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L’Haïtienne Yanick Lahens décroche le prix Femina

Publié le 04 novembre 2014 par Fredlafortune

L’écrivaine touche au plus près de son peuple et de l’histoire de son île dans “Bain de lune”, un grand roman paysan et poétique.

Yanick Lahens a reçu le prix Femina avec son émouvant livre Yanick Lahens a reçu le prix Femina avec son émouvant livre “Bain de lune”. © BALTEL/SIPA

Par VALÉRIE MARIN LA MESLÉE

“Dans toute cette histoire, il faudra tenir compte du vent, du sel, de l’eau, et pas seulement des hommes et des femmes”, murmure la jeune naufragée du nouveau roman de l’Haïtienne Yanick Lahens, qui vient de recevoir le prix Femina. Sauvée des eaux, la jeune fille interroge le grand livre familial qui s’étend de la fin des années 1950 à la fin des années 1980, remontant son arbre généalogique planté au coeur d’un village du bord de mer d’Haïti, Anse bleue. C’est un voyage total, comme ceux qu’un livre réussi fait accomplir au lecteur le moins averti de ces paysages et de cette histoire tumultueux que l’écrivaine offre dans Bain de lune. Elle y découvre le substrat de son île en suivant les destins de deux familles, les Lafleur et les Mésidor, réunies par le coup de foudre, un jour de marché, de Tertulien Mésidor pour Olmène Dorival, descendante Lafleur.

Petits bijoux

Se laisser “baptiser” par la poésie de tous ces noms qui ponctuent le roman et la présence naturelle du créole est la première étape d’un parcours qui s’arrête sur chaque génération. À côté des amours et déchirures de la vie privée, merveilleusement contées, la grande prouesse est encore au moins double : faire entrer l’histoire politique de l’île dans la vie quotidienne des personnages, ou comment Fénelon Dorival devient Tonton macoute au service de “l’homme à chapeau noir et lunettes épaisses” (François Duvalier) pour ne citer que son exemple, tout en montrant la force des croyances, le dialogue avec les éléments et la joyeuse chaleur humaine de ce monde paysan d’une résistance constante au pire.

Plus on avance dans le siècle, plus il y a de départs dans la famille… Et les scènes, comme de petits bijoux, retracent ce que le pays, avec sa succession de “loups du moment”, a vécu dans sa chair. Rien que ce jour où Léosthène Dorival revient au pays : il tait d’abord aux siens son départ en bateau au fond d’une cale atroce, pour raconter fièrement son retour en avion, qui fait l’événement à Anse bleue où le jeune homme retrouve le paysage et la case de son enfance, où il respire “l’air de cette unique pièce où sommeillait son innocence”. Dans la tradition haïtienne du roman paysan, marquée par le classique de Jacques Roumain Gouverneurs de la rosée et plus récemment par La Belle Amour humaineoù Lyonel Trouillot faisait entendre les voix du village d’Anse-à-Foleur, ce Bain de lune de Yanick Lahens s’impose par sa grande beauté lucide.

Source: Le Point.fr


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