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Freedom summer au Mississipi

Par Gangoueus @lareus
Freedom summer au Mississipi
Le 5 septembre dernier, je participais au lancement du 4ème festival international des films de la diaspora Africaine. Le think-tank indépendant L’Afrique des idées dont je suis le responsable de la rubrique Culture est partenaire de cet événement depuis deux ans. Je n’aime pas m’étendre sur ces activités parallèles. Pourtant, j’ai l’occasion par l’entremise de cette plateforme de faire des choses passionnantes, de travailler avec des jeunes africains ambitieux qui n’hésitent pas à penser l’Afrique avec leurs propres mots.Pour revenir au FIFDA, cette année, le film d’ouverture a été le documentaire Freedom Summer du réalisateur Africain-Américain Stanley Nelson. Est-il essentiel de préciser la dimension ethnique de l’auteur ? Oui. Car sur  ces questions, et c’est tout l’intérêt du FIFDA qui se définit comme un festival de cinéma d’art et d’essai avec un point de vue afrocentré, cette prise de parole libre d’un tel auteur sur ce type de sujet n’est pas neutre. Pourtant, et c’est d’ailleurs tout l’intérêt de ce film, le regard du documentariste est marqué cette absence de positionnement. De quoi parle-t-on ?Freedom Summer revient sur le projet un été de liberté au Mississipi initié par le mouvement étudiant, non violent et indépendant SNCC avec l’objectif d’amener le plus grand nombre des populations afro-américaines du Mississipi à s’inscrire sur les listes électorales pour avoir le droit de voter. Il faut dire qu’on part d’un niveau particulièrement dans cet état (6% de populations noires inscrites) même en comparaison avec les autres états sudistes. Et ceux malgré les campagnes « Freedom Riders » où Blancs et Noirs sillonnaient le sud des Etats Unis  assis côte à côte dans les mêmes bus pour déconstruire les fondements des régimes ségrégationnistes. Avant de décrire l’opération FS, il prend le temps de plonger le spectateur dans l’atmosphère glauque de la terre de William Faulkner. Peur, terreur régissent les rapports entre les communautés noires et blanches. La menace démocratique est réelle : Les Noirs sont plus nombreux et tous les subterfuges sont bons pour les maintenir dans la méconnaissance de leurs droits civiques ou pour les empêcher de l’exprimer par des représailles souvent économiques voir physiques. Les procédures d’inscription sont elles-mêmes rendues complexes pour toute personne n’ayant pas un niveau d’instruction scolaire solide.Bob Moses vient durant un été sillonné les fermes des paysans pauvres et intimidés. Il vient seul l’été 1960 pour encourager ces populations à prendre conscience de leurs droits. Les étés qui suivent, quelques dizaines de membres de la SNCC repartent à l’assaut de ces zones rurales. Sans que leurs actions n’aient un impact au niveau national. Et c’est à ce moment, que stratégiquement, la SNCC décide de lancer une opération de grande ampleur à la fois dans le Mississipi et au niveau de l’état fédéral : Recruter un millier d’étudiants des grandes universités américaines pour descendre dans le Sud pafin d'aider les prolétaires Noirs à s’inscrire sur les listes électorales. C’est une action à la fois pratique et médiatique qui n’est pas sans risque. Pour preuve, trois étudiants (un Noir et deux Blancs) sont assassinés par le Ku Klux Klan au début de l’été 1964.Je ne m’étendrais pas sur le détail de l’action. Les images sont fortes sur l’esprit de corps qu’il a fallu initier entre les volontaires Blancs et les membres Noirs de la SNCC. Entre les chantres d’un pays rêvé et idéalisé et ceux qui chaque jour étaient meurtris dans leur chair même en habitant le nord des Etats Unis, la démarche n'a pas été naturelle. C’est aussi des figures étonnantes qui émergent comme celle Fany Lou Hammer, métayère et leader du mouvement dans le Mississipi.Le sujet est complexe, un peu long parfois. Il ne peut en être autrement si on veut traiter une telle question.La projection du film a été suivie par un débat avec le réalisateur, Stanley Nelson. Un homme brillant et très simple, passionné par le sujet et qui, après Freedom Riders et Freedom Summer, travaille actuellement sur un documentaire sur le Black Panther Party. Il y a quelque chose de très intéressant qu’il a mentionné sur des images qui restent très présentes de celles et ceux qui les ont vus. Les face à faces de militants non violents Noirs avec les forces de l’ordre sont le résultat d’une stratégie de communication bien pensée. Nelson indique que dans son enfance, il a été imprégné de ces images.
Comme je participais au débat en représentant de l’Afrique des idées, une question m’a été posée sur une transposition de cette réalité américaine et sur la question des discriminations raciales. Une question qui fait sens pour l’Observatoire de la Diversité culturelle, partenaire d’un festival se tenant à Paris. Mais quelque peu incongrue après la diffusion du film, tellement les réalités historiques, sociales furent et sont encore différentes. Mais il semble que ce qu’il faudrait retenir de ce projet Freedom Summer, c’est la détermination des leaders de la SNCC, la stratégie employée pour prendre cette Bastille sudiste en impliquant tous les américains dans ce combat. Vu sous cet angle le combat de Bob Moses, Fannie Lou Hammer et Rita Schwenner parle à la France d’aujourd’hui et aux jeunesses africaines sur le continent. Il n’y a pas de fatalité, juste des gens qui se lèvent contre vents et marées. Est-ce audible aujourd'hui?

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