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Rencontre : Céline Sciamma, réalisatrice de «Bande de filles»

Publié le 31 octobre 2014 par Masemainecinema @WilliamCinephil

La grande salle du Star Saint-Exupéry de Strasbourg était pleine pour la venue de Céline Sciamma, le lundi 7 octobre 2014, pour l’avant-première de Bande de filles. La réalisatrice y était déjà venue présenter ses deux premiers long-métrages, La Naissance des pieuvres et Tomboy. Après un très long applaudissement, elle a répondu avec plaisir aux questions des spectateurs, dans une rencontre cinématographique pleine d’humour.

« Il n’y a rien de plus intéressant que ces jeunes filles, explique Céline Sciamma quand on lui demande pourquoi elle a voulu parler d’elles. Elles sont un vivier de talent absolu. Le point du départ du projet, c’est parce que j’étais séduite par l’énergie de ces groupes de filles que je croise dans la rue. C’est le projet qui a grandi le plus longtemps dans ma tête alors que d’habitude cela se fait vite. Le point de bascule, c’est un sentiment, quand une opportunité de fiction rencontre une réalité. »

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Une spectatrice la félicite d’avoir choisi ces personnages. « Ce sont des jeunes filles qui veulent se battre et montrer qu’elles existent. C’est une vraie image de la société française, la belle jeunesse française. Comment les avez-vous choisies ? » La réalisatrice raconte alors le long casting sauvage avec des non professionnelles. Elle dit avoir rencontré plusieurs centaines de jeunes filles. « J’ai rarement été confrontée à autant de talent, sans doute parce que ces jeunes filles jouent beaucoup dans la vie. Après, il faut voir si elles sont capables d’assumer un texte.« 

« Je pouvais faire le film de la diversité qui arrange tout le monde. »

Quelqu’un se demande alors s’il n’y a pas un risque de stigmatisation, avec un tel film. La salle se souvient de la polémique que certaines associations avaient voulu créer avec Tomboy. Céline Sciamma a alors une belle réponse : « Oui, il y a un risque… Les mondes qui meurent sont bruyants… Ça s’appelle l’agonie. »

« Je pouvais faire le film de la diversité qui arrange tout le monde. Mais qu’est-ce qu’on a fait… pour mériter ça ? » Encore une fois, rires dans la salle. Ce n’est pas la seule allusion qu’elle fait à ses contemporains. Céline Sciamma a beaucoup d’humour, et la salle l’apprécie autant qu’elle a aimé son film.

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Récit d’émancipation

La cinéaste se réclame de Jane Austen et Jane Campion, pour la façon de raconter ses personnages. « J’ai voulu prendre ces jeunes filles pour ce qu’elles sont et proposer un récit d’émancipation classique : une jeune fille qui veut vivre sa vie. Mes personnages vivent dans des contrastes, ils ne sont pas enfermés dans des clichés. Le film ne théorise pas. »

S’est-elle documentée ? Très peu. « Je ne voulais pas être du côté du fait divers. La seule documentation, c’est sur le phénomène de bande de filles : on dit qu’elles sont plus violentes. C’est faux, ça n’existe pas. » Par contre, elle a beaucoup suivi ses quatre actrices, de très près. « Les sentiments qui m’ont traversée sont assez intimes quand mêle car je me nourris des relations entre les personnages, de leur amitié. On est une bande de cinq, je suis le 5e élèment.« 

Un personnage qui trace sa ligne

A propos de Vic, la protagoniste : « C’est un perso qui ose refuser un endroit où il y a des possibles. Elle aurait pu par exemple se faire virer de l’école, mais elle dit non à quelque chose de possible. Cela en fait plus une héroïne qu’un personnage dans la marge. C’est un personnage qui trace sa ligne.« 

Quelqu’un demande comment elle a fait pour ne pas tomber dans la rébellion totale par rapport à l’homme ? « Je n’en ai jamais eu la tentation. Le système de domination des hommes se retrouve entre les filles, par exemple Vic et sa soeur. Les garçons dans le film sont iconiques, comme souvent les femmes sont iconiques au cinéma.« 

A-t-elle voulu signifier quelque chose avec la couleur bleue ? « Non, il n’y a pas de symbole. J’y retourne souvent, je pense que c’est parce qu’elle permet de faire des basculements vers des choses plus oniriques, plus fantasmatiques. » Comme cette belle scène de danse, où l’onirisme est là, sans aucun doute.

Entre humour, réflexions sur la manière de filmer ou de choisir un sujet et allusions à la politique qui n’est jamais loin, c’était une belle rencontre, entre les cinéphiles strasbourgeois et Céline Sciamma.

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Rencontre avec Céline Sciamma après la projection de Bande de filles au Star Saint-Exupéry de Strasbourg, le 7 octobre 2014.


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