le personnage traverse un territoire, un temps, un moment de sa vie, tout autant qu’il se laisse traverser par lui, par eux, n’étant plus qu’objet de ces mouvements qui le dépassent. Mais pourrait-il dire qu’il est passé d’un état à l’autre, qu’il a résolu la transition ? Il me semble que non. Tout demeure confus, l’obscurité (la forêt dans laquelle il pénètre au sens propre comme au figuré, cette espèce de cataracte qui réduit son camp visuel) le gagne par le dehors tout autant que par le dedans. Aucune démonstration qui viendrait boucler le livre et le justifier. N’en reste au mieux que cette réalité excédante des objets ordinaires dont on ne sait tout à fait s’il elle n’est pas imaginaire, romanesque ou cinématographique (on retrouve des plans similaires, tout chargés d’angoisse, chez Antonioni). On s’en remet à ce désarroi, c’est peut-être ça écrire.